Louis Guédet
Dimanche 13 janvier 1918
1220ème et 1218ème jours de bataille et de bombardement
8h soir Neige la nuit. Dégel… Bombardement dans la soirée de 6h à 8h, des victimes m’a-t-on dit ce matin, 4 ou 5 civils et militaires, et 3 sauveteurs blessés dont un grièvement au coin de la rue Jeanne d’Arc. Cet arrosage nous est dû par un coup de main des nôtres vers Courcy et les allemands ont voulu se venger ce soir-là… contre la formation qui leur a donné une… leçon, et qui savent que l’État-major réside dans le quartier Buirette – Drouet d’Erlon. Tuyaux donnés par le charmant lieutenant Neuville-Ronsin, un rémois de la Division Leroux actuellement ici (Pierre Gabriel Jules Neuville, Editeur d’Art (1885-1961), époux de Madeleine Marie Aline Zoé Ronsin (1889-1990)), et Éloire, adjudant des Pompiers qui a eu la chance que son fils n’écope pas. Ils étaient 4, et il est le seul indemne des sauveteurs blessés.
Messe à 7h1/2. Félicitations du bon abbé Divoir, une 15aine (quinzaine) de personnes. L’abbé me dit le contentement général de ma promotion, et le cri unanime : « Ah ! enfin, au moins celui-là ne l’a pas volée !! Il y a longtemps qu’il devrait l’avoir ! » Vox populi, vox Dei, dit-on !
Déjeuné au Cercle, avec Lelarge mon invitant qui voulait arroser mes galons ! non mon ruban, soyons modeste !! Cordieu ! Nous étions 6, Farré de la Croix-Rouge, Mme André Lambert, Robinet de chez Mumm, très bon et supérieur, et le lieutenant Neuville ci-dessus nommé, un rémois. Causé beaucoup et de différentes choses. Bref, l’autorité militaire met les pouces (cesser de résister, s’avouer vaincu, céder) avec les Rémois, et cherche à faire « Kamarad ! Oui, mais les Rémois demandent à voir « patte blanche », ce pourquoi ils n’ont pas tort ! Ensuite pour la grande attaque Boche !!?? L’Inconnu ! soit ! mais du bluff de l’avis de tous ! Neuville nous a affirmé que les 10aines (dizaines) de Divisions ramenées de Russie sur notre front depuis 3 mois se résumaient tout juste à 4 Divisions !! Il croit comme nous du reste que les allemands ne feront rien de sérieux devant nous (Reims) et même devant notre front en général. Nous nous sommes quittés vers 3h, de là je suis allé voir ma bonne Supérieure des sœurs de l’Hôtel-Dieu de Reims à Roederer pour la remercier de ses félicitations et aussi pour causer avec elle de la Bonne Nouvelle que l’abbé Maitrehut, de St Remy, leur aumônier, m’avait annoncé qu’une rapatriée de Belgique était arrivée à Issy-les-Moulineaux, laquelle arrivait de Cras-Avernas où elle était cantonnée près des Religieuses de l’Hôtel-Dieu de Reims, expulsées depuis 1906.
Nous allons avoir des nouvelles sûres de ces braves Religieuses, moi de la bonne Supérieure Mère Ste Pauline (Marie Caroline Loriquet, chanoinesse hospitalière de Saint-Augustin (1849-1921)), et de la fameuse Mère St Jean, la Mère de tous mes anciens amis de jeunesse à Reims. Charles Decès, Maurice Mareschal et Minelle. Que tout cela est loin, loin, loin !…
Rentré avec l’abbé Maitrehut à 5h1/2 pour travailler. J’ai fini ma correspondance. Il me reste à voir mon retard de simple police et d’allocations militaires, sans compter mes affaires d’Étude !!
Voilà 8 jours où je ne fais rien pour cela, et je n’ai aucun souvenir de mon existence que d’avoir écrit remerciement sur remerciement.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Dimanche 13 – + 2°. Nuit tranquille. Couche de neige. M. Charlier m’offre les tableaux de la Chapelle du Couchant. Arbre de Noël et Vêpres à Ste-Geneviève. Obus sur ravitaillement et ville par intervalles, toute la soirée. Visite de M. Bertrand de Mun.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Dimanche 13 janvier
Au nord-est de Reims, vers Courcy, nous avons réussi un coup de main sur une tranchée allemande et fait un certain nombre de prisonniers.
En Champagne, notre artillerie a exécuté des tirs de destruction efficaces dans la région d’Auberive.
Sur la rive droite de la Meuse, une violente lutte d’artillerie a été suivie de deux tentatives ennemies sur le front du bois Le Chaume. Malgré l’emploi de lance-flammes, les Allemands, qui attaquaient en deux endroits, ont été contraints de se retirer sous la violence de nos feux, après avoir subi des pertes sensibles.
L’activité d’artillerie reste vive dans toute cette région.
En Macédoine, rencontre de patrouilles anglaise et bulgare au nord-ouest du lac Put-Kovo.
Activité de l’artillerie serbe à l’est de la Cerna et de l’artillerie française au nord-est du lac Prespa.
Bombardement par notre aviation des campements et rassemblements ennemis au nord-est de Doiran et dans la région de Monastir.
Les Anglais ont exécuté un coup de main heureux à l’est de Loos et ramené des prisonniers.
Quelques rencontres sur le front italien. L’adversaire a dû, sous le feu de l’artillerie de nos alliés, évacuer plusieurs tranchées, en subissant des pertes sensibles.
Source : La Grande Guerre au jour le jour