Louis Guédet
Samedi 26 janvier 1918
1233ème et 1231ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Brouillard intense à ne pas voir à 10 pas. Bombardement sérieux vers Pommery et vers faubourg de Laon, Trois Fontaines, de 11h à 2h sans discontinuer. Travaillé toute la matinée, je n’ai plus qu’une lettre à répondre !! Lettre de ma chère femme. Bonnes nouvelles. Après-midi visite de Mgr Neveux pour affaires. J’entame la question de membre correspondant de Son Éminence le Cardinal Luçon pour la Société des Amis du Vieux Reims que m’avait prié le brave M. Krafft, Président, de… sonder. Je crois que cela ira. J’en serais enchanté pour ce dernier quoique protestant, qui est réellement Union sacrée et très dévoué et surtout des libéralités pour notre Ville.
Porté mes lettres à la Poste, poussé jusqu’à la Ville, pris une légalisation et Houlon me prend pour aller voir Raïssac. A travers un brouillard terrible nous vaquons dans nos rues désertes, ruinées, lamentables ! Le brouillard est tel qu’arrivé place St Maurice nous ne voyons même pas l’Église St Maurice à 100 mètres de nous, mais rien !!… Nous entrons dans l’Hôpital Général et descendons en cave sous le bâtiment des « Magneuses » où se trouve l’ambulance. Raïssac est toujours le même, mais je le trouve fiévreux. Houlon et moi nous nous asseyons sur le lit voisin en guise de canapé et nous lui parlons. Toujours intelligence très claire, très ouverte. Nous partons à cause des soins aux malades. Repassons voir Guichard qui lui, parait inquiet sur l’état de Raïssac, qui ne veut pas quitter Reims et croit reprendre son service dans quelques jours. Le Docteur de Bovis ne parait pas rassuré et craint d’être obligé d’intervenir, et… que trouvera-t-il ?… Guichard va jusqu’à dire… cancer à la vessie… Bref je rentre chez moi inquiet comme Houlon lui-même,… Nous sommes dans un nuage intense à ne pas savoir où prendre nos rues. Rentré chez moi, travaillé, reçu 3 – 4 personnes, et un 2d versement de l’emprunt 1917 d’un Rémois, Henri Huart (1878-1965), employé à l’usine Lelarge qui quitte Reims !! Encore un qui part !! Combien en aurai-je vu de ces départs !!! Hélas ! Quand reviendront-ils ? Que retrouveront-ils en rentrant !! Tous ces départs me démontent malgré moi ! Il me faudra donc voir ma pauvre population Rémoise partir une à une, un à un !! comme les sables qui se désagrègent de la falaise, battue par la tempête. Alors que resterons-nous ? Quelques uns ! le dernier Carré !
Rémois meurt et ne se rend pas !!
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 26 – + 2°. Nuit tranquille. Brouillard transparent. Visite aux Halles et aux Trois-Fontaines. Expliqué la demande d’appréciation des édifices ruinés (demande faite par des Américains, dans un but bienveillant et le don aux Enfants (cadeau étrennes de Noël, américains) fort bombardement de 1 h. à (sur batteries ?) Canons français à 4 h. 40.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Samedi 26 janvier
Au nord de l’Aisne, nous avons aisément repoussé deux coups de main ennemis sur nos petits postes.
Activité des deux artilleries assez vive dans la première partie de la nuit, sur le front du bois Le Chaume.
Un coup de main ennemi sur nos postes au nord du bois des Caurières a totalement échoué.
Sur le front britannique, l’artillerie allemande s’est montrée active à l’ouest de la Vacquerie et aux environs de Passchendaele.
Les pilotes anglais ont bombardé les champs d’aviation de la région de Courtrai et un aérodrome situé au nord de Gand, d’où les avions allemands partent pour leurs vols de nuit.
Ils ont en outre, attaqué à la bombe et à la mitrailleuse les cantonnements ennemis de la région de Roulers. Tous les appareils sont rentrés indemnes.
Sur le front italien, on ne signale que des fusillades et de l’activité d’artillerie.
La délégation autrichienne a, dans son ensemble, et à l’exception des Tchèques, approuvé le discours de Czernin. La commission du Reichstag a donné son assentiment au discours du chancelier Hertling. Le secrétaire d’Etat Kuhlmann a fait devant elle un exposé pour justifier son attitude à la conférence de Brest-Litovsk.
L’état de siège a été proclamé à Barcelone, et Sabadell s’est mis en grève.
Source : La Grande Guerre au jour le jour