26 FEVRIER – vendredi –

Je suis monté à « 204 », puis à Maison Forestière. Il y avait attaque sur le Pan Coupé. Terrible !

Le 101ème [1], du 4ème Corps, a horriblement « trinqué » J’ai vu bien des blessés.

Rencontré M. D… qui, farceur à froid, me rappelle quelques-uns des commandements de la vie militaire ;

1°) ne jamais faire le jour-même, ce qu’on peut faire faire le lendemain par un autre.
2°) avant d’exécuter un ordre, attendre le contre-ordre
3°) s’en foutre et rendre compte
4°) ne jamais chercher à comprendre etc.. etc..

Le pis est que… c’est souvent d’application pratique, ce décalogue.

Et le service de santé ; Mon Dieu, que c’est lamentable.. !

[1] 101e RI 13e brigade, 7e division d’infanterie4e corps d’armée.

27 FEVRlER – samedi –

Suis allé déjeuner avec le colonel Perié d’Hauterive[1], du 83ème, dans la tranchée, au poste de commandement. Le lieutenant Deltheil, commandant une section de mitrailleuses, m’a conduit après déjeuner faire un grand tour dans les tranchées, au-delà de la Corne du Bois, près de Perthes.

J’ai assisté, de là, à une attaque de la 33ème division, ou plutôt aux rafales d’artillerie qui la préparait. C’était atroce ; la suie des percutants se mêlait à la neige et au chrome des fusants. Un tourbillon de fumées bouillonnantes, puis enchevêtrées, puis échevelées… dans lequel des flammes éclataient…

Des cadavres partout. Et vraiment beaucoup de négligence dans leur ensevelissement…

Les tranchées, dans ces régions, ont été recreusées jusqu’à 2 et 3 fois, l’artillerie ayant soulevé des chaos véritables. On croirait à un tremblement de terre ! Perthes est une ruine.

[1] Colonel Perier d’Hauterive qui a remplacé le Colonel BRETON, est chargé de diriger les attaques de son Régiment sur les tranchées du bois 211.

28 FEVRlER – dimanche –

Je dis la messe ce matin et je parle sur la Prière, dans le Pavillon, à Nantivet.

Pendant le déjeuner, 3, puis 2, puis 2 obus arrivent… tout près de nos cagnas. Effarement ; effroi ! C’est la saucisse qui avait repéré le 83ème et le 14ème se rendant au repos à La Cheppe, et passant par Nantivet… pour éviter la route bombardée.

Un obus est tombé dans le parc vers les tracteurs ; d’autres dans la pièce d’eau et au bord, tuant pas mal de poissons.

J’y cours, demandant s’il y a des blessés… Non, aucun. Je veux rapporter à la formation des poissons tués… Ziii Pan ! à un mètre de moi, accroupi contre l’arbre, un « 210 » arrive. Je suis couvert de terre, enveloppé de fumée ; je me retire en bon ordre…

Si vous voulez  lire l’ensemble du journal de Thinot en version pdf avec notes de Thierry Collet et index : tapuscrit de G. Carré