Louis Guédet

Samedi 31 mars 1917

931ème et 929ème jours de bataille et de bombardement

7h3/4 soir  Temps de giboulées avec d’immenses « nevus », froid, des bombes à chaque instant et un peu partout, c’est agaçant. De plus, il y a comme de l’électricité dans l’air !…  on s’attend à un moment à l’autre à quelque chose. Qu’en résultera-t-il ? Qu’en sortira-t-il ? Cela me laisse assez froid. J’ai presque honte de l’avouer mais je ne puis me figurer Reims dégagé reprendre la vie normale ? A part les bombes et autres ingrédients allemands, nous étions si tranquilles !! tandis qu’après la délivrance, il faudra reprendre la vie mesquine, petite, étroite, méchante de la ville de Province, lutter contre tous les lâches qui se sont sauvés, et qui viendront vainqueurs nous dire, nous signifier de nous taire ! Alors les petites vengeances, ces petites saletés, ces petites vilenies refleuriront comme avant Guerre !! Oui, je regretterai ma vie d’angoisses sous les bombes…  On vivait, on vibrait, on se sacrifiait pour l’Honneur, la Gloire, la France !…

Toute la matinée travaillé, couru aux Hospices toucher des fonds de successions diverses. Vu Guichard, causé longuement, il est intelligent, on à plaisir à converser avec lui. (Rayé).

Après-midi porté mon courrier, courses, versés des fonds chez Chapuis. Passé chez Camuset qui m’apprend les fiançailles de sa fille avec un jeune officier, avocat des Collières. Rentré à la maison, écrit. Visite du Lieutenant de vaisseau Adrien de Voguë, 59, quai d’Orsay, actuellement A.L.G.P. n°884, commandant notre batterie de marine de Dieu-Lumière. Il est le fils du marquis de Voguë (Robert Adrien de Voguë (1870-1936)), ambassadeur de France, Grand d’Espagne, membre de l’Académie Française et de l’Académie des Inscriptions des Belles Lettres, Commandeur de la Légion d’Honneur, Président du comité central de la Croix-Rouge, décédé récemment le 10 novembre 1916 à Paris, rue Fabert 2. Il venait justement pour une procuration pour recueillir la succession de son Père, liquidée par Laurent, notaire à Paris. Il est le neveu du grand écrivain. Causé longuement avec lui, il avait abandonné la Marine et a repris du service à la Guerre. Jusqu’à présent sa batterie de Marine a eu de la chance, car elle n’a eu qu’un tué et un blessé. Très distingué, fin causeur. Il doit revenir lundi 6h. Il m’a laissé pressentir que nous allions avoir quelque chose d’ici peut. Soit !!…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Samedi 31 – + 3°. Nuit tranquille. A 8 h. bombes sifflent (sur batteries ?) Presque toute la journée, bombes ; sur batteries, cour du Lycée, Haubette, Place de l’Hôtel-de-Ville.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Samedi 31 mars

Au nord de la Somme, et entre Somme et Oise, l’artillerie ennemie a bombardé en certains points nos premières lignes; nos batteries ont énergiquement répondu. Aucune action d’infanterie.

Au nord-est de Soissons, nous avons progressé dans le secteur Vrégny-Margival.

A l’ouest de Maisons-de-Champagne, une vive attaque de nos troupes nous a permis de rejeter 1’ennemi des éléments de tranchées où il avait pris pied le 28 mars. Au cours de cette action, nous avons fait 63 prisonniers.

Les Russes ont infligé un échec à l’ennemi au nord de Stanislau, en Galicie. Ils l’ont également repoussé au sud-ouest de Brzezany, en Arménie, dans la direction de Bitlis; ils ont attaqué les Turcs à Tachkpal et ont ramené des prisonniers.

Canonnade autour de Monastir.

Le chancelier de Bethmann-Hollweg a prononcé un discours au Reichstag; Il a affirmé que jamais 1’Allemagne n’avait soutenu la réaction en Russie, qu’elle ne voulait pas la guerre avec l’Amérique, et, par ailleurs, a reconnu que la situation militaire demeurait indécise. Les social-démocrates majoritaires ont, pour la première fois depuis août 1914, rejeté le budget au Reichstag.

Le nouveau régime russe promet l’autonomie à la Pologne.

Source : La Grande Guerre au jour le jour