Louis Guédet

Mardi 15 janvier 1918

1222ème et 1220ème jours de bataille et de bombardement

8h soir  Pluie battante toute la nuit, vent du sud chaud. Vent de tempête toute la journée. Ce matin dérangé continuellement. Peu de courrier, çà se ralentit, heureusement !

Reçu lettre de félicitations de Vallé sénateur. Déjeuné avec Landréat avec qui j’ai arrosé mes galons. Nous sommes partis ensuite à notre audience de simple police à 14h1/2. Beaucoup de monde. J’endosse ma toge, à laquelle Touyard a cousu un large ruban rouge. J’acquitte le Docteur Hoël qui allait soigner un malade et qui avait eu le tort de laisser son cheval trottiner !! Acquitté D’Hesse, mon brave boulanger, qui avait eu le malheur de prendre sa bicyclette pour ne pas nous laisser mourir de faim. Puis l’audience a continué avec une suspension de 5 minutes à 3h1/2 jusqu’à 5h1/2. Gesbert, mon commissaire est un honnête soliveau (roi tout pacifique (La Fontaine))!! Ce n’est plus mon brave Speneux ! C’est la Guerre !! Rentré à nuit serrée à travers les rues encombrées, à chaque instant il me fallait allumer ma lampe électrique… Aussitôt rentré je m’attelle à abattre mes lettres de félicitations. Je suis à jour !!

Demain contrat Landragin – Dor à 6h du soir, dîner après. Dîner de Guerre !! Mon premier contrat de Guerre à Reims !! Contrat tragique et héroïque. Fixé mon départ à Paris vendredi matin. Voyage qui va encore me retarder. Enfin il faut le faire.

Je suis assez fatigué. Le vent souffle toujours en tempête. Tout claque, tout tombe, tout ruisselle dans nos ruines.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mardi 15 – + 7°. Petite tempête. Nuit tranquille. Neige disparaît. Le 108e est dissout(1). Visite d’adieu de M. Mollier, aumônier (de Saint-Trivier- sur-Moignans – Ain). Tempête tout le jour.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Le 108e RI, régiment de Bergerac, est dissout au début de 1918. Cette mesure indique bien que la pénurie des effectifs contrait à la disparition d’unités, parfois très épuisés et au resserrement des mailles du commandement, faisant pratiquement disparaitre les brigades d’infanterie et réduisant les divisions à trois régiments ; l’unité de base devenant en fait le bataillon renforcé en moyens de feux, canons d’infanterie, mitrailleuses.

notes de Thierry Collet :

MOLLIER (Joseph-Alphonse), de Belley. Né à Cohemoz (H.-Savoie), Ie 10 dec. 1879 ; vicaire à St-Trivier-sur-Moignans (1914 ); curé a Verjon. Mobilise (S. A.) sergent. 108e RIT, (2 aout 1914) ; s,-lieut. 126e R.I (18, jan. I918) ; 273e RI ( juin 1918) ; 338e ‘ R.I (16 aout 1918) ; lieut. blessé a Arcy (9 noy. 1918). – Démobilisé .en 1919.A pris part aux actions suivantes; – 1914: Marne, Prosne (4 dec.-2 fevr.), Argonne, Bois de la Gruerie.
1er citation Ordre 121eD. I., no 204, 6 aout J9/6:  « brancardier plein de modestie et de courage, ayant une haute conscience de son devoir-, Le 20 juillet, avant eu un de ses coéquipiers tue à ses cotes, à continue a évacuer- avec Ie plus grand sang-froid, sous un violent bombardement, de nombreux blesses. »
2e citation Ordre 105e R. I., no 5/, 6 oct. 1918:  « Au cours des attaques du 29 juin. au 4 aout, s’est dépensé sans compter, parcourant sous les rafales Ie champ de bataille pour apporter Ie réconfort moral aux blesses, et aider à l’identification des morts du bataillon et leur inhumation. »
Med. Mil 6 juin 1920 (J. 0., 13 avr. 1921).
Source : Livre d’Or du Clergé et des Congrégations, Paris, Bonne Presse, 1925
Le Cardinal parle donc de la dissolution du 108e RIT Régiment de Savoyard comme l’Abbé Mollier.
Le 1er août 1917, le régiment e retourne en Champagne. Il est rattaché, sous Reims, à la Ve armée. Utilisé pour des travaux divers jusqu’en novembre 1917 il va le 2 décembre, remplacer à Reims, le 110e R.I.T. Le Lieutenant-Colonel COIGNARD prend le commandement de la défense de Reims (O.D.V.R.) et dirige l’organisation du réduit de la Place.
Dans le courant de janvier 1918 onze kilomètres de réseaux de fil de fer (de 5 à 50 mètres d’épaisseur) sont placés dans les rues et boulevards de la ville ; 36 abris enterrés pour mitrailleuses,72 emplacements pour fusils-mitrailleurs sont installés pour le flanquement des réseaux, etc., etc..
Le 6 février les régiment est dissous, en même temps que beaucoup d’autres régiments territoriaux.

Mardi 15 janvier

Sur la rive gauche de la Meuse, nos feux, déclenchés avec précision, ont dispersé des détachements ennemis qui tentaient d’aborder nos lignes dans le secteur de la côte de l’Oie.
Sur le front britannique, une tentative de coup de main ennemie, effectuée au cours de la nuit à la faveur d’un violent barrage, a échoué à l’est de Monchy.
Activité de l’artillerie allemande à l’est d’Ypres et vers Messines et la Scarpe.
Un coup de main effectué avec succès par les Canadiens, au nord de Lens, leur a permis de ramener des prisonniers sans avoir subi eux-mêmes aucune perte.
Des engagements de patrouilles au cours de la nuit, a l’est de Méricourt, ont tourné en faveur de nos alliés.
Sur l’ensemble du front italien, actions d’artillerie intermittentes et de peu d’intensité. Moyenne activité des détachements de reconnaissance.
A l’est de Capo-Sile et au nord de Cortellazo, les patrouilles italiennes ont mis en fuite la garnison de petits postes ennemis, détruit des ouvrages fortifiés et pris du matériel.
A Brest-Litowsk, Kuhlmann a démasqué son jeu et refusé de prescrire l’évacuation des troupes allemandes de Lithuanie, de Courlande et de Pologne en affirmant que ces contrées s’étaient séparées de la Russie. Il attribuait ainsi aux autorités locales constituées par l’Allemagne et l’Autriche les pouvoirs qui n’appartiennent qu’aux peuples eux-mêmes.

Source : La Grande Guerre au jour le jour