Abbé Rémi Thinot

26 OCTOBRE – lundi –

J’arrive à 7 heures au bateau pour Ouch ; La gendarmerie s’avance vers le capitaine du bateau « Personne ne montera ; que ceux qui descendent sachent bien qu’ils ne remonteront pas.. ! »

On a donc, par ordre supérieur, tout coupé d’avec la Suisse. Rigueur contre l’espionnage probablement… un peu tardive peut-être ; le passage en Suisse étant interdit, je prends le train de Bellegarde et parviens à Lyon avec une journée de retard…

2 heures 1/2 après-midi ; La Chari té. C’est terrible ; je vois bien que nous ne serons pas à Paris avant 10 heures du soir ! Ce n’est pas drôle. J’ai sous les yeux le spectacle de jeunes conscrits qui paradent bruyamment sous un immense drapeau. Dieu leur conserve cet entrain !

5 heures 1/2 ; après Gien ; nous serons à Paris à 11 heures du soir ! ! Ravissant ; c’est un peu monotone une traversée de Lyon à Paris en omnibus, quand bien même c’est par le Nivernais ou le Bourbonnais ! La nuit est tombée déjà, noyant dans le paysage même les honorables garde-voies, dont l’accoutrement n’a jamais, je crois, été aussi bizarre !

6 heures 1/ 2 ; Montargis. Ah ! ils ne sont pas débrouillards dans ce buffet.. ! Je me demande ce que signifient ici nos 28 minutes d’arrêt ! Mais je me rends bien compte qu’un voyage dans ces conditions, c’est l’abrutissement fatal ; je ne pense à plus rien. Qu’est-ce que je fais à Montargis ?

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

 Paul Hess

Bruits de bataille au loin et canonnade ininterrompue pendant la moitié de la nuit. Ensuite, journée calme. Le soir, à 18 h, en revenant de l’hôtel de ville, j’entends tout le long du trajet, les rafales des détonations terribles de nos grosses pièces, – et pendant la nuit, cela se reproduit encore. Notre artillerie doit être assez éloignée ; cependant, toutes les vitres de la maison tremblent pendant le vacarme.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Visite à Saint Thomas, à l’ambulance de l’École Ménagère, de l’École de Mme Despiques. Visite à Sainte Clotilde.

Visite à Saint Benoît, rue Neufchatel, Trois Piliers, Sœurs du Saint-Sauveur, à l’Ambulance de la rue Lesage (dans la matinée).

Après midi, visite à Roederer, aux Sœurs Augustines, et aux Carmélites seulement (non aux malades), visite à Sainte Clotilde, à M. le Curé, à l’église, à un groupe de paroissiens.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

Journée de chaude bataille au-delà de la Neuvillette et Courcy sans conclusion pour nous puisque notre situation reste toujours la même.

Le courrier de 14H apporte :

Et lettre d’Hélène du 23 contenant demande que lui ont faite M.M. L. Soisson et fils d’Auxerre, pour l’obtention de renseignements sur la possibilité d’un voyage d’achats à faire à Reims, et la retenue ferme à faire chez nous de Flanelles blanches et de ceintures jusqu’à concurrence de 100 pièces ; et lettre d’Épernay (du 20) contenant de sympathiques pages de nos amis Mr et Mme Charles Coche qui, toujours à Villeneuve (16 8bre) disent à nouveau combien ils sont de cœur avec nous dans les épreuves que nous traversons.

Paul Dupuy - Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires


Hortense Juliette Breyer

Lundi 26 Octobre. Quelques jours d’accalmie. Marguerite ne travaillant pas, nous avons décidé d’aller tous les matins chez nous et de vendre le plus que nous pouvons. Cela marche un peu, et puis encore mieux : en repartant nous emportons des marchandises que nous vendons chez Pommery avec un petit bénéfice. Je reçois quelquefois de l’épicerie ; beaucoup de camionneurs ne veulent pas venir chez nous car ils ont peur.

