Louis Guédet

Mercredi 29 novembre 1916

809ème et 807ème jours de bataille et de bombardement

8h1/2 soir  Temps gris couvert, glacial, que de la neige. Le calme absolu, le silence qui fait mal. Pas un bruit, pas un coup de canon. C’est lugubre et angoissant. Travaillé comme un nègre. Vu Honoré qui me demandait des renseignements sur M. Lartilleux (marchand de laines (1877-1941)) et ses sœurs (en fait une seule sœur, Alice (1881-1962), épouse de Claude Helluy, rédacteur du « Courrier de la Champagne »). L’une d’elles a eu la…  bêtise d’écrire des lettres…  des épîtres devrais-je dire, qui pour se rendre intéressante disent des choses qu’il ne faut pas dire et encore bien moins écrire à un pays étranger, surtout en Suisse et à Bâle !! encore ! Bref, pour se rendre intéressante, palpitante, elle désigne les points, les places, les situations des pièces d’artillerie, batteries, cantonnements, etc…  Un général d’armée ne ferait pas mieux ! Mais la Police mobile veille et l’armée aussi. A donc subséquemment, etc…  Voilà une pauvre fille qui réunit toutes les conditions et qualités voulues pour comparaître devant un conseil de Guerre. Je crois avoir détourné l’orage, mais qu’elle n’y revienne plus. Prévenu les intéressés indirectement. Sorti pour cela, fait 2 ou 3 courses et rentré chez moi gelé ! René Mareschal (un des deux fils de Maurice Mareschal) est engagé au 82ème d’artillerie lourde à Noisy-le-Grand (Seine). Le Commandant Barot m’en prévient par un officier de son État-major. Causé de mon affaire !!  Ils en rient là-bas !! Je crois que Colas et Girardot n’en font pas autant…  Je suis ravi…  je vais me coucher…  Mais quel silence !!!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mercredi 29 – Nuit tranquille. + 2°. Voyage de Mgr Neveux à Meaux. Visite de deux membres de l’Ambulance russe, apportant envoi de Caen.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Cardinal Luçon, Mgr Neveux
Cardinal Luçon, Mgr Neveux

Mercredi 29 novembre

Combat d’artillerie sur le front de Verdun. Une attaque de nuit sur un de nos petits postes à l’est de Maisons-de-Champagne, a été facilement repoussée. Sur le front britannique, violent bombardement ennemi au nord d’Ypres. Combat à Souchez autour d’un entonnoir. Canonnade sur les deux rives de l’Ancre. Les Anglais ont bombardé le secteur de la Bassée. Leur aviation a fait des reconnaissances avec succès, en liaison avec l’artillerie. Elle a jeté des bombes sur un certain nombre de points d’importance militaire et provoqué une forte explosion. Un appareil allemand a été détruit, un autre avarié. Deux avions anglais ne sont pas rentrés. Deux zeppelins ont été abattus au cours d’un raid sur l’Angleterre. Un avion a survolé Londres où il a fait quelques victimes. Succès britannique sur le front de Doiran. Avance italienne nouvelle à l’ouest de Monastir. Combat près de Riga sur le front russe. Les Austro-Allemands ont occupé Curtea de Arges entre Rymnick et Pitesti, et Giurgevo, sur le Danube, en face de Routschouk. Canonnade sur le Carso. L’amiral Dartige du Fournet a sommé la Grèce de remettre une partie de son matériel de guerre. Le comte Bobrinski, ministre de l’Agriculture russe a démissionné. Guillaume II qui était venu à Vienne pour les obsèques de François-Joseph a dû repartir étant souffrant. Il n’assistera pas aux funérailles. Le Reichstag soulève des difficultés pour la mise en œuvre de la mobilisation civile. Le vice-chancelier Hellferich poursuit ses pourparler à ce sujet. On réclame en Angleterre une politique navale plus énergique. Un vapeur américain, le Chemung, qui naviguait sous le pavillon national, a été torpillé dans les parages de l’Espagne par un sous-marin allemand.

Source : La guerre au jour le jour