Louis Guédet

Jeudi 28 novembre 1918

1539ème et 1537ème jours

5h soir  Été à Paris tout ce temps, rentré seulement mardi où je retrouve ici un travail écrasant. Je ne suis pas encore sorti de ma chambre de travail ni hier ni aujourd’hui pour aller faire un tour de jardin. De notre réunion de notaires de Reims (arrondissement) nous étions 26, il en résulte que tous ont le sentiment que l’on veut nous supprimer ! J’ai répondu au Parquet que nous n’avions aucune objection à faire au projet de loi (article 12) sur la réparation de nos dommages, mais que nous nous réservions de faire des objections au règlement d’administration public subséquent au vote de cette loi. C’est tout ce que nous pouvions faire.

Vu quantité de monde ! Paris est tout à la fête. Les ventres respirent et se…  repaissent ! Ils n’ont plus peur !… Les avis sont partagés sur l’armistice : Tort ou raison ? L’avenir nous le dira ! mais beaucoup regrettent comme moi qu’on n’ait pas porté la Guerre chez eux ! D’aucuns disent même que nous serons obligé de recommencer dans 20 ans ! C’est consolant !

Quand je suis arrivé ici j’ai trouvé ma pauvre femme la tête bandée ! en revenant de Reims l’autre jour en auto à Recy, leur voiture s’est jetée sur un attelage militaire qui ne se garait pas. Un cheval tué et la glace brisée lui faisait 2 ou 3 coupures à la tête. On craignait que le front ne fût percé. Il n’en n’est rien heureusement. Elle a perdu beaucoup de sang et est fort affaiblie. Elle est restée 2 jours à Châlons où on l’avait reconduite à l’Hôtel du Renard. Le malheur s’acharne sur nous, toujours. Je suis découragé et exaspéré ! Surmené de travail je suis exténué, et tout cela pour rien, aucun résultat, si, la Misère !…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Jeudi 28 – Te Deum américain à La Madeleine. J’y assiste. Visite de Mgr Tiberghien, et de M. Camu ; du Curé de Fismes

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 28 novembre

Les armées françaises, achevant de traverser le Luxembourg, ont atteint la frontière allemande à l’est de Weiswampach et de Hemerscheid.
A Redange, une chaleureuse réception a été faite par la municipalité au général commandant la 48e division qui entrait dans la ville. La 8e armée a fait son entrée à Haguenau.
Les révélations continuent outre-Rhin. M. Jaffé, ministre des Finances de Bavière, publie des pièces d’où il résulte que l’Allemagne et l’Autriche ont repoussé une offre de paix américaine à l’automne 1917.
A la conférence des États allemands tenue à Berlin, M. Kurt Eisner a demandé que M. Solf, ministre de l’ancien régime transmis au nouveau, quittât le pouvoir. L’assemblée a voté le principe de la Constituante et s’est prononcée pour le maintien de l’unité allemande. La Constituante siégerait à Francfort-sur-Mein, qui fut déjà le siège de l’Assemblée nationale de 1848.
Les Roumains de Transylvanie ont rompu avec le Conseil national de Budapest.
Le docteur Solf a envoyé une nouvelle protestation aux puissances de l’Entente.
La démobilisation est terminée en Autriche.

Source : La Grande Guerre au jour le jour