Louis Guédet

Mercredi 21 novembre 1917

1167ème et 1165ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Pluie battante, brouillard tombant toute la journée, on se serait cru à Londres. Bataille la nuit. Bataille toute la journée vers Cormicy, Berry-au-Bac, Corbeny. Roulement formidable. Quelques obus dans la journée. Journée triste, humide, lourde, déprimante !

Vu le sous-préfet ce matin, assez monté contre le Procureur de la République qui aurait délivré un casier judiciaire n°2 au Maire de Mareuil-sur-Aÿ pour un garde sans passer par lui !! Rigoureusement M. de Courtisigny n’aurait pas dû le faire, mais c’est dans l’usage à la condition que la demande du Maire soit appuyée de la signature de l’Intérieur. La loi de 1910 n’autorise pas les Maires à se faire délivrer ces casiers n°2 qui du reste, outre les condamnations, contiennent aussi des renseignements confidentiels sur les personnes. Mais il s’apaise vite. Il est très vif, mais 1h après il n’y parait plus…

Reçu la lettre pastorale du Cardinal Luçon pour faire appel aux fidèles pour l’Emprunt. Lettre plutôt terne. S.E. a subi l’influence de ses 2 Éminences grises, Mgr Neveux et le chanoine Compant ! J’ai envoyé un exemplaire de cette lettre (ci-jointe) à M. Gilbrin et M. Dubosc de la Banque de France.

Après-midi après mon courrier été jusqu’à l’Hôtel de Ville, causé avec Raïssac et de Bruignac, puis rentré chez moi, triste, les larmes aux yeux, ma vie est d’une telle tristesse ici. Rencontré en route le bon R.P. Desbuquois toujours affectueux, charmant.

Appel du Cardinal Luçon en pièce jointe.

En entête les armes du Cardinal, avec sa devise : « In fide et lenitate » (Dans la foi et la douceur »)
Lettre répertoriée n°103

Nos Très Chers Frères,

La France fait un nouvel emprunt de guerre.

Je ne songe point à vous exposer les avantages qu’il présente aux souscripteurs : il n’est pas dans notre rôle de conseiller des placements d’argent. Je viens seulement vous dire : La France fait appel à ses enfants ; cet appel doit être entendu.

Jamais guerre n’a mobilisé tant d’hommes, exigé tant d’armes, dépensé tant de munitions. Personne ne peut s’étonner qu’elle coûte cher ; nul de ceux qui possèdent ne saurait refuser à l’Etat les ressources dont il a besoin.

La guerre nous a été imposée : il faut bien que nous la soutenions. Nous ne pouvons pas déposer les armes tant que l’ennemi foule le sol de la Patrie, tant que nos frères des Ardennes et des départements envahis ne sont pas libérés, tant que le chemin du retour n’est pas rouvert à ceux que l’émigration forcée, l’évacuation d’office, ou la déportation ont dispersés loin de leurs foyers.

Actuellement, les conditions de paix que nous ferait l’ennemi ne seraient ni honorables, ni justes pour nous. Si, au contraire, nous tenons jusqu’à la victoire, nous pourrons exiger la réparation des pertes qu’il nous a injustement causées ; il sera mis dans l’impossibilité de recommencer la lutte ; les pères éviteront à leurs enfants les horreurs de la guerre et leur assureront un long avenir de paix.

Sur tout le front de nos armées, nos soldats sont admirables d’énergie, d’ardeur, d’endurance, ils ne nous ménagent pas leur sang : comment à l’arrière un français hésiterait-il à donner à la Patrie un peu de son argent ?

Les Catholiques ont fait noblement leur devoir durant la guerre : il n’est personne qui ne le reconnaisse. D’innombrables traits d’héroïsme de la part des soldats chrétiens enrichiront nos annales ; à l’intérieur nous avons loyalement pratiqué l’Union sacrée ; nous avons jusqu’ici généreusement répondu aux appels de l’Etat. Les Catholiques seront fidèles au devoir jusqu’au bout.

Que Dieu bénisse nos sacrifices, et les récompense par une paix honorable, réparatrice et durable !

Reims, le 19 Novembre 1917

† Louis-Joseph. Card. LUÇON
Archevêque de Reims

Imprimerie de l’Archevêché, 6 – 8, rue du Préau, 10 – 12, rue Robert-de-Coucy, Reims.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Paul Hess

novembre 1917 – Attaque allemande du côté de Bétheny ; nous entendons les explosions des torpilles sur les tranchées.

Bombardement à 21 h 1/2 et riposte sérieuse de notre ar­tillerie, pendant trois quarts d’heure.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 21 – + 11°. Pluie. Rénovation des Promesses cléricales à 3 h. Allocution de Mgr Neveux. A 9 h. violente canonnade française, éclairs (de canons) magnifiques. On dit que toute la nuit on a entendu la canonnade au loin, vers Berry-au-Bac et au-delà.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Berry-au-Bac

Mercredi 21 novembre

Au nord de Saint-Quentin, nous avons aisément repoussé un coup de main ennemi sur la rive gauche du Fayet.
Sur la rive droite de la Meuse, après un intense bombardement du front Bezonvaux-bois Le Chaume, les Allemands ont attaqué nos positions au nord du bois des Caurières, sur une étendue d’un kilomètre environ. L’attaque brisée par nos feux, n’a pu aborder notre ligne avancée que sur un très faible espace. Les fractions ennemies qui avaient pu y prendre pied ont été rejetées pour la plupart par notre contre-attaque immédiate.
Les troupes britanniques ont exécuté un coup de main heureux à l’est d’Ampoux.
Elles ont effectué avec des résultats satisfaisants, une série d’opérations entre Saint-Quentin et la Scarpe. Une grande quantité de matériel et un certain nombre de prisonniers sont tombés entre leurs mains. Les opérations aériennes ont été rendues très difficiles par le temps, devenu brumeux et orageux.
Les Italiens ont repoussé quatre violentes attaques austro-allemandes et fait 300 prisonniers. Ils ont également arrêté un coup de main en Albanie.
En Macédoine, activité d’artillerie à l’ouest du Vardar, dans la boucle de la Cerna et au nord de Monastir.
Les troupes russes ont repoussé une reconnaissance ennemie dans la région des lacs.
La cavalerie anglo-égyptienne est arrivée à 19 kilomètres de Jérusalem.
L’infanterie, d’autre part, a atteint une ligne située à 24 kilomètres de la ville.

Source : La Grande Guerre au jour le jour