Louis Guédet

Vendredi 9 octobre 1914

28ème et 26ème jours de bataille et de bombardement

8h1/2 matin  On s’est battu toute la nuit. Calme relatif ce matin. Le cauchemar continue donc toujours !!

11h  Porté mes lettres à la Poste, et en revenant rue de Vesle, en face de chez Varet (louage de voitures) je rencontre Gaston Laval qui m’apprend que son frère André, sous-lieutenant au 294ème de ligne, vient d’être blessé du côté de Vienne-la-Ville, le bras broyé qu’on est obligé de lui amputer. Pauvre enfant ! Quel coup pour sa mère !! (Il décèdera des suites de ses blessures à l’ambulance n°2 du 2ème Corps d’Armée, il est enterré dans l’ossuaire de Sainte Menehould).

5h1/4  Reçu à 3h une lettre de ma chère femme mise à la Poste le 6 octobre 1914. On peut donc écrire facilement. Reçu également deux lettres du docteur Guelliot me demandant divers renseignements sur sa maison rue d’Hermonville (rue Goussiez depuis 1932) qui n’est pas abîmée, et me charge de rechercher une liste de ses valeurs dans la commode Louis XV de son bureau. C’est fait, avec le brave Papa Clément. Vu aussi à l’Étude Jolivet, le travail de déblaiement et de descente des coffres-forts dans la cave se fait très bien. Quand tout sera descendu j’ai donné l’ordre de combler avec des décombres l’entrée de la cave afin d’éviter les cambrioleurs.

Vu le Sous-préfet M. Dhommée qui m’a dit d’écrire au Préfet de la Marne pour demander des nouvelles de mon Père. Il se chargera volontiers de ma lettre. Merci mon Dieu, et pourvu que les nouvelles soient bonnes…

8h soir  Je ne sais si j’ai dit plus haut que dernièrement, il y a 3/4 jours, j’ai reçu une lettre d’une certaine Mrs Baker, de l’Ile de Wight (England) qui me priait de vouloir bien lui faire parvenir, le plus tôt possible, dans une boîte en bois, par colis postal des fragments de la verrière de la Cathédrale de Reims, des morceaux de boites des portes de « Your Lovely » cathedral of Reims, pourquoi pas celle-ci toute entière, afin qu’elle puisse la revendre !! ne vous en déplaise !! J’ai exprimé à cette digne fille d’Albion tous mes regrets de ne pouvoir accéder à ses…  nobles et lucratifs désirs, pour la bonne raison que la Grande et la Petite Vitesse ne marchaient pas, et ensuite que ce n’était ni l’heure ni le moment, mais que par contre elle pouvait, s’il lui était possible, si elle le désirait, venir à Reims faire sa récolte en « fragments » sensationnels, mais que cependant je tenais à la prévenir que les Allemands étaient encore à nos portes et pouvaient envoyer pour sa collection quelques joujoux siffleurs de 100 kilos plutôt indigestes, même pour l’estomac d’une majestueuse « merchant » anglaise !!

Elle pourra faire encadrer ma lettre si bon lui semble !! Non, elle…  la vendra !! Business ! Business !!…

Voir en annexe cette lettre de Mrs Baker et la carte postale qui l’accompagne.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Le mardi 6 octobre dernier, mon beau-père avait eu la surprise et le plaisir de recevoir, vers 12 h ½, dans sa petite maison de la rue du Jard 57, où ma famille est réfugiée depuis le 20 septembre, la visite de son second fils Albert, venu par auto, en mission, en sa qualité de vice-président de la Société de la Marne, à Paris ; il était accompagné par m. Armand Marx, autre Rémois d’origine, membre du comité de la même société, qui les avait délégués à Reims, afin de remettre à M. le Dr Langlet, maire, une plaquette, en témoignage de l’admiration de la Société de la Marne, pour son héroïque conduite comme magistrat municipal et son stoïcisme sous le danger permanent. Ils désiraient obtenir, en même temps, de M. le maire, la liste des nombreuses victimes des bombardements, dans le but d’en donner connaissance aux Rémois réfugiés, au cours des réunions ayant lieu périodiquement au siège de la dite société, boulevard du Temple 29, à Paris ; de plus, ils apportaient à la mairie, un volumineux courrier dont les avaient chargés nos concitoyens émigrés, avides de renseignements de toute nature.

Sur la fin du déjeuner qui nous réunissait d’une manière si inattendue, nous en étions à causer joyeusement après l’échange des nouvelles dont nous avions, de part et d’autre, été privés longtemps, lorsque plusieurs coups brefs de 75, dans un voisinage assez proche, firent sursauter nos hôtes, qui n’étaient pas familiarisés avec ces bruits particulièrement secs et déchirants. Le dernier de mes fils, notre petit André, qui avait remarqué leur inquiétude, les rassurait aussitôt en leur disant simplement : « ce sont des départs ».

