Louis Guédet
Samedi 25 mars 1916
560ème et 558ème jours de bataille et de bombardement
5h soir Toujours le même silence, sauf quelques coups des nôtres (la batterie du chemin de Cormontreuil) depuis 1 heure. Temps et soleil magnifique. Peu d’avions. Ce silence m’inquiète. Est-ce de l’impressionnabilité ? est-ce de la lassitude ? Je ne sais mais je suis bien inquiet et bien triste. Encore un courrier qui m’arrive. Ma Bonne, Adèle, mon chien Fidèle !! va me quitter. Elle est toute marrie, mais elle ne peut faire autrement. Elle est obligée de se charger des 4 enfants de sa sœur de Billy qui vient de mourir à Épernay, le Père est au front. Son père et sa mère sont trop vieux pour s’en occuper, alors c’est elle qui doit se dévouer ! quand elle m’avait prévenu il y a quelques jours je lui avais dit que malgré l’ennui et la gêne que cela me causerait, je ne pouvais la retenir, car les siens avant tout. Voila donc le seul témoin de mes misères, mes épreuves, mes souffrances et mes tortures depuis le 1er septembre 1914 qui me quitte. Elle m’était fort attachée et je le lui rendais car c’était une bonne fille, un vrai chien fidèle !! Rien ne m’aura été épargné. Il faut que je sois abandonné de tous, tout seul, tout seul !!!… J’ai bien ici pour la remplacer Lise et Jacques, mais ils sont au service de Mme Mareschal et ce n’est plus la même chose. Et puis quand Reims sera délivré ma pauvre femme n’aura personne pour la seconder, l’aider dans le triage de tous nos débris !!… C’est dur, bien dur !! Non, rien ne m’aura été épargné. Et si c’était encore la fin et qu’ensuite j’ai enfin la tranquillité, la prospérité, le bonheur… mais je n’espère plus cela. Ce n’est pas fait pour moi. Je suis un maudit, un paria !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Samedi 25 – Nuit tranquille ; température : 6 ; gelée blanche, beau soleil. Visite à S. J. B. de la Salle : rue de Metz, rue de Cernay, rue de Grandval et rue de Betheniville. Visite au Dr Armand, malade. Salut du Triduum, Chapelle du Couchant. Aéroplane ; quelques coups de canon et quelques grosses bombes sur les tranchées. 11 h. combat à la grenade.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Alfred Wolff
Minuit ! semblables à de gros bonbons, les grosses pièces de canons résonnent semblant appeler à un office funèbre, en effet ils sèment la mort aux moyens de gaz asphyxiants qu’ils contiennent et partent de la Pompelle, but ancien processionnel de la paroisse St Remi, ce ne sont plus le même temps.
Du 3 septembre 1914 au 20 décembre 1916, Alfred Wolff, maître-tailleur spécialisé dans l'habillement militaire, raconte son parcours et ses journées en tant qu'agent auxiliaire de la police municipale. Affecté au commissariat du 2ème arrondissement (Cérès), il se retrouve planton-cycliste et auxiliaire au secrétariat. Il quitte Reims le 25 octobre 1914 pour Chatelaudren (Côtes du Nord), mais reprend son service à Reims le 6 novembre 1915.
Source : Archives Municipales et Communautaires de la Ville de Reims
Samedi 25 mars
En Argonne, à la suite de l’explosion d’une de nos mines à Vauquois, l’ennemi a attaqué et a réussi à prendre pied un moment dans notre tranchée de première ligne. Mais une contre-attaque l’en a chassé aussitôt; au cours de cette contre-attaque, nous avons fait une trentaine de prisonniers. Activité de notre artillerie sur les voies de communications ennemies en Argonne orientale et sur le bois de Malancourt-Avocourt. Au nord de Verdun, pas d’évènement. Bombardement intermittent de nos deuxièmes lignes à l’ouest et à l’est de la Meuse, avec riposte énergique de nos batteries. Au nord-est de Saint-Mihiel, nos pièces à longue portée tirent sur la gare de Vigneulles, démolissent un hangar, provoquent l’explosion d’un train qui se trouvait en gare. Le débat budgétaire a commencé au Reichstag;la plupart des orateurs critiquent les nouveaux impôts. La presse allemande avoue que le quatrième emprunt a été un demi-échec. Certains journaux d’outre-Rhin préconisent la substitution de la guerre aérienne à la guerre sous-marine. Les Turcs se disposent à résister à Trébizonde. De nouvelles émeutes ont en lieu à Constantinople.
Source : La Grande Guerre au jour le jour