Louis Guédet

Dimanche 28 octobre 1917

1149ème et 1147ème jours de bataille et de bombardement

11h1/2  Du brouillard, froid. Messe à 7h. On annonce qu’à partir du 1er novembre les messes seront en semaine à 6h, 6h1/2, 7h1/2 et le dimanche à 6h1/2, 7h1/2, 8h1/2, ce sera plus commode. Courrier formidable et pour comble de malchance mon vieil expéditionnaire est fort malade et on se demande s’il en réchappera. Et je lui avais donné un acte de partage à faire pour mardi. Il va falloir m’y atteler dare-dare.

Reçu lettre de Robert qui compte avoir sa permission à la fin du mois les 30 – 31 octobre, au retour de son fourrier, de Jean qui m’apprend qu’il envoie à sa mère le texte de sa citation à la Division (étoile de vermeil) il saute la brigade. J’en suis heureux pour lui. Lettre de ma chère femme qui parait toute heureuse de voir ses grands qui ont exprimé le désir d’aller en permission à tour de rôle et non ensemble.

7h3/4 soir  Journée très absorbée. Écrit au Procureur Général pour mes justices de Paix et pour mon ruban afin de le prévenir qu’il est question sous peu de décorer Colson, Directeur des Postes et Télégraphes de Reims. Vu Raïssac pour le transfert des justices de Paix. Le Maire y est absolument opposé. Bref j’ai tout le monde pour moi pour me faire rester ici. Lenoir tout le premier qui va enlever le morceau à la Chancellerie. Travaillé toute mon après-midi à un partage Hédouin que je dois faire signer mardi à Olizy-Violaine (à 28 kilomètres de Reims, dans la direction de Château-Thierry), mon pauvre Papa Millet étant très souffrant ne va pas pouvoir le terminer, et c’est moi qui écope.

Bref pas moyen de converser avec « mes notes de Guerre ». Ce sera pour demain si j’ai le temps, car j’ai une savoureuse histoire de pillage à noter ici qui est arrivée à Henry Mennesson (négociant en laines (1840-1925).

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Dimanche 28 octobre 1917 – En compagnie de M. Vigogne, assisté, ce dimanche à une très intéressante matinée musicale, donnée par un orchestre symphoni­que, composé de musiciens du 118e régiment territorial d’infante­rie, sous la direction de l’adjudant Firmin Touche, professeur au conservatoire, violon solo de l’Opéra et des Concerts Colonne, et divers autres artistes du même régiment.

En voici le programme :

Programme de la matinée musicale donnée le dimanche 28 octobre 1917,

Salle de l’Embarcadère – boulevard Louis-Rœderer,
de 14 h à 16 h

  1. MireilleOuverture (orchestre) Gounod.
  2. Trio-sérénade(violon . adjoint Touche ; alto : Englebert ; violoncelle : Minssart).
  3. Adjoint Izard, du Trianon lyrique, dans son répertoire.
  4. Noël de Pierrot (orchestre).
  5. Solo de violoncelle, par Minssart, des Concerts Colonne.
  6. Prologue de Paillasse, par Reymond, de l’Opéra-Comique.
  7. Hans le joueur de flûte, Fantaisie (orchestre) Ganne.
  8. Brunot, de la Comédie-Française, dans son répertoire.
  9. Funiculi-Funicula, Marche (orchestre) Gauwin.

Au piano. G. de Seynes, harmonium. Diaz.

Les Poilus garnissant aux trois quart la salle, firent une ova­tion bien méritée à leurs camarades, à laquelle prit chaudement part le public civil, reconnaissant envers cette phalange de choix de lui avoir procuré l’occasion d’un véritable régal.

Le sentiment de bien des auditeurs, au sortir de ce brillant concert, était certainement celui que nous éprouvions, M. Vigogne et moi : « Quand nous sera-t-il permis de goûter pareilles joies, en même temps que les douceurs de la paix« , car nous nous sentions replongés brusquement dans l’ambiance des coups de canon, de la gamme dangereuse des sifflements d’obus, et de toute cette autre musique infernale et sinistre, entendue déjà depuis plus de trois ans.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

« Colonne conduit » (1905). Par Hector Dumas — Bibliothèque nationale de France, Domaine public.

Cardinal Luçon

Dimanche 28 – + 3°. Nuit tranquille. 1er jour de ma 76ème année. Re­traite du mois.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 28 octobre

En Belgique, notre attaque, commencée le matin, s’est développée au cours de la journée, avec un plein succès. De part et d’autre de la route d’Ypres à Dixmude, nos troupes ont enlevé toutes les positions allemandes sur un front de 4 kilomètres et une profondeur moyenne de 2, en dépit de la résistance opiniâtre de l’ennemi, qui a subi des pertes très élevées. Nous avons atteint à droite les lisières ouest de la forêt d’Houthulst et conquis les villages de Verdrandesmis, d’Ashoolt, de Merken et Keppe, ainsi qu’un grand nombre de fermes solidement fortifiées.
Sur le front de l’Aisne, faible activité de l’artillerie ennemie. Nous avons réalisé de nouveau progrès en avant de l’éperon de Chevregny et occupé, plus à l’est, la ferme Froidmont.
La lutte d’artillerie a été vive au cours de la journée dans la région des Monts et sur la rive droite de la Meuse.
En Macédoine, à la suite de nouveaux raids dans la vallée de la Strouma, au sud de Serès, les troupes britanniques ont capturé une mitrailleuse et ramené 60 prisonniers, dont 2 officiers.
La flotte allemande a bombardé plusieurs points de la côte d’Esthonie.
Sur le front du Carso, les Autrichiens ont poursuivi leurs avantages et s’efforcent d’atteindre le débouché des vallées.
Le cabinet espagnol a démissionné.

Source : La Grande Guerre au jour le jour