Quelques instants après, des sifflements suivis d’autres détonations, les mettant assez brutalement dans l’ambiance, ils nous questionnaient avec une anxiété non dissimulée. Cette fois, ce sont des obus, leur dit-on, mais ils ne sont pas pour nous.

Quatre ou cinq projectiles venaient d’éclater à distance et nous n’y attachions pas grande importance, car n’était rien en comparaison de ce que nous avions vu pendant l’épouvantable semaine du 14 au 19 septembre. En leur causant, nous ne pensions réellement courir aucun danger, tandis que ces jours là, on pouvait trembler avec juste raison, sous la violence inouïe du feu des batteries allemandes.

Il faut croire que nous avons été bien aguerris en traversant ces terribles journées, car à notre insu même, l’accoutumance nous laissait très calmes devant leur émoi.

Quelle idée de la vie à Reims avaient donc pu se faire nos visiteurs, en quittant Paris le matin de ce jour ? Pas exacte apparemment, car ce qu’ils entendaient avait pour effet de leur faire modifier le programme qu’ils s’étaient tracé.

Après s’être concertés et mis d’accord pour remettre à plus tard leur visite à l’hôtel de ville, ils nous faisaient leur adieux, à la suite d’une nouvelle explosion, en me confiant le courrier à déposer et en me laissant le soin de demander à la mairie, en leur lieu et place, la liste des morts.

J’avais accepté et c’est ainsi qu’après avoir soumis à M. Raïssac, secrétaire en chef de la mairie, cette demande de renseignements urgents que j’avais à solliciter au nom de la Société de la Marne, celui-ci m’avait dit le 7 :

« Oui, je comprends très bien que ces Messieurs tiennent à donner des précisions à nos concitoyens qui sont à Paris, sur les victimes du bombardement, puisque les journaux locaux sont loin d’avoir publié, jusqu’à ce jour, tous les renseignements sur les décès

(note : dans leur rubrique de l’état-civil, ils en étaient tout au plus, au milieu de septembre. Le Courrier avait désigné d’abord par une astérisque, les victimes du bombardement ; par la suite, il avait annoncé qu’il ajouterait à chacun des noms des tués, un tirer, mais ce signe ne figurait pas toujours).

Seulement, le travail en question est relativement important ; je ne pourrais pas l’exiger actuellement du personnel de l’état-civil surmené, d’abord parce qu’il s’est trouvé réduit et encore en raison du nombre considérable des actes à transcrire. »

M. Raïssac m’avait demandé alors :

« Pouvez-vous vous charger de cela ? – Volontiers. – Eh bien, venez ! avait-il ajouté, je vais vous installer tout de suite au bureau de l’état-civil, si vous voulez. »

J’avais donc travaillé les 7, 8 et dans la matinée du 9 octobre à l’élaboration de la longue liste des décédés depuis le 4 septembre, par suite des bombardements puis, sitôt ce document terminé, j’en avais prévenu le secrétaire en chef qui, après avoir jeté un coup d’œil m’avait dit ceci :

« Préparez un pli, vous verrez tout à l’heure M. Lenoir qui veut bien se charger de le remettre à destination ; il doit vous le demander, puisqu’il retourne à Paris aujourd’hui. »

Vers la fin de la matinée du 9, les renseignements étaient alors remis à M. Lenoir, député de Reims, pour leur acheminement rapide vers la Société de la Marne.

Au bureau de l’état-civil, je m’étais trouvé en pays de connaissance. J’avais pu établir assez vite et le plus exactement possible – en faisant la discrimination avec les décès pouvant être qualifiés d’ordinaires – ce dénombrement des victimes, comprenant trop bien les angoisses et l’impatience des réfugiés à Paris et ailleurs, devant l’incertitude dans laquelle beaucoup étaient au sujet de leurs parents ou amis laissé à Reims. Le jeudi 8 octobre, tout le personnel avait dû quitter précipitamment le bureau, à la suite d’éclatements d’obus trop près, mais le léger retard occasionné dans cette journée avait été regagné et, en somme, tout s’était bien passé. J’étais satisfait d’avoir mené à bien ce travail et très heureux surtout de savoir qu’il parviendrait sûrement, le jour même, à destination.

