Louis Guédet

Mercredi 30 janvier 1918

1237ème et 1235ème jours de bataille et de bombardement

10h matin  Il a gelé très fort mais temps magnifique. Hier soir bombardement de 7 à 9h vers le boulevard de la Paix. Rien de saillant ce matin, signature de deux actes, dont une procuration pour un gendarme accompagné de deux de ses collègues. Mais que ces gens-là sont méfiants, ils m’amusaient ! La peur de se compromettre, et surtout d’être trompé. On voit bien quel public ils fréquentent. Ces gendarmes-là se croient toujours être devant un malfaiteur !!

6h1/2 soir  Je viens de descendre au sous-sol, car cela tapait et les éclats venaient jusqu’à la maison. C’est plus sage et puis je ne suis plus aussi courageux, cela m’impressionne trop. Peu de courrier, lettre du Commandant de Vaucresson, mon cousin, 9ème Cuirassiers à pied, secteur 104 (Gaston Trutié de Vaucresson (1873-1931)), qui lui aussi croit que tout ce que disent les allemands est surtout du bluff. Il me félicitait de ma décoration. Lettre de ma chère Madeleine à qui je réponds par une lettre à Maurice. Elle souffre de douleurs rhumatismales la pauvre malheureuse. Quand donc serons nous réunis pour toujours. Bonnes nouvelles de Robert qui compte venir en permission en mars me dit-elle. Pas de nouvelles de Jean. Après mes lettres été voir M. Millet mon vieil expéditionnaire à qui j’apportais un peu d’ouvrage. Rentré ensuite en passant au service d’Évacuation pour faire partir mes 8 cartons de dossiers. Il tâchera de me les faire prendre avant le 6 février. Demain je verrai Houlon aussi pour cela. Voilà toute ma journée. Temps splendide, il fait réellement bon l’après-midi par ce beau soleil. Pourvu qu’ils nous laissent tranquilles la nuit. Je suis assez fatigué et puis ces bombardements rapprochés me dépriment toujours fortement, on n’est plus fort après 42 mois de cette vie de misère. Je me demande parfois comment on peut y résister et y survivre. Mon Dieu, quand donc cela sera-t-il fini… !…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

30 janvier 1918 – Bombardement comme hier. Il commence plus tôt ; vers 17 h 1/4.

A partir de 20 h, nouvelle séance, ainsi que la veille ; on en­tend parfaitement les départs des pièces allemandes se succéder rapidement par trois et quatre et les explosions d’arrivées se suivre, naturellement, de même quelques instants après. Mélange d’obus à gaz.

Avis donné ce jour, par le journal L’Éclaireur :

La carte de pain.

Elle ne s’applique qu’aux grandes villes.

D’après les déclarations faites à la Chambre par M. Boret, ministre du Ravitaillement, la carte de pain fixée à 300 grammes, n’est actuellement obligatoire que pour les grandes villes ; des catégories seront du reste créées dans ces villes et les rapatriés des régions envahies seront assimilés aux classes la­borieuses.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 30 – -2°. Nuit assez bruyante, mais pas sur la ville. Avions : tir contre eux. Visite du Commandant de TEpinière qui apporte des vues photographiques, et en prend de la Cathédrale et de la maison. A partir de 4 h., bombardement violent, pas loin d’ici, sur batteries ? Éclats rue du Barbâtre, rue Gambetta. 1 obus au Bon Pasteur. Le bombardement continue jusqu’à 10 h. 1/2 soir. Je me décide à descendre à la cave pour pouvoir dormir.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Mercredi 30 janvier


Actions d’artillerie assez violentes dans la région du Four-de-Paris, ainsi qu’à l’Hartmannswillerkopf.
En Haute-Alsace, après une courte préparation d’artillerie, nos détachements ont pénétré profondément dans les organisations ennemies au sud-est de Seppois-le-Haut. Ils ont détruit de nombreux abris et ramené des prisonniers. Un avion allemand a été abattu. Nos escadrilles ont lancé 6000 kilos d’explosifs sur les gares de Conflans, les usines de la région de Saint-Prlvat et divers terrains d’aviation de la zone ennemie.
Sur le front britannique, un coup de main allemand a été repoussé vers Arleux-en-Gohelle. Grande activité de l’artillerie ennemie dans le secteur de Monchy-Le-Preux.
L’infanterie italienne a attaqué avec impétuosité les positions avancées de l’ennemi, à l’est de la conque d’Asiago et les a brisées en plusieurs points, en dépit de l’énergique résistance qu’elle a rencontrée. 1500 prisonniers, dont 62 officiers, ont été évacués a l’arrière. L’artillerie franco-britannique a coopéré à l’action. Dix avions ennemis ont été abattus.
Un raid de gothas a eu lieu sur Londres. L’un d’eux a été détruit. On compte 47 morts et 169 blessés.
La grève qui à éclaté à Berlin s’est étendue au bassin westphalo-rhénan. Le gouvernement a procédé à une répression.
Les maximalistes ont renversé la Rada ukrainienne de Kiev et enlevé Helsingfors, capitale de la Finlande.

Source : La Grande Guerre au jour le jour