Louis Guédet

Lundi 19 mars 1917

919ème et 917ème jours de bataille et de bombardement

6h1/4 soir  Temps moyen qui tourne à l’aigre ce soir, bise violente et glaciale. La nuit toujours du canon. Canon dans le lointain durant la journée vers Berry au Bac, avions sur lesquels les allemands ont tirés furieusement. Été le matin rue Dieu-Lumière pour la continuation de l’inventaire Gardeux. Personne. Est-ce que Landréat cuve encore son Champagne de samedi. Rentré en musant le long de la rue du Barbâtre, passé chez Chapuis pour un versement à l’Enregistrement. Greffe civil, ensuite rentré chez moi. Courrier, pas de lettre des miens. Après déjeuner signature d’une procuration. Causé avec M. l’abbé Compant, vicaire Général, été me faire couper les cheveux, pris un journal chez Michaud. Nous avons repris Chaulnes, Péronne, Noyon, etc…  Cela va-t-il continuer ? Devant chez Michaud, interpellé un motocycliste qui faisait claquer depuis 1/2 heure son moteur pour nous casser les oreilles. Reçu grossièrement bien entendu, par le voyou qui, comme je redescendais la rue du Cadran St Pierre, n’a trouvé rien de mieux que de me frôler et bousculer en passant près de moi à toute vapeur. Je lui ai allongé un de ces coups de canne dont on garde mémoire longtemps. Le pierrot n’était pas content, mais il a filé devant mon attitude décidée !! Et voilà comme nous sommes arrangés tous les jours par cette clique d’embusqués !! Quand donc serons-nous débarrassés de cette plaie !! Vu Mme Gaube et sa fille gracieuse au possible, causé de Jean et Robert très gentiment. Rentré chez moi. Je vais répondre à une longue lettre de mon ancien clerc Forzy, notaire à Fismes, actuellement capitaine au 289ème d’Infanterie, 4ème Compagnie, secteur 181. Un brave garçon très cocardier et un peu Tartarin.

Je suis fatigué et je sens mes forces m’abandonner par instants. Je suis si las et si découragé. Reçu mot de Bossu mon ami Procureur qui est convaincu que j’aurai mon ruban bientôt.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

19 mars 1917 – Les communiqués et les journaux nous annoncent, depuis deux jours, le recul des Allemands entre l’Avre et l’Oise.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Lundi 19 – Nuit tranquille, + 1°. De 8 h. 1/2 à 9 h., bombes sifflantes : 180 de 9 à 10 h. On dit que ce sont des obus sifflants sur Parc Pommery. Sifflements constants. Visite à la Maison des Petites Sœurs des Pauvres. Reçu visite du Colonel de Piré. Prise de Noyon, Crouy, Péronne(1).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Ces « prises » n’ont aucun caractère de victoire. Nous occupons le terrain volontairement abandonné par la Allemands pour raccourcir leur front et faire d’importantes économies de personnel. Tout ce terrain « reconquis » a été sauvagement détruit, miné, défiguré par l’ennemi qui a coupé tous les arbres, fait sauter les habitations, empoisonné les puits, etc.


Lundi 19 mars

La progression des troupes françaises a continué sur un front de 60 kilomètres, de l’Avre à l’Aisne. Au nord de l’Avre, la cavalerie est entrée dans Nesle. Nos patrouilles, lancées vers la Somme, ont livré des engagements aux arrière-gardes ennemies, qui ont faiblement résisté. Au nord-est de Lassigny, nous avons avancé de 20 kilomètres vers Ham. Plus au sud, notre cavalerie et nos détachements légers ont occupé Noyon.

Entre l’Oise et Soissons, la première ligne allemande, avec Carlepont, Morsain, Nouvron, Vingré est en notre pouvoir. Au nord de Soissons, nous sommes à Crouy.

Nous avons rejeté une attaque à la Pompelle, près de Reims. Canonnade en Champagne, à la butte du Mesnil et à Massiges; violent bombardement de nos positions sur la rive gauche de la Meuse, du bois d’Avocourt au Mort-Homme.

Echec d’une tentative allemande sur la rive droite de la Meuse, aux Chambrettes.

Deux avions ont été abattus par nos canons spéciaux.

M. Milioukof, au nom du gouvernement provisoire, a lancé une circulaire aux agents diplomatiques russes pour préciser les vues du nouveau régime.

Source : La Grande Guerre au jour le jour