Voici quelques extraits de la liste préparée d’après les renseignements puisés à l’état-civil, jusqu’à la date du 9 octobre 1914, énumération profondément attristante, que l’on ne peut lire dans éprouver une véritable horreur, lorsqu’on y rencontre, de-ci de-là, les noms de trois, quatre et cinq membres d’une même famille : ·

Du 4 septembre 1914 :

  • 1948 – Poyat, robert, Lucien, Émile, 11 ans, rue de Vesle 104 ;
  • 1951 – Poulain, François, 56 ans, rue du ruisselet 32 ;
  • 1956 – Horn, Cécile, 28 ans, rue Eugène Desteuque 19 ;
  • 1957 – Mme Dussart-Lemoine, Émilie, Berthe, 33 ans, rue St Bernard, 4 ;
  • 1959 – Bidault, Gustave, comptable, esplanade Cérès 2 ;
  • 1961 – Junger, René, Paul, 7 ans, rue Souyn 8 ;
  • 1962 – Mme Stennevin-Junger, Madeleine, 44 ans, rue Souyn 8 ;
  • 1963 – Fauquet, Gustave, Lucien, 1 mois, rue Tournebonneau ;
  • 1966 – Mme Léger-Toussaint, Adeline, Augustine, rue du Barbâtre 191 ;
  • 1967 – Jacquemin, Édouard, 48 ans, rue de Louvois 4 ;
  • 1968 – Depontaillier, Rustique, Auguste, apprêteur, rue Dieu-Lumière 49 ;
  • 1970 – Merlin, Élisabeth, Marie, 4 ans, rue Clovis 59 ;
  • 1971 – Veuve Landragin, 70 ans, rue du Barbâtre 221 ;
  • 1972 – Mme Caudron-Remy, Rose, Léopoldine, 24 ans, d° ;
  • 1973 – Caudron, Eugène, Siméon, 2 ans, d° ;
  • 1974 – Rémy, Siméon, Louis, paveur, 61 ans d° ;
  • 1975 – Caudron, Eugène, Alfred, 19 ans, empl. De tramways, d° ;
  • 1976 – Fondrillon, Ernest, Léonard, 62 ans, empl., rue du Mt d’Arène 54 ;
  • 1978 – Thiltgès, Henri, 66 ans, concierge, rue St Pierre-les-Dames 9 ;
  • 1979 – Lahire, Jean-Baptiste, Louis, 82 ans, rue Fléchambault 28 ;
  • 1983 – Genay, Marie, Stéphanie, ouvrière en robes, 53 ans, rue d’Ay 28 ;
  • 1984 – Aucuit, Marcelle, Renée, Marie, 3 ans d° ;
  • 1985 – d°, yvonne, Julienne, Cécile, 3 ans, d° ;
  • 1987 – Mme Aucuit-Rohaut, 31 ans, couturière, d° ;
  • 1988 – Sanvoisin, Antoine, 74 ans, anc. Loueur d’ameublements, rue Davis 52 ;
  • 2004 – Merlin, Louise, 6 ans, de passage à Reims ;
  • 2006 – Mme Thiltgès-Pettinger, 64 ans, concierge, rue St-Pierre-les-dames
  • 2025 – Beaudet, Maximilien, Félix, Joachim, 44 ans, de Lavannes (Marne) ;
  • 2035 – Un homme inconnu, de 65 à 70 ans ;
  • 2036 – Un homme inconnu, de 55 à 60 ans ;
  • 2037 – Bourgeois, Madeleine, 1 mais, de Sedan (Ardennes)
  • 2038 – Plisson, Jean, 51 ans, domicilié vraisemblablement à Rocroi (Ard.) ;
  • 2041 – Schuller, 50 ans environ ;
  • 2064 – Vve Perbelet-Meunier, Louise, Irma, 40 ans, journalière de Rethel, etc. ; · Inscriptions du 16 septembre (victimes du 14)
  • 2159 – Mme Liégeois-Labauve, 30 ans, casquettière, rue du Barbâtre 23 ;
  • 2164 – Grojean, olive, 26 ans, domestique, rue Thiers 1 ;
  • 2165 – Mme Sorriaux-Fromage, Léopoldine, Joséphine, 39 ans, r. Croix-St Marc 139 ;
  • 2166 – Sorriaux, Charlotte, albertine, 17 ans, noueuse, d° ;
  • 2167 – d° albert, Paul 11 ans, d° ; 2168 – d° Marcel, René, 3 ans, d° ;
  • 2173 – de Lanzacx de laborie, lieutenant-colonel au 3e spahis ;
  • 2179 – Un inconnu ; 2180 – Gosse, Alice, Madeleine, Claire, Germaine, 21 ans, s/profession, rue Boudet 36 ;
  • – Bobenrieth, Léon, 16 ans, employé, rue Boudet, 10 ;
  • – Mme Fontaine-Faudier, 25 ans environ, rue Hellart ; puis venait la liste des malheureux soldats tué à l’ambulance Sainte-Marie-Supré, 10 rue boulet et mentionnés à la date du 14 septembre ; ensuite ;
  • – Une femme inconnue, de 60 à 70 ans, rue Thiers ;
  • – Noyet, Paul, 51 ans, employé de chemin de fer, cité de Bétheny 11 bis ;
  • – d° René, Paul, 24 ans d° – Mme Froment-Hardy, Blanche, Georgette, 29 ans, pl. des Loges-coquault ;
  • – Legras, Marie, Clotilde, 16 ans, rue Gambetta 82 ;
  • – Un artilleur français inconnu ;
  • – Un inconnu, etc. ·

