Abbé Rémi Thinot

25 OCTOBRE – dimanche –

Je prêche ce matin à Abondance… Je fais mes adieux à mes Rémois… et je prends l’auto pour Evian avec une joyeuse bande de conscrits 1914-15.

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Dimanche 25 octobre 1914

43ème et 41ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Nuit tranquille, matinée idem, déjeuné chez M. Charles Heidsieck, 8, rue St Hilaire, où il occupe la maison de son fils Robert depuis que la sienne rue Andrieux…

Les feuillets 144 à 146 ont disparu, le feuillet 147 se résume à une petite feuille de 13cm sur 17cm. Ils concernaient les journées des 26 et 27 octobre 1914.

… Le siège de Paris m’a été utile dans un sens, parce que je connaissais déjà le bruit du canon, le sifflement des obus qui n’a guère changé depuis 44 ans et le fracas de l’éclatement.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

La nuit et la matinée se sont bien passées dans le calme. Aussi, voulant profiter du temps superbe de cette journée de dimanche, je décide, l’après-midi, d’aller faire visite à Mme Marteaux, veuve de mon cordonnier tué le 4 courant devant son domicile, rue de Berru et, mon fils Jean m’accompagnant, nous partons pour cette assez longue promenade. Après avoir suivi les rues du Jard, Gambetta, des Orphelins et Gerbert, nous cheminons sur le boulevard Saint-Marceaux, lorsqu’à hauteur de l’avenue de la Suippe, un obus vient soudain siffler au-dessus de nous ; il éclate vers la caserne Colbert. Jean, qi s’était jeté à terre, se relève et nous continuons notre marche en causant de cette brusque surprise, mais alors que nous passons devant la rue de Bétheniville, où nous remarquons une batterie de 75 en contre-bas, là, tout près à notre droite, d’autres sifflements au-dessus encore, suivis d’explosions dans le quartier, nous obligent à accélérer le pas afin d’essayer de nous éloigner de la ligne de tir, et, dans ce but, après être passés au 5 de la rue de Berru où nous ne trouvons personne, (Mme Marteaux étant partie affolée le lendemain de la mort de son mari – me dit un voisin) nous longeons le boulevard Carteret mais, par une véritable fatalité, les obus arrivent toujours et leurs sifflements paraissent nous suivre.

Traversant le faubourg Cérès, nous gagnons vivement la rue Saint-André – toujours des obus – puis un éclatement subit et assez rapproché sur la droite et, lorsque nous passons derrière l’église, nous apercevons un soldat conduisant un de ses camarades, blessé. Au moment où nous nous engageons dans la rue Clicquot-Blervache, une autre explosion plus forte se fait entendre derrière nous ; en même temps, des éclats qui nous ont dépassés tombent sur le pavé. Un projectile arrivé dans la cour de l’immeuble où sont les caves de la maison Olry-Roederer, rue Savoye, vient d’y tuer cinq personnes et d’en blesser neuf.

Nous allongeons encore le pas et n’entendons plus rien tandis qu nous descendons la rue Cérès et traversons la place Royale pour aller nous reposer un instant chez mon beau-frère Simon-Concé, 10, rue du Cloître. A peine sommes-nous là depuis cinq minutes, qu’une nouvelle explosion s’entend tout près, suivie d’une autre, probablement sur la cathédrale. Tout le monde descend à la cave ; nous suivons et un quart d’heure après, nous pouvons remonter, puis sortir par la cour du Chapitre, pour regagner la rue du Jard, où nous rentrons à 15 h, après cette promenade mouvementée et dangereuse, qu’au départ, nous avions quelques raisons de penser faire tranquille et agréable.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

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Cardinal Luçon

Bombes. 12 victimes, dont 4 au moins tuées. Place Godinot une bombe a lancé des éclats jusque dans la Cathédrale, dans notre jardin, et sur le perron de la salle à manger. Nuit du 25 au 26 tranquille.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Paul Dupuy

De Marie-Thérèse, lettre du 21 admirable de résignation chrétienne et de courage presque surhumain ; dans le culte de son cher André, qui de Là-haut veillera sur elle et n’aura jamais rien à lui reprocher, elle vivra pour ses enfants, pour ses beaux-parents, n’ayant comme seul guide que le sentiment du devoir.

La matinée de ce dimanche avait été peu bruyante, et laissait entrevoir la possibilité d’une promenade tranquille pour l’après-midi.

Erreur, dès 14 heures des obus nous sont envoyés qui tombent un peu partout et conseillent aux gens prudents de rester chez eux.

Félicien, qui depuis son retour à Reims vient de temps à autre partager notre diner ; nous arrive ce soir-là tout émotionné par la vue de plusieurs des victimes de ce bombardement, qui ont été amenées à l’Hôpital Mencière avec d’affreuses blessures et dans un état lamentable.

Paul Dupuy - Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires


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 Victime civile de la journée :
  • THIBOUT Georges Fernand – 6 ans, 74 rue Savoye, Tué sous un bombardement avec sa mère – domicilié 1 rue Saint Bruno à Reims
Dimanche 25 octobre


Notre ligne du côté du Nord forme un zigzag, car si nous avons reculé vers Dixmude et la Bassée, nous avons progressé vers Nieuport, Armentières, etc. Au total, nous tenons bon et les Allemands ont subi de grosses pertes. Dans la Woëvre, notre cheminement a été marqué comme dans l’Argonne, entre Sainte-Menehould et l’Aisne.
Les Russes ont maintenant repoussé les Allemands à 160 kilomètres à l’ouest de Varsovie, et à 50 kilomètres d’Ivangorod. Les Autrichiens, battus sur le San, plus au sud, ont laissé entre les mains des soldats du tsar, des milliers de prisonniers.
La situation économique est devenue très grave en Autriche. La classe ouvrière gronde contre le chômage croissant et réclame des secours en argent qui ne sont pas dispensés. Les vivres atteignent, à Vienne, des prix exorbitants. L’état-major, d’autre part, pour combler les vides qui se sont creusés dans une armée décimée, recrute jusqu’aux infirmes. Il est vrai que L’état-major allemand à fait de même : on trouve dans l’armée teutonne jusqu’à des bossus.
L’amirauté anglaise annonce que 70 croiseurs français, anglais, japonais sont dans les mers à la recherche des sept ou huit croiseurs allemands qui s’y trouvent encore. Mais elle reconnaît que le sous-marin E3 doit être perdu.
33.000 soldats canadiens sont prêts à rejoindre le front, et 70.000 autres s’apprêtent à traverser l’Atlantique.
Le tsar a offert à l’Italie, par l’intermédiaire de l’ambassadeur à Rome, M.Kroupenski de lui rendre les soldats autrichiens de langue italienne capturés par ses armées. M.Salandra a fait mettre la question à l’étude, en remerciant l’ambassadeur.
Le Landtag prussien s’est réuni et a voté un nouvel emprunt de guerre de 1625 millions.

Source : La Grande Guerre au jour le jour