Louis Guédet

Dimanche 22 octobre 1916

771ème et 769ème jours de bataille et de bombardement

5h3/4 soir  Il a gelé très fort cette nuit dernière. Très beau temps mais fort froid toute la journée. Voilà les feuilles complètement gelées, voilà l’hiver, ce qui n’est pas sans m’attrister et me serrer le cœur.

Messe de 7h ce matin. Travaillé, vu mes procès de simple police, rien que du normal, sauf le procès pour pains de fantaisie, mais l’arrêté préfectoral n’a pas été affiché. Charles Heidsieck est venu me voir vers 9h1/2 et est resté fort longtemps à causer avec moi. Il est enchanté du mariage de son fils Marcel. Son fils Georges a été à Combles (village de la Somme, centre de résistance allemand, pris le 26 septembre 1916 par le 73ème RI de Georges Heidsieck) et en ce moment à l’arrière, ayant la dysenterie. Christian a échoué à son examen d’aspirance à cause d’une maladresse d’un de ses camarades qui, déjeunant avec lui dans un restaurant, s‘est mis à « déblatérer » contre les instituteurs, or un des officiers de Christian justement instituteur a entendu les propos de son ami. Bref, « recalé ». Il m’a quitté vers 11h, je dois déjeuner avec lui demain.

Cet après-midi poussé jusqu’au parc de La Haubette pour voir Dupont-Nouvion, avocat, afin d’avoir son avis sur l’application de la loi du 6 octobre 1916 relative à la culture des terres abandonnées, afin de savoir ce que je dois répondre au Maire de Perthes au sujet de mes fermes de Perthes et de Sapignicourt qui sont abandonnées par mon fermier mobilisé, et ses père et mère cautions. Vu Texier, causé, et reparti par Courlancy. Causé un moment avec la Mère Ste Thérèse. Rentré, découragé, désemparé, je suis si seul, si abandonné, (rayé).

Le haut du feuillet suivant a été découpé.

…questions. En attendant, pour ne pas, (rayé)…barras, puisqu’il n’a pas affiché l’arrêté, je mettrais l’affaire en délibéré. Cela nous donnera un mois pour respirer. Pris des nouvelles en passant près de son Père de Melle Boudin qui, se promenait avec son fiancé vers les Bains froids, a été blessée assez sérieusement à la tête par un éclat de 105.

Rentré travailler et écrit quelques lettres.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Dimanche 22 – Nuit tranquille. + 1°. Messe et allocution à Saint-Thomas, aux Trois Fontaines (Chapelle des Trois Fontaines) où se fait le culte paroissial depuis la dévastation de l’église. Journée tranquille et belle.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

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Dimanche 22 octobre

Au sud de la Somme, les Allemands, après un violent bombardement, ont dirigé une attaque sur la partie sud du bois de Chaulnes que nous occupons. Repoussé partout avec des pertes sérieuses, l’ennemi a laissé entre nos mains un nombre de prisonniers assez considérable. Les attaques que l’ennemi a menées les derniers jours dans cette région ont été très meurtrières pour lui. Des fractions qui avaient réussi à prendre pied dans nos premières lignes, ont été complètement cernées. 150 Allemands survivants ont été capturés.
Les Anglais ont repoussé deux attaques sur la redoute Schwaben en faisant 84 prisonniers dont 5 officiers. Ils ont ensuite attaqué à leur tour et avec succès sur un front de 5 kilomètres entre la redoute Schwaben et le village de Sars. Ils ont avancé leurs lignes de 300 à 500 mètres et ont pris les tranchées Stuss et Regina. Ils ont capturé plus de 800 prisonniers et leurs pertes sont légères.
La neige arrête les opérations dans le Haut-Trentin.
Les Russes luttent avec acharnement sur la Narajovka.
Les Roumains ont remporté des succès dans les montagnes, mais effectué un nouveau repli en Dobroudja.

Source : La Grande Guerre au jour le jour