Inscriptions du 18 septembre :

  • – Un soldat inconnu ;
  • – Un civil, du nom de Constant ;
  • – Tatin, Maurice, Charles, 14 ans, rue Havé 54 ;
  • – d° Marcel, Paul, 5 ans, d°
  • – M. Varenne, rue Ponsardin 21 ;
  • – Mme d°, d° ;
  • – Verrières, Jean, François, Émile, 60 ans, empl. Rue du Fbg Cérès 114 ;
  • 2336 – Bourgain, Léon, Arthur, 51 ans, journalier, rue du Barbâtre 64 ;
  • Ensuite, quatre religieuses de la même communauté ;
  • 2337 – Linster, Marguerite, Catherine, 41 ans, religieuse de l’Enfant-Jésus ;
  • 2338 – Piesvaux, Marie, Pauline, 61 ans, d° ;
  • 2339 – Bartz, Claire, Aline, 21 ans d° ;
  • 2340 – Binet, Lucienne, 19 ans, d° etc. ·

Inscriptions à la date du 20 septembre :

  • 2350 – Jacquin, Lucine, Pierre, Auguste, 57 ans, docteur en médecine, adjoint au maire de Reims, rueVilleminot-Huart 22 ;
  • 2352 – Caron, Théodore, Ferdinand, 44 ans, camionneur, rue de Thionville 11 bis ;
  • 2354 – Ferrand, Victor, Isidore, 55 ans, journalier, chaussée Bocquaine 40 ;
  • 2364 – Parmantier, Marie, Marguerite, Félicie, 23 ans, tisseuse, r de Metz 67 ;
  • 2366 – Inconnu, de 36 ou 37 ans environ ;
  • 2373 – Baudette, Berthe, 17 ans, rue des Trois-Fontaines 4, etc. · Inscriptions du 21 septembre :
  • 2381 – Mme Elard-Mirmont, 47 ans, fleuriste, rue du Barbâtre 150 ;
  • 2382 – Une femme inconnue, âgée de 30 ans environ ;
  • 2383 – Dubois, robert, rené, 15 ans, rue des Deux-Angles 7 ;
  • 2384 – Gouverneur, Cécile, Berthe, 2 ans, d° 8 ;
  • 2385 – Mme Lequet-Lepage, 54 ans, fleuriste, d° 7
  • 2392 – Champrigaud, Charles, Nicolas, Antoine, 59 ans, peintre, rue de Contrai 3 ;
  • 2393 – Gruy, Marie, Thérèse, Henriette, 12 ans, rue du Jard 14 ;
  • 2402 – Gerli, Jean-Baptiste, 35 ans, serrurier, rue des Romains 5 ;
  • 2416 – Six soldats français inconnus ;
  • 2417 – Un inconnu d’environ 14 ans
  • 2420 – Mauroy, 50 à 60 ans, venant de Nogent-l’Abbesse (Marne) ;
  • 2421 – d°, 45 ans environ d° ;
  • 2422 – Hourblin, Augustin, 18 ans, au petit-Bétheny ;
  • 2424 – Caron, Madeleine, 12 ans, rue de Thionville, 11 bis ;
  • 2430 – Choné, Joseph, 82 ans, route de Cernay 179 ;
  • 2431 – Marion, Joseph, 83 ans, rue Coquebert 7 ;
  • 2432 – Lachambre, Maurice, Henri, Marthe, 17 ans, place Amélie-Doublié 3 ;
  • 2437 – Un inconnu d’environ 40 ans ;
  • 2438 – Un enfant inconnu d’environ 12 à 14 ans ;
  • 2441 – Berton, Arthur, Edmond, 50 ans, tailleur de pierres, rue St-Thierry 18 ;
  • 2442 – Alisée, Alexandre, 72 ans, place Saint-Nicaise 4 ;
  • 2443 – Breton, Ernest, instituteur retraité, rue Chanzy 117, etc. ·

