Louis Guédet
Mercredi 25 octobre 1916
774ème et 772ème jours de bataille et de bombardement
6h soir Temps de pluie et brume, maussade. Ce matin allocations militaires, où dans une enquête pour supprimer une majoration à une malheureuse femme qui a une conduite déplorable et la reverser à la belle-mère qui a en garde un des enfants de cette malheureuse. Pendant la…
Le haut du feuillet suivant a été découpé.
…à 2h je sors pour faire des courses et prendre mon passeport, quand voilà les bombes qui commencent à tomber. J’entre au Palais de Justice, où je suis bloqué pendant une heure 1/2. Durant ce temps je cause avec le substitut du Procureur M. Mathieu de mon affaire de simple police du 3 octobre 1916. Tous ces militaires sont en train de bafouiller et de pagayer !! Maintenant ce n’est plus à moi qu’ils en veulent, c’est au Courrier de la Champagne !!!! Il ne manquait plus que cela. Bref, comme à la caserne, il faut que quelqu’un écope quand un galonné se croit atteint dans son autorité !! Qu’ils prennent garde de ramasser une nouvelle gifle !!… Ils ne l’auraient pas volée !! Quels tristes sires !! A 2h12 je passe chez Ravaud, des bombes repleuvent. Je file à l’Hôtel de Ville où je reste jusqu’à 5h moins un quart, enfin je puis rentrer chez moi à 5h !! 3 heures de bombardement intense !! Le Barbâtre est atteint, mais surtout toute la partie de la rue de Vesle à partir du pont du canal jusqu’au pont du chemin de fer d’Épernay. Et aussi vers le pont de Muire, Place Colin, Hôtel de la Couronne, jardin Redont (appartenant à Jules Redont, célèbre paysagiste rémois (1862-1942)) ont surtout souffert, des victimes dont M. Hilaire Hayon, administrateur de l’Éclaireur de l’Est. Je prendrai de ses nouvelles demain. On m’a dit que ses blessures multiples n’étaient pas graves. Il faut attendre et voir. Quelle journée ! Ces bombardements intenses vous émotionnent toujours ! Ils ont du reste lancé des obus un peu partout. Mais le quartier Pont de Vesle – Porte Paris a surtout le plus souffert. Il faut que nous payions la reprise du fort de Douaumont. C’est ce qu’ils nomment de représailles militaires en… tuant des civils !…
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
25 octobre 1916 – A midi 1/2, les 95 du Port-sec commencent à taper.
Vers 14 h, les Boches se mettent à riposter ferme et bombardent en ville, tandis que nos pièces continuent.
Un tir simultané de ce genre est plutôt rare.
On ne cesse ni d’un côté ni de l’autre ; le duel d’artillerie devient au contraire de plus en plus sérieux et dure jusqu’à 17 heures.
Il y a des dégâts considérables, occasionnés par les obus arrivés pendant ce singulier bombardement, dans les rues du Barbâtre, Gambetta, etc. Les projectiles tombaient également le long du canal, de Fléchambault à la Brasserie du XXe siècle.
On évalue de 450 à 500, le nombre des obus envoyés en ville. Il y a des tués et des blessés.
— Le communiqué annonçait ce matin la reprise de Douaumont et une avance de 3 km. en profondeur, sur 7 km. de front.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Mercredi 25 – Nuit tranquille. + 10°. Nouvelle de la reprise de Douaumont (1). De 2 h. à 3 h. coups de canons de marine du côté français formidables, 3 ou 4 à la fois. Riposte des Allemands par bombes sur batteries et sans doute aussi ailleurs. De 1 h. à 5 h. 1/2 bombardement terrible. Quelques gros coups de canons français. Avalanches ou rafales d’obus allemands ; un d’eux achève de démolir l’Espérance 1. A la visitation 8 obus : 5 dans le jardin, 3 dans la maison (destinés sans doute au collège Saint-Joseph où étaient cantonnés des soldats). Beaucoup de dégâts ; un certain nombre de blessés Place Collin. Les pièces de marine ont tiré dans l’après-midi (on évalue à 450 obus (2).
(1) Le fort de Douaumont est repris par le régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc et le 321e Régiment d’Infanterie de Montluçon. La nouvelle de cette victoire a tout de suite été diffusée puisque le Cardinal la consigne le jour même de l’évènement
(2) Pour l’emploi de l’artillerie lourde sur voie ferrée il avait été construit, comme d’ailleurs pour le ravitaillement et les relèves des troupes, des réseaux ferrés triplant ou quadruplant les lignes existantes et des gares de triage et des dépôts en dehors des agglomérations et des vues de l’ennemi.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Mercredi 25 octobre
Sur le front de la Somme, lutte d’artillerie assez violente dans la région de Biaches et d’Ablaincourt. Aucune action d’infanterie.
Au nord de Verdun, après une intense préparation d’artillerie, nous avons prononcé une attaque sur un front de 7 kilomètres. Notre avance, qui a été très rapide et qui s’est effectuée avec des pertes légères, a été, sur certains points, de 3 kilomètres. Nous avons repris le village et le fort de Douaumont et nous sommes installés sur la route de Douaumont à Bras. Le chiffre de nos prisonniers est de 3500, dont 100 officiers.
Les troupes britanniques se sont consolidées sur le terrain conquis entre Gueudecourt et Lesboeufs.
Notre aviation a été très active. Un de nos avions a attaqué à la mitrailleuse les tranchées ennemies dans le bois de Saint-Pierre-Vaast. Sur le front de Verdun 20 combats ont été livrés: 3 avions ennemis ont été abattus; 2 autres ont dû atterrir en Lorraine; un aviatik a été abattu en Alsace.
Les Russo-Roumains se sont retirés à 12 kilomètres au nord de Constantza. Ils ont infligé des pertes aux Austro-Allemands dans les Carpathes, et gagné du terrain dans certains passages. Ils ont reculé, toutefois, au col de Predeal.
Une accalmie se prolonge sur le front russe de Galicie.
La presse autrichienne continue, par ordre, à présenter Fritz Adler comme un fou, de façon à enlever à son acte tout caractère politique. On annonce qu’il sera probablement pendu. Les partis, au Reichsrath de Vienne, continuent à délibérer sur l’opportunité d’une convocation de cette assemblée.
Le gouvernement grec a interdit à la presse toute attaque, toute injure contre les Alliés.
L’amirauté allemande a installé des sous-marins le long de la côte norvégienne, comme pour assurer un blocus effectif. Plusieurs bâtiments norvégiens et suédois ont été de nouveau coulés.
L’Angleterre augmente ses effectifs en appelant les hommes de 41 ans, en poursuivant les insoumis, en remplaçant les jeunes gens qui travaillent dans les usines.
Le gouvernement autrichien a prescrit l’évacuation de la population civile de Trieste.
Les troupes italiennes d’Albanie ont opéré leur jonction avec l’extrême gauche de l’armée de Macédoine.
Source : La Grande Guerre au jour le jour