Louis Guédet
Lundi 28 février 1916
534ème et 532ème jours de bataille et de bombardement
7h soir Nuit calme. Beau temps, avion, canon, voilà toute la journée. On n’entend aucun bruit du côté de Verdun où l’on se bat toujours disent les journaux. C’est une grande bataille, mais le vent n’est pas favorable pour que nous puissions entendre quelque chose. Rendu visite au Cardinal Luçon avec lequel j’étais fort en retard. Il a été très bon comme toujours, très affectueux pour moi. Je suis resté presque une heure à causer avec lui. Et en me quittant : « Je vous ai gardé longtemps pour que vous veniez me voir plus souvent, et que vous voyez bien que je ne vous en veux pas. » Conversation sur les événements actuels et toujours en reposant le même point d’interrogation : quand serons-nous délivrés … ?
Rentré chez moi pour travailler, mais je n’y avais pas le cœur, et puis je suis un peu inquiet, car je n’ai reçu aucune lettre de ma pauvre femme depuis samedi. Sa dernière lettre est datée du 25. J’espère qu’il ne lui est rien arrivé, ni à ses petits. Je suis si impressionnable en ce moment, qu’un rien, un doute me fait souffrir beaucoup. Pourvu que je reçoive une lettre demain.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
28 février 1916 – Bombardement, de 16 à 17 heures, du côté des boulevards de Saint-Marceaux et Carteret.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Lundi 28 – Nuit tranquille sauf quelques grosses bordées de canon de temps à autre, spécialement vers 3 h. m. Température : + 3. Aéroplanes 7 h.1/2 ; tir acharné contre eux. 4 h. 1/2 terrible bombardement sur les batteries, boulevard de la Paix, dit-on, après passage d’un taube. Aéroplane. Visite de M. Guedet. Écrit au Cardinal Amette pour projet d’acte collectif.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Lundi 28 lévrier
Dans la région au nord de Verdun, nous avons continué à renforcer nos positions. Plusieurs attaques allemandes contre la ferme Haudromont (est de Poivre) et contre le bois d’Haudromont (est de Douaumont) ont échoué. Une autre attaque entre la hauteur de Douaumont et le plateau au nord de Vaux a également été repoussée. Les alentours de la position de Douaumont sont couverts de cadavres ennemis. Nos troupes enserrent des fractions allemandes qui ont pu y prendre pied et s’y maintiennent difficilement.
La cote du Talon rendue intenable par le bombardement des deux artilleries, n’appartient à personne. En Woëvre, prise de contact de l’ennemi avec nos avant-postes, vers Blanzée et Moranville.
Entre Soissons et Reims, nous opérons des tirs de destruction.
Dans les Vosges, nous brisons un assaut au sud-est de Celles (vallée de la Plaine); nous dispersons un rassemblement allemand près de Senones. Duel d’artillerie à l’Hartmannswillerkopf; nous bombardons les dépôts de ravitaillement de Stosswhir (vallée de la Fecht).
Canonnade sur le front italien. Essad pacha est arrivé à Rome.
De nouvelles séances tumultueuses ont eu lieu à la Chambre de Prusse.