Inscriptions du 22 septembre

  • 2453 – Poudras, Lucienne, Maire, 5 mois, rue de Fléchambault 64 ;
  • 2458 – Une femme inconnue ;
  • 2459 – Un jeune homme inconnu, de 18 à 20 ans ;
  • 2460 – Rosquin, Pierre, 53 ans, caviste rue d’Alsace-Lorraine 120 ;
  • 2451 – Dadoize, Raymond, 33 ans, Wattmann, rue de Nice ;
  • 2467 – Cretin, Marie, Augustine, alphonsine, 44 ans ;
  • 2476 – Pitoy, Remi, Sébastien, 48 ans ;
  • 2478 – Destouches, Julien, Charles, 47 ans, rue Croix-Saint-Marc 96 ;
  • 2479 – Mme Destouches-Augé, Louise, Hélène, Ismérie, 30 ans, d° ;
  • 2480 – Destouches, Pierre, Nicolas, 8 ans, d° ;
  • 2482 – Rischard, René, François, Théodore, 2 mois, rue de Cernay 138 ;
  • 2483 – Une femme inconnue, de 50 ans environ ;
  • 2484 – Un homme inconnu, de 50 à 55 ans environ ;
  • 2485 – Martin, Pierre, 24 ans, verrier, Verrerie de Reims ;
  • 2487 – Lefèvre, Marcel, 18 ans, d°, d° ;
  • 2488 – Briot, Louis, Charles, 18 ans, verrier, d° ;
  • 2490 – Torras, Narcisse, 76 ans, bouchonnier, rue des Murs 16 ;
  • 2491 – Bart, Emile, Théodore, 16 ans, rue Chanzy 88 ;
  • 2504 – Mausen, Marguerite, 39 ans, domestique, rue Courmeaux 30 ;
  • 2508 – Font, Antoine, Quirique, Jean, 48 ans, bouchonnier, rue Gambetta 1, etc. ·

Inscrits le 23 septembre :

  • 2509 – M. Derobert, 62 ans environ, rue Courmeaux 30 ;
  • 2510 – Melle d°, 45 ans environ, d° ;
  • 2511 – Noël, Julie, Alphonsine, 10 ans, Verrerie 128 ;
  • 2514 – Germaine Carpentier ou Bébert, 11 à 12 ans environ, rue des Romains 50 ;
  • 2515 – Émile, d°, 6 ans environ, d° ;
  • 2528 – Un inconnu ;
  • 2533 – Une femme inconnue, âgée de 65 à 70 ans environ, rue Simon 26 ;
  • 2537 – Destouches, Juliette, 12 ans, rue Croix-Saint-Marc 96 ;
  • 2539 – Un soldat français inconnu ;
  • 2546 – Un homme inconnu, âgé de 50 à 60 ans ;
  • 2548 – Une femme âgée inconnue ;
  • 2554 – Macagasce ou Mascagane, Louis, soldat infirmier ou cycliste (vareuse boutons Union des Femmes de France) ;
  • 2560 – Parmentier, âgé de 25 à 30 ans, rue des Romains ;
  • 2561 – Une femme inconnue, âgée de 40 à 45 ans ;
  • 2573 – Mme Surply-Grandjean, 41 ans, sans profession, rue Aubert 19 ;
  • 2583 – Mme Dupont-Heurlier, 32 ans, d° ;
  • 2584 – Hourlier, Lucie, 13 ans, d° ;
  • 2608 – Battesti, général de brigade ;
  • 2609 – Désogère, Fernand, Joseph, 51 ans, adjudant retraité, rue Pierret 38 ;
  • 2610 – Dupont, Alfred, louis, Etienne, 9 ans, rue Aubert 19 ;
  • 2611 – Lachapelle, Léon, 7 ans, rue Montoison 16 ;
  • 2612 – d° Léonie, 7 ans, d° ;
  • 2613 – d° Elise, 9 ans d° ;
  • 2614 – d° Théophile, Léon, 45 ans, masseur, d° ; ·

Enregistré le 3 octobre :

  • – Stengel, Auguste, 75 ans, maître sonneur de la cathédrale, rue du Jard 14, etc. ·
  • Le 4 octobre :
  • – Marteaux, Jean-Baptiste, Auguste, 65 ans, cordonnier, rue de Berru 5. ·

Enregistrés le 6 octobre :

  • – Barré, Yvonne, Lucienne, Émilienne, 4 ans, rue de Cernay 291 ;
  • – d° Pierrette, Marguerite, Suzanne, 7 ans, d° ;
  • – d° (Mme, née Labouret), 31 ans, d° ;
  • – d° Louis, Alfred, journalier, 41 ans, d°

et malheureusement quantité d’autres encore (parmi lesquels beaucoup de soldats) dont les noms n’ont pas été reportés ici.

