Louis Guédet

Mardi 10 octobre 1916

759ème et 757ème jours de bataille et de bombardement

4h soir  Beau temps chaud, du soleil, quelques obus. Ce matin répondu aux nombreuses lettres reçues depuis 6h jusqu’à midi. Écrit à Marie-Louise et à André. Envoyé à celle-ci des timbres de la Côte d’Ivoire reçus de M. Gentil, secrétaire du Gouverneur de Bingerville (Capitale de la Côte d’Ivoire de 1900 à 1934).

Cette après-midi l’affaire de mes procès de simple police du 3 me tracassant et voulant tenir le Président au courant de ce qui se disait et aussi de ce que j’avais écrit pour le transfert de mes justices de Paix à Épernay. J’ai poussé jusqu’au Parc de la Haubette où j’ai rencontré le Président Hù et M. Texier à qui j’ai conté mes on-dit. Quand je leur ai dit que Colas, le Proconsul Gouverneur de la Place, avait intimé l’ordre à Palliet, commissaire central, le mercredi 4 de me faire des observations sur ma manière de juger, le Brave Président en a tellement sursauté qu’il faillit en laisser tomber sa calotte et Texier de même bondit. Comment Palliet a osé vous dire cela à vous magistrat ? Je lui répondis que le Commissaire Central me l’avait dit vendredi dernier 6 octobre vers 9h rue de Vesle, en face de la rue St Jacques, et que Colas lui avait donné un coup de téléphone le mercredi soir même 4 octobre. Ils ne pouvaient en revenir. Alors le Président m’a donné l’ordre d’écrire à Palliet pour qu’il me donne les termes exacts des observations que Colas voulait qu’il me fasse. C’est fait, j’attends la réponse du Commissaire Central. On va s’amuser.

Le Président et M. Texier jubilaient d’avance de la lettre que j’aurais à écrire à ce sujet au Général de la Ve Armée. Ils m’ont remonté très gentiment, très affectueusement. J’en avais les larmes aux yeux.

Il parait que cet âne et cet imbécile de Colas aurait dit qu’il ne comprenait pas que j’ai osé indiquer les motifs pour lesquels j’avais acquitté ou condamné les inculpés de l’autre jour !! C’est phénoménal !!

Un galonné qui veut nous donner des leçons de droit. Ces gens-là ne doutent de rien. Cela les dépeint bien, ils n’admettent aucune critique. Bref me voilà d’aplomb et je suis soutenu et approuvé par mes Pairs. Jusqu’ici la gauche comme on dit (jusqu’à la garde, complètement). J’ai bien fait d’aller là-haut. Le Président Hù me disait que le Procureur Général ne pouvait même pas me faire d’observations sur la manière dont je jugeais et rendais mes jugements. Et il me l’a prouvé, codes et textes de lois en mains. Me voilà donc fixé sur la suite de cette affaire qui aura révolutionné bien du monde ici, et je n’ai qu’à attendre sous l’orme (attendre très longtemps, en vain). J’aime mieux ma place que celle de Colas, Girardot, Lallier et consorts.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

10 octobre 1916 – Trois obus sifflent et vont éclater sur le Port-sec à 14 h.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

 Cardinal Luçon

Mardi 10 – + 14°. Nuit tranquille. Temps couvert. Quelques bombes sifflantes, probablement sur les batteries. Visite de M…, Directeur de la Banque de France à Reims, remerciant pour lettre sur l’emprunt. Bombes longuement sifflantes. Salut au 403e à la chapelle de l’École Professionnelle S.J.B. de la Salle. Allocution.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mardi 10 octobre

Sur la Somme, activité soutenue de notre artillerie et riposte de l’ennemi, particulièrement vive dans la région sud-ouest de Barleux et dans celle de Belloy et de Deniécourt.

A la suite d’une opération secondaire, les Anglais ont progressé au nord de la redoute Stuff, en infligeant des pertes sérieuses à l’adversaire et en lui faisant plus de 200 prisonniers dont 6 officiers.

Les Serbes ont progressé entre Vardar et Cerna, faisant 100 prisonniers. Ils ont pris Skocino sur la rive gauche de la Cerna, capturant encore 200 ennemis.

Trois sous-marins allemands sont venus opérer sur les côtes américaines : ils ont torpillé neuf navires.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

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