J’ai reçu une lettre de Gaston ; il se réclame à moi pour savoir exactement si tes parents ont souffert des bombardements, et il m’affirme en même temps que tu n’as été blessé que légèrement. Ton papa est venu me trouver pour me demander, puisque les boches ne tiraient plus, si je voulais bien conduire André car il s’ennuie après lui. Je lui ai promis pour demain.

Il m’apprend que le fils Vol et le fils Erhmann ont été tués il y a déjà un mois. C’est triste quand même, vois-tu, pour les parents. Le fils Vol est mort à Épernay ; il avait eu la jambe enlevée par un éclat d’obus.

Et de tout cela, moi je n’ai toujours pas de nouvelles. En rentrant tout à l’heure, j’ai écrit au ministre de la guerre. Peut-être aurai-je une réponse car si vraiment tu es blessé, je serai forcée de le savoir.

Encore une journée de passée et toujours aussi triste.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne

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Octave Forsant

Lundi 26. — Tous les directeurs d’écoles absents de Reims, que j’ai convoqués pour conférer avec moi sur la situation et sur ce que nous pouvons faire, sont arrivés hier dimanche. La situation leur paraît très dangereuse et1 ils estiment qu’il n’y a lieu de rouvrir aucune  école. C’est aussi, actuellement, l’opinion du maire; je vais donc attendre. Je rends sa liberté à ce personnel que je rappellerai le moment venu.

Source 1 : Wikisource.org


26 octobre 1914

L’ennemi a pu franchir l’Yser, entre Nieuport et Dixmude (Flandre belge) mais il s’est brisé à nos lignes autour de Lille, et a subi un refoulement au nord de l’Aisne et en Woëvre. Tout un régiment allemand a été détruit au défilé de la Chalade, près de Varennes, dans l’Argonne. Au surplus, dans le Nord, d’après les évaluations qui ont été sérieusement faites, les pertes de nos adversaires sont énormes. Ce sont les armées de von Bülow, du prince du Wurtemberg et du prince royal de Bavière qui nous sont maintenant opposées entre la mer et la Somme.
Les armées russes de Pologne ont poursuivi inlassablement leur marche. Après avoir repris Skiernewice, nœud de chemins de fer important, à 100 kilomètres à l’ouest de Varsovie, elles s’approchent de Lodz, à 40 kilomètres encore plus à l’ouest, et que les Allemands commencent à évacuer. Ils ne tarderont pas à rentrer sur territoire prussien.
Un contre-torpilleur anglais, le Badger, a coulé un sous-marin allemand sur la côte hollandaise. Les Serbes et les Monténégrins ont livré une sanglante bataille aux austro-hongrois, près de Sarajevo. Attaqués par les forces supérieures, ils ont dû légèrement se replier dans la direction de Visegrade.
L’Allemagne qui avait déjà réclamé pour son état-major la direction des forces autrichiennes en Galicie, et qui semble avoir fait très mauvais usage de ce pouvoir nouveau, prépare maintenant la défense du Trentin contre l’Italie.
L’Angleterre, qui était une grosse cliente des fabricants de sucre d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, vient d’interdire l’importation sur son territoire des sucres provenant de ces deux pays. Elle leur inflige de la sorte un préjudice considérable, en les empêchant de tirer parti de leur production. Mais les Anglais n’en souffriront pas, le gouvernement s’étant assuré le concours des Antilles. Il y a là encore l’un des éléments de la ruine du commerce germanique.
Le gouvernement de Petrograd a pris, de son côté, des dispositions pour que les Allemands et les Autrichiens ne puissent plus devenir propriétaires d’immeubles dans la partie occidentale de l’empire.
Le nombre des chômeurs qui est grand, par toute l’Allemagne, est surtout considérable en Saxe, o
ù six ouvriers en moyenne se présentent pour un emploi disponible.

Source : Grande Guerre au jour le jour