Si l’on considère que le numéro matricule d’inscription des décès dépassait 2700, le 9 octobre, après avoir commencé aux environs de 1940, le 4 ou le 5 septembre, on se rendra compte facilement de ce que le service de l’état-civil avait du recevoir de déclarations et enregistrer d’actes, pendant ce laps de temps de six semaines.

Le personnel était débordé.

Naturellement, il en était de même pour tous les organes ayant à apporter, malgré le danger, leur collaboration jusqu’à la sépulture (brancardiers volontaires ou Croix-Rouge, pompes funèbres et agences de décès, clergé des différentes paroisses, conservateurs des cimetières et fossoyeurs, etc.)

A noter, à ce propos, que si les mises en bière ont été assurées, en dépit de grandes difficultés, au cours de la terrible semaine du 1 au 19 septembre et jours suivants, la violence des bombardements permit rarement la formation de cortèges pour l’accompagnement des défunts aux services dans les églises, lorsqu’ils étaient possibles, ou dans les diverses nécropoles (note : Au cimetière de l’avenue de Laon, on n’enterra pas de victimes civiles de la guerre. il fut d’ailleurs fermé un peu plus tard, le 13 novembre 1914)

Du 16 septembre à la fin du mois, les cercueils durent souvent être conduits directement, en camion, de la Morgue, – où les cadavres des victimes étaient fréquemment déposés – jusqu’à la fosse, aux risques et périls du conducteur.

En raison de la gêne considérable apportée chaque jour par les obus et le nombre croissant des tués, au fonctionnement régulier du service des inhumations, les levées de corps, à domicile, ne pouvaient pas toujours être faites dans les délais d’usage ; il en est qui furent opérées péniblement cinq et même six jours seulement après les décès, et la mort d’une personne étant survenue à cette époque, dans la famille d’un officier habitant à proximité de l’église Saint-Maurice (note : Capitaine V. du 16e dragons, parti avec son régiment) ce fut l’un des fils de la maison qui se trouva dans la pénible nécessité de transporter, lui-même, le cercueil contenant le corps de sa grand’tante au cimetière du Sud, – trajet qu’il lui fallut effectuer avec une voiture à bras, sous un bombardement épouvantable.

– L’occasion de voir M. Raïssac, secrétaire en chef de la mairie, dont la charge était des plus lourdes depuis la mobilisation, et de lui causer assez librement malgré ses absorbantes occupations, m’ayant été offerte par les démarches que j’avais eu à faire auprès de lui, comme intermédiaire bénévole de la Société de la Marne, j’en avais profité, avant de le quitter dans la matinée, pour lui rappeler qu’après l’incendie du mont-de-piété je m’étais mis à la disposition de M. Le maire et lui dire qu’il pouvait m’employer quand il le jugerait à propos.

« Oui, c’est très bien »,

m’avait-il dit, ajoutant, après avoir réfléchi quelques secondes ;

« Revenez me voir au début de l’après-midi ».

Sitôt que j’étais retourné auprès de lui, il m’annonçait, avec sa bienveillance habituelle :

« Mais, dites-donc, je vais vous mettre au bureau de la comptabilité ; il me semble que vous serez dans votre élément. »

Puis, me questionnant, de sa petite voix très douce ;

« Cela vous ira ? – Parfaitement, M. Raïssac. – Et bien venez avec moi. »

M. Raïssac était l’amabilité personnifiée. Écrasé de labeur, il ne s’était pas départi de l’égalité d’humeur qui le caractérisait si bien avant la guerre. Sensible certes, aux épouvantables effets du bombardement, aux dégâts immobiliers,- il habitait la rue Saint-Symphorien lorsqu’elle fut détruite par les incendies de septembre 1914 – aux deuils causés parmi la population civile, il ne parut jamais déprimé. À le voir toujours si calme, il semblait que, pour lui personnellement, les obus étaient seulement une gêne désagréable dans l’accomplissement du service, le fait brutal d’un état de choses anormal, qui ne pouvait arrêter l’expédition des affaires courantes qu’en cas d’accident.

Il s’astreignait au travail non seulement pendant toute la journée, qu’il faisait longue, mais tard dans la soirée, conduisant tout et aplanissant les obstacles pour tous. Le fardeau qu’il portait était considérable ; on ne s’en apercevait pas dans sa manière d’être, toujours modeste, presque effacée, mais on sentait que sous son aspect plutôt chétif, cet homme de manières si simples et d’un abord si affable, possédait un ascendant puissant, décelant une force intérieure peu commune.

