Louis Guédet

Vendredi 21 janvier 1916

496ème et 494ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Beau temps, du canon et de la bataille toute la nuit, qui a été venteuse et pluvieuse. Déjeuné au Cercle, rue Noël, avec Charles Heidsieck qui en outre avait invité, en l’honneur de Mgr Landrieux, curé de la Cathédrale qui va nous quitter pour être évêque de Dijon, M. et Mme Henri Heidsieck, leur fils Xavier, M. Henri Abelé, M. de Bruignac et M. Gilbrin, directeur de la Banque de France de Reims, réfugié à Épernay, qui se trouvait là au Cercle et qui s’est joint à nous. Causé d’une foule de choses, des événements. Là j’ai fait pour la première fois, et ce ne sera pas la dernière, la remarque suivante : Henri Heidsieck qui lui a été obligé de quitter Reims le 1er septembre 1914 parce que blessé non mobilisable, parlait des Rémois qui étaient restés et de ceux qui étaient…  partis, et émettait l’avis que beaucoup des…  rentrant s’imposeraient, critiqueraient, etc…  ceux qui étaient restés, nous tous, sauf M. Gilbrin, nous étions d’avis qu’on ferait l’impossible pour nous faire taire si on ne nous traitait pas encore d’imbéciles…

M. Gilbrin tâchait de soutenir que non, mais mollement. Bref on sentait déjà en lui cet état d’esprit qui ceux qui se cabreront devant ceux qui n’ont pas fui… aussi le jeune s’est mis dans la conversation et il a fallu faire glisser la conversation sur un autre sujet. Oui. Il y aura des luttes, des froissements, des clans, des partis pris, des ruptures, des éclats entre ceux qui ont fait leur devoir et qui sont restés, et ceux qui ont fuis ou qui se sont embusqués. Cela se sait déjà… c’est dans l’air…  on ne nous pardonnera jamais d’être restés.

Il est tombé exactement jusqu’à ce jour 94 bombes sur la Cathédrale.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Vendredi 21 – Nuit tranquille ; + 6. Visite de M. Duvent, aquarelliste. Via Crucis in Cathedrali. Rencontre du Colonel Raucher à la sortie de la Cathédrale. Canonnade entre batteries. Reçu avis d’envoi de 500 couvertu­res par M. Whitnay-Warrey, type de celles qui servent à l’Armée améri­caine, et provenant du Secours National Américain pour le Secours Natio­nal Français. 9 h. gros coups de canons français.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Vendredi 21 janvier

Entre Oise et Aisne (région de Puisalaine), quelques contacts de patrouilles.
Entre Somme et Avre, nous bombardons, près de la gare de Chaulnes, des établissements occupés par l’ennemi. Ce tir a provoqué un incendie suivi d’explosions.
Au nord du l’Aisne (route de Corbeny), nous avons dispersé une colonne ennemie. Nous avons causé des dommages sérieux à l’ennemi aux environs de la ferme du Choléra.
En Champagne, nous avons dispersé un convoi de ravitaillement sur la route de Ville-sur-Tourbe à Vouziers.
Un taube a jeté, sans aucun effet trois bombes sur les faubourgs de Lunéville. Nous avons capturé deux officiers aviateurs allemands à Ogeviller (sud-est de Lunéville).
Seize avions britanniques ont bombardé le dépôt d’approvisionnement de Lesars (nord-est d’Albert). Le communiqué anglais signale dix-neuf combats aériens dans la même journée.
Les journaux autrichiens reconnaissent que l’offensive russe redouble d’acharnement en Galicie.
Le roi du Monténégro annonce qu’il reste à Scutari pour organiser la résistance. Il a envoyé sa famille en Italie d’où elle passera en France.
Un sous-marin anglais s’est échoué sur la côte de Hollande.
Une partie des troupes bulgares et allemandes qui devaient opérer contre Salonique, ont été rappelées vers le nord.

Source : La Grande Guerre au jour le jour