Louise Dény Pierson
5 août 1915 ·
Au début du mois d’août, ma sœur est avisée que son mari va bénéficier d’une permission de 6 jours, ce sont les premières que les poilus du front vont avoir depuis le début de la guerre ! Mais par une bizarrerie du règlement, les permissionnaires ne peuvent la passer dans la zone des combats.
Heureusement les beaux-parents de ma sœur ont des parents à Saint Mard-les-Rouffy qui s’offrent à nous recevoir tous. J’y vais avec toute la famille, 8 personnes, mais la permission est retardée… Je reviens à Reims avec mon père et ma mère, sans avoir vu mon beau-frère.
Ma sœur, ses filles et ses beaux parents restent à Saint Mard jusqu’à l’arrivée tant attendue du permissionnaire, après cette rencontre, personne ne le reverra…. jamais plus !
>> Sur cette photo (prise à l’occasion de cette permission), on voit ma sœur Émilienne, son mari et leurs deux filles
Louis Guédet
Jeudi 5 août 1915
327ème et 325ème jours de bataille et de bombardement
8h1/2 soir Aujourd’hui calme, temps orageux lourd. Travaillé à mettre tout mon retard et mon courrier à jour. Vu le Procureur qui est bien las ! au point de vue espoir, mais qui fait toujours face à l’Ennemi, nous sommes d’ailleurs d’accord sur ce point ! Tenir quand même ! C’est le Devoir.
Parmi toutes les lettres reçues, Dagonet mon vieux camarade de classe et ami de 40 ans m’annonce que je fais partie d’une liste de futurs décorés civils après la Guerre avec la certitude d’être parmi les élus. « Quelle sera la couleur ? me dit-il ? » – « Attend !! » Peu m’importe car le Devoir accompli n’a pas de couleur. Toutefois je préfèrerais la Croix de Guerre pour que l’on sache bien que le ruban que je porterai aura été cueilli sous le feu, sur le front. La Légion d’Honneur serait certes, plus belle mais je craindrais que l’on croit que civil je l’ai gagnée pour services… politiques… par… platitudes ! Non, j’aimerais mieux n’en jamais porter ! plutôt qu’on crût cela. Bref la Croix de Guerre ! serait de mon choix parce que… non achetée ! Tout plutôt que cela et plutôt ne jamais à avoir à découdre ma boutonnière gauche pour y mettre un ruban… douteux, c’est-à-dire qu’on pourrait croire que je l’aurai reçu avant ou après la Guerre ! Je la veux pour Faits de Guerre sinon… rien ! J’aurai le Devoir accompli pour moi.
Une décoration ne doit pas être mendiée, elle doit être donnée pure, loyale et sous le feu, sur le front, de façon que mes enfants ne puissent jamais en rougir. Et qu’ils sachent que le vieux sang de leur Père qui eut tant aimé avoir comme vos aïeux toujours une épée au côté, tenue claire et fière, tranchante et souple, brillante comme un éclair, mais qui veut tout au moins que sa plume ait la même noblesse, puisque ce sera par ma plume et ma prose que j’aurai gagné cette décoration devant l’Ennemi sous le feu quotidien, sur le front.
A Dieu Vat ! Momo !
Pour mes aimés chéris, mon vieux noble Père et ma tendre aimée Madeleine. Quoiqu’elle en dise !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Nuit tranquille, sauf trois ou quatre bordées de gros canons ou bombes. Visite à S. J.B. de la Salle avec M. Camu : rue d’Alsace-Lorraine, de Cernay, de Jean de La Fontaine (50 enfants sont préparés à la lère Communion par M. Dardenne).
Visite aux enfants du catéchisme en retraite de lère Communion. Vers 9 h. du matin, aéroplane français, sur lequel tirent les Allemands. Vu à 17 h. des éclats des obus tirés contre les aéros ce matin même ; départ des hirondelles dans les premiers jours d’août, comme en 1914.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Jeudi 5 août
Combats à la grenade, en Artois, près du château de Carleul. Lutte assez vive en Argonne. Les Allemands ont prononcé deux attaques : l’une entre la cote 213 et la Fontaine-au Charmes, l’autre à Marie-Thérèse. Ils ont été partout repoussés. Fusillade au Four-de-Paris et à la Haute-Chevauchée. Combats à coups de grenades et de pétards dans les Vosges, au Linge et au Schratzmaennele. Au Barrenkopf, nous repoussons une attaque ennemie.
Les Italiens ont refoulé, en Carnie, une nouvelle offensive contre le Monte Medatta. Dans le Carso, ils ont brisé également une offensive autrichienne au Monte Sei Busi. Ils ont fait environ 350 prisonniers dans cette affaire.
Les Russes ont remporté des avantages sur les Allemands dans la région de la Narew, mais dans l’ensemble, ils ont poursuivi, en infligeant de très lourdes pertes à l’ennemi, leur mouvement de repliement du saillant de Pologne. Leurs torpilleurs et contre-torpilleurs poursuivent la destruction systématique de la marine marchande turque, portant des renforts ou des munitions, dans la mer Noire.
La Roumanie accentue ses mesures de prohibition de transit de la contrebande de guerre à destination de l’empire ottoman.
Source : La guerre au jour le jour