M. le Dr Langlet qui, de son côté, donnait l’exemple d’une si haute conception du devoir, avait, en M. Raïssac un auxiliaire digne de lui et de l’administration municipale, pour la guider et l’aider à conduite, au milieu des périls et des difficultés sans nombre, les destinées de notre malheureuse cité.

Licencié en droit et rompu aux connaissances administratives par son passage à la Préfecture de la Seine, dans sa jeunesse, mais surtout par l’expérience acquise au cours de sa longue carrière à la mairie de Reims, M. Raïssac, en imposait par son savoir, sa réserve et sa courtoisie ; cependant, à tous les échelons, le personnel était vite à l’aise devant lui, parce qu’il jouissait, dans les services, de la considération générale due à sa valeur, à son esprit de justice et à sa bonté.

Le secrétaire en chef me connaissait depuis plus de vingt-cinq ans, m’ayant reçu souvent dans son cabinet, alors que jeune employé dans nos bureaux du mont-de-piété, j’étais envoyé auprès de lui, par mon ancien directeur, afin de le consulter. De mon côté, j’avais pu me rendre compte de l’autorité de ses avis et comprendre, pendant mes démarches à l’hôtel de ville, combien il y était respectueusement estimé.

En ce moment, où M. Raïssac allait me présenter au Chef du Bureau de la comptabilité, il me semblait que l’on devait être heureux de collaborer, de près ou de loin, avec un tel supérieur.

À la comptabilité, le poste de chef de bureau était tenu provisoirement par M. Villain qui, à l’époque de la mobilisation, était retraité sous ce titre, et à qui l’administration municipale avait demandé de reprendre du service en son ancienne qualité, afin de remplacer M. Émile Cullier, mobilisé comme GVC, au 46e territorial.

Je n’étais pas un inconnu pour M. Vilain, quoique je n’aie pas eu fréquemment à le voir au temps de son activité. Il m’accueille fort bien, dit à M. Raïssac sa satisfaction de voir arriver un peu de renfort et m’installe « pour faire fonctions de rédacteur ».

La connaissance avec M. Vigogne, excellent collègue, dont la poignée de main et la physionomie me disent tout de suite la franche cordialité, est vite faite, et je commence à établir des mandats de paiement, car la besogne ne manque pas, me dit-on.

On arrivait au bureau de la comptabilité parle couloir ayant son entrée à gauche, dans le hall d’accès de l’hôtel de ville ; ce couloir formait angle droit pour retomber sous le chartil de la rue des consuls. Par l’entrée de ce dernier côté, on avait immédiatement à droite, la porte du 2e bureau du secrétariat et ensuite, celle du cabinet du secrétaire en chef. En faisant, dans l’angle, un quart de tour pour se diriger vers l’autre entrée du couloir, on trouvait tout de suite, à gauche, la porte du 1er bureau du secrétariat puis l’entrée du bureau de la comptabilité, suivie de celle de la caisse des incendiés, qui en était une annexe.

Dans la même partie du couloir et en face de ces dernière portes, à droite par conséquent, existait seule, celle de la grande salle dénommée « des appariteurs », où, avec quelques banquettes dans l’embrasure des fenêtres on ne voyait que Pallut, trônant derrière son bureau-pupitre vitré, en sa qualité de brigadier appariteur ; il était chargé de l’introduction dans le cabinet du marie et dans celui des adjoins et paraissait là comme perdu dans un cadre trop vaste.

Les deux fenêtres du bureau de la comptabilité se trouvaient ainsi avec celle de la caisse des incendiés et celles du 1er bureau du secrétariat, sur la cour, à la partie arrière gauche du bâtiment principal de l’hôtel de ville (rez-de-chaussée). Intérieurement, le bureau de la comptabilité était séparé du 1er bureau du secrétariat par une porte à deux battants ; une autre porte semblable, en face, l’isolait de la caisse des incendiés. Son aménagement consistait en deux tables-bureaux individuelles à tiroirs, de belle dimension, accolées en vis-à-vis, avec casier séparatif et armoires basses à rayonnage de chaque côté de l’occupant, – côté cour – et deux autres, pareillement installées côté couloir. Une cinquième, éclairée à gauche par la première fenêtre, était disposée pour le chef de bureau, placé ainsi en face de la porte d’entrée. Mobilier solide, bien compris pour sa destination et suffisamment confortable pour travailler convenablement à l’aise, du moins en temps ordinaire.

Lorsque je crus avoir pris la température, j’inspectai curieusement le local où je venais d’être introduit, car ne n’avais pas été longtemps sans remarquer qu’il existait des traces d’une ou plusieurs séances de bombardement.

