Louis Guédet

Dimanche 17 février 1918                                         

1255ème et 1253ème jours de bataille et de bombardement

9h soir  Temps toujours très froid, journée de soleil. J’ai quitté mes aimés à 5h du matin pour retourner à ma triste vie de sacrifice. A Épernay je trouve M. Lacourt et sa fiancée Melle Monce pour la signature de leur contrat de mariage (Pierre Lacourt (1888-1949) et Marie Monce (1889-1986)). Nous assistons ensemble à la messe de 9h à Notre-Dame, puis nous allons à la Villa d’Aÿ (quartier d’Épernay rattaché en 1965 à cette ville) chez Bouquant, 30, rue François-Lasnier (rue Jean-Moulin maintenant) pour signer le contrat. Contrat de guerre !! sérieux, solennel dans sa simplicité !! Ce sont des actes tragiques ! car qui sait si d’ici leur mariage (4 mois) le fiancé ne sera pas tué ! après cela nous revenons à Épernay où j’attends mon confrère Dondaine pour lequel je vais faire une adjudication de matériels de culture, toujours à la Villa d’Aÿ où je puis instrumenter pour les Philippe et Pérard d’Epoye !! Je les revois, pères et fils après 4 ans de Guerre !! Quels souvenirs leurs venues suscitent, les journées de chasses, l’accueil cordial d’un propriétaire Champenois, riche, aisé ! Comme Pérard me l’avouait : « M. Guédet, nous étions trop heureux !! »

Nous déjeunons au buffet, et de là nous filons sur la Villa d’Aÿ tout en devisant l’un sur l’autre sur les événements, le passé de Guerre, les disparus, les survivants, les souffrances, les fuites éperdues devant l’ennemi jusqu’à la bataille de la Marne, tout cela le passé de 3 ans…  l’Histoire d’hier !…

Notre adjudication terminée (2 995 F de vente) nous repartons pour Aÿ où je dîne chez Dondaine avec qui je me concerte pour l’ouverture des coffres-forts encore non-évacués des Banques de Reims. Tout un travail, Dondaine séquestre. J’assiste à l’ouverture des coffres avec un greffier en présence d’un agent de la sûreté et d’un agent de la Banque. Je dois examiner sommairement les papiers trouvés dans chaque coffre et saisir les papiers qui pourraient intéresser la Défense nationale et l’État. Le reste mis en caisse et sous scellés sera évacué sur Paris par les soins de l’autorité militaire accompagné de l’agent de la sûreté, de la Maison de Banque intéressée et de Dondaine séquestre, où là il en fera la remise dans un coffre de la même Maison de Banque. Nous devrons commencer mardi par le Crédit Lyonnais. On estime à 200 les coffres à ouvrir ou fracturer. Du pain sur la planche !! Demain matin à la première heure je verrai le Procureur de la République pour m’entendre définitivement avec lui à ce sujet et régler les questions de détails. Ensuite ouverture du testament mystique Herbaux pour Dondaine et départ pour Reims.

Je quitte Dondaine et sa femme très nerveuse à 8h1/4 et une voiture me ramène à Épernay pour 9h, où je descends à l’Hôtel Moderne !? de nom ? mais comme matériel !!!!… C’est la Guerre.

De quoi demain sera-t-il fait ? Je ne sais. Je ne veux pas le savoir !! Je suis si las ! si triste !! Je rentre dans l’Enfer ! Il parait qu’il y a eu des gaz vésicants place des Marchés à Reims il y a quelques jours !! Quelle triste vie ! Quelle agonie !! Dans laquelle je vais rentrer !!… Mon Dieu protégez un peu mon Robert, ma femme, Marie-Louise, André, Maurice…  et moi-même !! Donne-nous la vie sauve !! et la joie de nous retrouver tous réunis bientôt.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Dimanche 17 février 1918 – La démarche, auprès du maire, dans la matinée de ce jour, d’un officier général aperçu pour la première fois, a été remarquée par une partie du personnel.

Journée mouvementée. Bombardement sérieux sur le fau­bourg de Laon, en fin d’après-midi. 500 obus à peu près.

Le soir, des aéros boches qui depuis un moment se fai­saient entendre, volant assez bas, laissent tomber sept à huit tor­pilles qui font en éclatant un bruit épouvantable. Pendant l’explo­sion des premières, je me trouvais en pleine obscurité, dans la rue Colbert, venant de quitter notre popote. Je puis me réfugier dix minutes dans une maison, occupée encore là, par d’aimables ha­bitants, M. et Mme Bourgoin puis, n’entendant plus rien, continuer mon chemin vers la rue du Cloître. Les engins sont tombés vers le quartier de la rue Ruinart de Brimont.

Nouveau bombardement ensuite par les pièces.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Dimanche 17 – -5°. Temps superbe. Nuit tranquille à Reims, mais long combat vers l’est de 3 h. à 5 h. Visite de M. Valentin Briffault, député belge, que j’ai entendu parler à la Société antimaçonnique, Aviateur. Visite d’un général américain. Venu à la maison, rencontré sur le parvis. Visite de M. Abelé. Vers 6 h. 30 à 7 h., avions nous survolent très bas ; bombes d’avions sur la ville ; je descends à la cave ; canonnade jusque vers 9 h. Visite de M. Charbonneaux, adjoint, et de M. Lelarge, au sujet de l’évacuation de Reims : on veut évacuer les enfants, les personnes inutiles ; et ne retenir que 2 à 3 mille personnes, comme gardiens. Nuit tranquille en ville, mais à l’est, fréquents coups de canon, fusils, mitrailleuses. Rue de Cernay, incendie par obus allemands.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 17 février

En Champagne, dans la région de Ville-sur-Tourbe et en Haute-Alsace, au sud de Burnhaupt-le-Bas, nous avons repoussé des tentatives de coups de main ennemis.
De notre côté, au cours d’une incursion dans le secteur de Vauquois, nous avons fait un certain nombre de prisonniers.
Lutte d’artillerie active sur la rive droite de la Meuse, notamment dans la région de Bezonvaux et en Haute-Alsace.
Des avions ennemis ont lancé plusieurs bombes dans la région au nord de Nancy. On signale des tués et des blessés dans la population civile.
Sur le front anglais, les troupes du Lancashire ont réussi un coup de main dans la région de la voie ferrée d’Ypres à Staden. Onze prisonniers ont été ramenés. Les pertes sont légères du côté de nos alliés.
Les batteries allemandes ont été actives du côté de Lens et dans les secteurs de la Bassée et de Wyschaete.
En Palestine, les Anglais ont avancé leur ligne sur un front de six milles et une profondeur moyenne de deux milles de part et d’autre du village de Mukhinas. Ils ont repoussé une tentative ennemie au nord-ouest de Jérusalem.
Un sous-marin allemand a bombardé Douvres.
La Suède a invité le gouvernement de Petrograd à faire évacuer la Finlande.

Source : La Grande Guerre au jour le jour