Louis Guédet

Samedi 1er décembre 1917

1177ème et 1175ème jours de bataille et de bombardement

1h après-midi  Nuit calme, mais mal dormi. J’ai eu des cauchemars terribles toute la nuit. Je ne sais ce que j’avais, sans doute excès de fatigue, car j’étais exténué hier soir. J’ai été bien longtemps à m’endormir. Ma vie est si triste et si pénible. Reçu ce matin 3 souscriptions. J’ai donc passé mes 20 000 F que je ne croyais pas atteindre.

Vu personne, au courrier de 10h 3 lettres, j’en suis heureux, cela me donne un peu de répit. Une lettre de ma chère femme, et une de Bossu mon vieil et fidèle ami de Bastia. Si jamais le ruban de la Légion d’Honneur fleurissait ma boutonnière je pourrais dire que ce n’est qu’à lui que je le devrais. Lettre aimable, charmante d’un fin écrivain. Il croyait bien que notre Procureur Général Herbaux remplacerait Monier à la Présidence de la Cour d’Appel, car il estime ce dernier comme un très honnête homme, et très droit. Il va être désillusionné ! et moi aussi car j’en aurais été bien heureux pour M. Herbaux qui m’a toujours été si bon aussi pour moi. Je pourrais dire que durant ma carrière judiciaire de Guerre ils auront été tous deux mes Providences ! Que ne puis-je le leur rendre !

7h1/2 soir  Vers 2h1/2 visite de Gilbrin, Directeur de la Banque de France, en coup de vent comme toujours ! (Rayé) Je lui ai remis 10 000 F en compte, y compris mes 5 200 F d’or. Son chef de comptabilité doit venir mercredi prochain, souhaitons que l’abbé Debout revienne me rapporter le fond de l’escarcelle de ses vieux thésauriers de Champfleury – Villers-aux-Nœuds.

Ecrit 10 pages à Bossu, pour lui conter toutes ces petites histoires d’or, d’Osmont de Courtisigny avec ses scrupules à mon sujet pour l’Emprunt, etc… Demain je lui écrirai ma lettre après avoir vu Lenoir si je le vois. Sorti juste pour acheter un journal et me faire couper les cheveux. Rien appris en chemin. Les nouvelles des journaux sont loin d’être encourageantes, réconfortantes. Où allons-nous ?? Qu’allons-nous devenir ? L’avenir est plus sombre que jamais. Je suis bien las de tout cela, et me demande si mon dévouement personnel aura servi à quelque chose en voyant tout cela. Je crois que j’ai eu tort et que j’aurais mieux fait de rester près des miens au lieu de me dévouer, me sacrifier ici pour les autres, pour mes concitoyens, ma cité et cela en pure perte.

La page suivante a été découpée, ainsi que la moitié de celle d’après.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

1er décembre 1917 – Très forte canonnade, ainsi que la veille, du côté de Brimont. A 19 h 1/4, bombardement.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Samedi 1er – + 5°. Nuit tranquille. Obus sifflent (sur batteries?). Ré­pondu à l’Attaché militaire de… pour Croix.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Samedi 1er décembre

Les deux artilleries se sont montrées particulièrement actives en Argonne et dans la région des Chambrettes où, après une série de violents bombardements, l’ennemi a exécuté un important coup de main qui a complètement échoué.
Un parti allemand qui tentait d’approcher les lignes anglaises, dans la région de Gavrelle, a été repoussé par les feux de nos alliés avant d’atteindre leurs tranchées.
L’artillerie ennemie a été active sur un certain nombre de points, au sud-ouest et à l’ouest de Cambrai. Les Allemands ont ensuite attaqué par masses et gagné quelque terrain.
En Macédoine, activité d’artillerie vers Doiran, dans la boucle de la Cerna et au nord de Monastir. Les batteries françaises et britanniques ont exécuté avec succès des tirs de destruction et provoqué l’explosion d’un dépôt de munitions ennemi.
Vers Nonte, une forte patrouille ennemie a été repoussée.
L’aviation française a exécuté plusieurs bombardements dans la vallée du Vardar et au nord de Monastir.
Trois appareils ennemis ont été abattus, deux par l’aviation britannique, un par l’artillerie française.
Sur le front italien, combats d’artillerie vers Asiago et dans la région de la Piave inférieure.
Le comte Hertling, chancelier allemand, a annoncé au Reichstag qu’il acceptait de discuter les conditions de l’armistice offert par les maximalistes russes. Le comte Seidler a fait la même déclaration à la Chambre autrichienne.

Source : La Grande Guerre au jour le jour