En effet, derrière M. Villain, un éclat d’obus avait traversé deux parois d’un carton vert, sans le mettre autrement à mal, puisqu’il servait toujours à renfermer des dossiers, mais en y laissant seulement, à l’extérieur, un trou par lequel aurait pu passer un œuf de pigeon. Le pupitre droit, sur lequel était continuellement ouvert l’un des registres de dépenses, avait reçu deux éclats déchirés dans toute l’épaisseur de son flanc gauche et avaient à peu près, l’un et l’autre, la grosseur d’une noix. Enfin, le bureau où j’avais été invité à prendre place, gardait aussi trois éclats, un peu plus petits, l’un dans le panneau extérieur de la petite armoire se trouvant contre ma jambe gauche et les deux autres, dans la port de cette armoire.

M. Vigogne, en homme ordonné et méthodique, avait placé sous ces éclats et sur le carton, des morceaux de papier gommé très proprement découpés, sur lesquels il avait indiqué leur date d’arrivée, de la belle écriture courante que l’on avait vraiment plaisir à voir mouler par sa plume agile. C’étaient des souvenirs du 18 septembre.

Avant la guerre, le personnel était ainsi composé, à la comptabilité : MM. E. Cullier, chef de bureau ; Vigogne, le doyen, non seulement du bureau, mais de la mairie car il avait droit à sa retraite, malgré une interruption assez longue de ses servies à Reims, passée comme secrétaire de marie en Algérie ; Jody ; Cocher Alf. ; Prouhet, affecté à la caisse des incendiés et Maquet.

La mobilisation avait fait partir MM. Cullier, appelé aux GVC ; Joly, comme maréchal-des-logis au Train des équipages, à Fougères ; Cochet, a u46e territorial et Prouhet au 332e.

M. Maquet, non mobilisable, en raison de son âge, avait demandé pendant l’occupation allemande, le 5 septembre, un laissez-passer à la Kommandantur pour aller se rendre compte de l’état d’une maison de campagne qu’il possédait à Challerenge. Avant son retour, le reflux des Allemands s’était produit à la suite de la bataille de la Marne, le front s’était stabilisé aussitôt aux portes de Reims et on ne l’avait pas revu.

Actuellement, le bureau comptait : MM. Villain, faisant fonction de chef de bureau ; Vigogne ; Barnous, employé de la mairie de Charleville, évacué et P. Hess.

Sur la désignation qui m’en avait été faite, je venais de prendre possession de la place occupée auparavant par M. Maquet.

Le Courrier de la Champagne de ce jour, mentionne la note suivante :

CBR. Les voyageurs qui empruntent la ligne du CBR de Reims à Dormans, doivent être munis de laissez-passer visés par la place de Reims

Faute d’être porteurs de cette pièce, ils s’exposent à être arrêtés et conduits devant le commandant du quartier général de l’armée.

L’exhibition du laissez-passer pourra être demandée dans toutes les gares et en cours de route.

– Il publie également l’avis donné par le maire, pur l’inscription de la classe 1915.

– Il reproduit, en outre, deux lettres « à propose de la reconstruction des quartiers incendiés et démolis », en réponse ou comme suite à celle du « lecteur assidu », parue dans le journal du 8, c’est-à-dire d’hier.

 Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

 

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Cardinal Luçon

Canon pendant la nuit du 8 au 9, d’ailleurs tranquille et sans bombes sur la ville. Le matin 7 h canonnade. Une seule bombe (?) dans toute la journée. Exode (14) des habitants qui, effrayés parr le bombardement de mercredi et jeudi évacuent (6000 avoués par le CBR – c’est à dire Chemin de fer de la Banlieue de Reims).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

Deuxième lettre à Marie-Thérèse disant que les renseignements déjà reçus placent André à l’Hôpital de Bar-le-Duc à la suite d’une grave blessure reçue sous Verdun.

Paul Dupuy. Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires

Vendredi 9 octobre

L’ennemi n’a progressé nulle part à l’aile gauche. Il a reculé au nord d’Arras et les opérations de cavalerie se prolongent jusqu’aux abords de la mer du Nord. Près de Roye, nous avons repris de nouvelles positions. Nous avons repris aussi Hattonchâtel sur les Côtes-de-Meuse, et rejeté une attaque eu Woëvre, près d’Apremont.
L’offensive russe se poursuit à la frontière de la Prusse orientale.
Devant Anvers, les Allemands demeurent contenus sur la Nèthe.
Les Japonais ont pris l’î1e de Yap, la principale des Carolines.
Le gouvernement roumain fait démentir que des difficultés se soient produites entre le roi et d’anciens ministres au sujet de la politique étrangère.
Le Président de la République et M. Millerand sont rentrés à Bordeaux.

Source : La Grande Guerre au jour le jour