Louis Guédet

Lundi 9 octobre 1916

758ème et 756ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Temps gris de novembre, lourd. Occupé toute la matinée, pas eu le temps d’écrire aux miens.

Vu le matin le commissaire du 3ème canton Speneux et causé de la…  fureur de nos Proconsuls militaires, il parait qu’ils en auraient référé au commandant de la Ve Armée !!

Cela devient grotesque ! On a osé toucher à leur omnipotence. C’est honteux, en fait triste. Et dans tout cela le Commissaire Central à l’air d’être dans ses petits souliers, il tremble devant (rayé) !

De toute part on me félicite de mon courage. J’ai osé me mettre en travers de ces galonnés ! On n’en revient pas. En tout cas l’employé de la Mairie qui délivre les nouveaux certificats d’identité m’a félicité, et comme je lui disais que je n’avais fait que mon devoir, et qu’on était très monté contre moi : « N’ayez pas peur, M. Guédet, ils n’oseront rien vous faire, car ils savent bien qu’il y aurait 18 000 rémois réunis avec et pour vous ! » Cela résume tout.

Reçu lettre affectueuse de M. Bossu Procureur de la République, qui est mal remis de ses fatigues et a demandé un nouveau congé jusqu’à la Toussaint. Il me demandait un rapport sur la nécessité ou non de transférer nos Justices de Paix à Épernay ou à Aÿ. Il est d’avis que c’est parfaitement ridicule. J’ai fait mon rapport qui conclut au statu quo. Je dois rester avec notre Justice de Paix à Reims. Ce serait idiot de forcer les gens de Reims à venir à Épernay se faire juger par moi qui suis ici, et reste ici. En dehors de ma lettre officielle je lui écris pour lui expliquer le ridicule de cette mesure si on la prenait. Ce que je ne crois pas. Enfin attendons !

Voilà mon après-midi passé à cela. C’est beau la paperasserie.

Je suis fatigué et toutes ces colères de ces galonnés ne sont pas pour me remettre. Ce serait malheureux qu’ils arrivent à leurs fins et qu’on ait la couardise de leur accorder de pouvoir exiger qu’on oblige le Procureur d’aller en cassation pour les procès où j’ai acquitté en toute justice comme ma conscience me l’ordonnait ! Mais on voit de si singulières choses ici bas. J’espère bien que mon cri de justice pour mes malheureux Rémois sera entendu, et qu’il ne sera pas étouffé par les Proconsuls militaires qui les oppriment : les Colas, Girardot, Lallier et autres…  En tout cas j’aurais fait mon devoir.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Lundi 9 – + 14°. Nuit tranquille, temps couvert. Visite du P. d’Herbigny.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Lundi 9 octobre

Sur la Somme, bombardements intermittents et réciproques. Après une violente préparation d’artillerie, les Allemands ont lancé sur nos nouvelles positions, à l’ouest de Sailly-Saillisel, une attaque dont les vagues successives ont été brisés par nos tirs de barrage sans qu’aucune ait pu atteindre nos tranchées.

Sur le front anglais, une contre-attaque ennemie a réussi à reprendre pied dans quelques éléments de tranchées au nord de Lesboeufs. Partout ailleurs, les gains de nos alliés ont été entièrement consolidés. Le village de Sars est tombé entièrement entre leurs mains, avec plus de 500 prisonniers. Ils ont avancé au nord et au nord-est de Courcelette. Ils ont brisé une attaque ennemie dirigée contre la redoute Schwaben. Les troupes d’Irlande, de Midland, d’Yorkshire, ont exécuté des coups de main heureux dans les secteurs de Fauquissart, de Givenchy et de Loos.

En Macédoine, les Serbes ont occupé le sommet du Dobropolie. Nos troupes ont pris Kisovo, dans le massif du Baba.

Les Roumains ont évacué la Transylvanie du sud et fortifié les cols en prévision d’une attaque de Falkenhayn.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

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