Louis Guédet

Jeudi 31 janvier 1918

1238ème et 1236ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Du brouillard, assez intense. Il n’a pas gelé ou bien peu. Froid pénétrant. Hier soir je suis descendu au sous-sol vers 5h3/4, cela bombardait et les éclaboussures venaient  jusqu’ici. C’était plus prudent, cela a duré jusqu’à 9h du soir avec des intervalles assez irréguliers. C’était de gros morceaux, malgré moi j’étais impressionné. Je n’ai plus la même résistance qu’il y a 3 ans. Quand cette vie-là cessera-t-elle. On est bien las.

Cet après-midi audience de Réquisitions militaires.

6h1/2 soir  Rien de saillant ce matin. Courrier assez chargé. Lettre de ma chère femme qui s’inquiète toujours de nous 3 (Jean, Robert et moi). Je donne mes signatures et j’écris mes lettres avant midi, car à 2h j’ai mon audience de Réquisitions militaires avec ce brave Raux. Il me dit du reste qu’on lui reproche d’être trop conciliant, et que peut-être on me donnerait un sous-intendant plus dur. Ce à quoi je lui ai répondu que ma fonction, mon rôle deviendrait très facile dans ce cas : Toutes les fois que je serais compétent je donnerais le maximum au prestataire, et en cas d’incompétence je rendrais un jugement d’incompétence. Les affaires iraient très vite. Il pourra rapporter cela à ses supérieurs (rayé)!!

En passant à la Poste vu Beauvais qui me dit que le Sous-préfet est toujours assez souffrant. Après l’audience je vais acheter un journal. Je rencontre le Docteur de Bovis et Houlon. Le docteur me donne des nouvelles de Raïssac qui va bien, mais il faut attendre. Houlon m’accompagne jusqu’à l’archevêché où j’ai à faire pour une fondation Herbeux d’Epoye et pour le Vieux Reims qui désire avoir le cardinal comme membre correspondant. Houlon passe à la Permanence Croix-Rouge, rue de Vesle (Maison Luzzani) pour voir à m’enlever mes archives à la consigne à Épernay où je les ferai suivre quand j’irai à St Martin. Chose convenue pour partie.

Nous remontons la rue du Cardinal de Lorraine et en route Houlon m’apprend que Guichard lui a fait avoir dit qu’il allait avoir son ruban incessamment avec Hoël et Sainsaulieu, qui remue ciel et terre pour la décrocher(Rayé)??

A l’archevêché je quitte Houlon et entre, il était vers 4h3/4 à peine, causons, rions avec l’abbé Lecomte qu’un arrosage arrive. Nous descendons dans les sous-sols de l’Hôtel Henri Lucas où viennent nous rejoindre Mgr Neveux et Son Éminence le Cardinal Luçon. Nous causons tout en attendant la fin de la rafale. Le cardinal dans un fauteuil, moi assis sur une malle, l’abbé Lecomte sur une chaise et Mgr Neveux debout assez nerveux. L’entourage est plutôt peureux (concierge, religieuses, valet de chambre, ce dernier voulant absolument que nous ayons des gaz !) Cela tape dur néanmoins. Au bout de 3/4 d’heure je me décide, malgré leurs instances, à partir. Du reste l’arrosage a cessé. Rentré à 5h1/2. Je travaille et me décide à descendre en sous-sol à 6h1/2.

Adèle n’est pas rentrée ce qui ne m’étonne nullement. Elle ne rentrera que demain ou après, sachant que je ne partirai que vers le 6.

Le bombardement a eu lieu vers rues Chanzy, Gambetta, Gerbert, Orphelins comme hier du reste. Que cherchent-ils de ce côté ? Les journaux annoncent un raid d’avions allemands sur Paris. A grand tam-tam, Paris s’est couvert de gloire !! Je demande que les Parisiens viennent ici durant un mois !! Il y aurait eu des bombes Gare de l’Est, mon beau-frère a dû faire dans ses culottes, la Banque de France et Pantin. Grands incendies… Attendons à demain pour être entartinés.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

31 janvier 1918 – Bombardement à peu près du même genre que ceux des deux jours précédents — avec mélange d’obus à gaz — commencé à 16 h 3/4. Nombreuses explosions d’arrivées.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Jeudi 31 – Nuit tranquille pour la ville à partir de 10 h. 30 ou 11 h… 0°. Temps couvert, brouillard. Visite à Saint-Remi, à Saint-Maurice, trouvé personne. Retour sous les obus dont les éclats pleuvent par les rues et sur les maisons. Très violent bombardement de 4 h. à 5 h. Descente à la cave, où je trouve M. Guédet. Nuit tranquille à partir de 9 h. 1/2. Bombardement de Paris par avions : 45 à 50 victimes tuées.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Jeudi 31 janvier

Assez grande activité des deux artilleries dans la région de la Miette, sur le front du bois des Caurières et en Woëvre.
Un coup de main ennemi au nord de Seicheprey n’a pas donné de résultat.
Deux avions allemands ont été abattus par nos pilotes et trois sont tombés dans leurs lignes avec de grosses avaries, par suite de combats.
Sur le front britannique, une patrouille de nos alliés a attaqué avec succès un poste allemand au nord-est d’Havrincourt. Une partie de la garnison a été tuée ou capturée.
Des rencontres de patrouilles vers Bullecourt ont permis à nos alliés de faire subir des pertes à l’ennemi et de lui enlever une mitrailleuse.
En Macédoine, actions d’artillerie dans la boucle de la Cerna et au nord de Monastir. Grande activité des aviations alliées qui ont exécuté de nombreux bombardements au nord de Monastir, dans la vallée du Vardar, et dans la région du lac de Doiran.
Les troupes italiennes ont enlevé à l’ennemi des positions fortifiées à l’ouest du lac Frenzela et plusieurs passages des montagnes ainsi que le mont del Val Bella. Deux divisions ont été anéanties.
Le butin comprend 100 officiers, 2500 hommes prisonniers, 6 canons de gros calibre, 100 mitrailleuses, plusieurs milliers de fusil. 17 avions ennemis ont été abattus.

Source : La Grande Guerre au jour le jour