Abbé Rémi Thinot
31 DECEMBRE – jeudi –
11 heures 3/4 soir ; Toute la soirée avait été calme. Voici qu’un gros coup de Canon retentit… C’est pour finir 1914.
L’aiguille tourne ; je ne sais pas que j’achève une année ! Année de deuil et de tristesse… La guerre.. ! et quelle guerre… ! Au moins, est-ce l’aube des nécessaires résurrections ?
Mais il me semble bien qu’il faudra d’autres catastrophes que celle-là… pour que la France, pourrie d’anticléricalisme, ressuscite et revive dans l’auréole de la vertu et de la fidélité à Dieu… ou bien, c’est que nos gouvernants actuels feront amende honorable, feront l’acte de foi désiré.
Ils ne le feront pas. Mon Dieu ! ayez pitié de nous selon votre grande miséricorde.
Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à Reims
Louis Guédet
Jeudi 31 décembre 1914
110ème et 108ème jours de bataille et de bombardement
9h soir Rien de saillant, journée de pluie, froid maussade. Vu M. Renaudat, officier automobiliste comme lieutenant près le général Franchet d’Espèrey, commandant la 1ère Armée ! qui venait presque me faire ses adieux, attendu qu’ils allaient partir tous pour une destination… inconnue. Il paraissait avoir bon espoir et me disait que cela allait très bien pour nous et pour Reims, et que s’il n’était pas revenu dans 2 jours, je veuille bien m’occuper du courrier de M. Legrand, rue Thiers. Il m’a paru très sûr de lui ! Dieu l’entende et Dieu le protège ainsi que moi ! et que l’Aurore de 1915 éclaire notre Délivrance et soit pour moi joie, bonheur, tranquillité, sécurité et conservation de tous les miens, de mon Jean. Surtout qu’il ne soit pas pris et ne parte pas avant que la Paix soit faite !! Que Dieu m’exauce !! je l’ai bien mérité ! J’ai tant souffert !! mais j’offre ces souffrances à Dieu pour m’exaucer et me conserver sains et saufs tous mes chers aimés. Femme, enfants petits et grands, et mon Vénéré Père. Dieu protégez-nous ! Délivrez-nous ! Donnez-nous une année 1915 plus qu’heureuse !!! Et de plus que la France soit victorieuse, vite et bien ! Pour que mes chers aimés jouissent tout le reste de leur Vie, de la Paix et de toutes les joies qu’elle entraîne ! J’offre pour cela tout ce que j’ai souffert et que j’ai enfin une vieillesse heureuse !
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
Nuit calme. Bombardement qui a fait des victimes, dans la matinée, rue Jacquart.
– Le Courrier de la Champagne de ce jour, donne le compte-rendu d’une séance du conseil municipal qui, dit-il, a eu lieu hier, sous la présidence de M. le Dr Langlet, maire, à laquelle étaient présents : MM. Gougelet, Chezel, Lecat, Perot, Guernier, Bataille, Jallade, Demaison, Ch. Heidsieck, Gustave Houlon, de Bruigac, Rohart, Emile Charbonneaux, Pierre Lelarge et Mennesson-Dupont*.
Les délibérations prises, portaient sur l’adoption de divers crédits et du compte administratif du maire pour l’exercice 1913, ainsi que sur le vote du budget communal de 1915.
– Des bruits pour le moins singuliers et, naturellement, diversement commentés se sont fait jour en ville, aujourd’hui, au sujet de faits qui se seraient passés dans la nuit du 24 au 25 décembre. Je les ai entendus en confidence et j’ai lieu d’hésiter à les noter, en raison de leur caractère de gravité et de leur nature trop exclusivement militaire ; on a déjà colporté tant de bobards, dans Reims… Et quoique la source puisse fort bien être unique, c’est de différentes parts cependant que j’aurais pu les recueillir, à propos de réveillons fêtés sur le front, entre soldats français et allemands.
On précise qu’en un endroit peu éloigné, après être entrés en communication de tranchées à tranchées, certains d’entre eux en seraient arrivés à danser ensemble autour d’un arbre de Noël.
Comme suite à ces événements – est-ce leur triste confirmation – des coupables auraient été traduits devant le conseil de guerre, et il paraît que huit chasseurs à pied ou fantassins auraient payé ces instants d’égarement devant le peloton d’exécution.
Je ne puis me résoudre à faire mention de pareils « on-dit » que sous toutes réserves
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
* M. L. Rousseau, adjoint au maire, a été appelé sous les drapeaux vers la mi-novembre 1914.
Cardinal Luçon
Jeudi 31 – Nuit tranquille. Canons français dans la matinée.
Visite du Général Rouquerol et du Commandant de Place.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims
Eugène Chausson
31 – jeudi. Mauvais temps, pluie et vent. Toujours les grosses pièces et quelques bombes en ville. Nuit calme
Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918
Voir ce beau carnet sur le site de sa petite-fille Marie-Lise Rochoy
Hortense Juliette Breyer
Jeudi 31 Décembre 1914.
Je ne veux pas finir l’année sans te dire que j’espère que l’autre qui va commencer me rendra celui qui est toute ma vie, et qu’elle ne se passera pas sans que nous soyons réunis.
Bons baisers et un adieu à 1914 qui m’a fait tant souffrir. Je t’aime.
Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL
De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)
Il est possible de commander le livre en ligne
Jeudi 31 décembre 1914
Nous avons encore progressé le long de la côte de Flandre, enlevé un point d’appui près de Zonnebeke; marqué une avance en Champagne et aussi dans l’Argonne, près du Four-de-Paris, repoussé une attaque au col du Bonhomme, consolidé nos positions en Alsace.
Les communiqués russes indiquent non seulement que les allemands ont vu arrêter leur offensive sur les lignes de la Bzoura, de la Pilica, de la Nida, mais encore qu’ils sont réduits partout à la défensive. Des milliers de prisonniers leur ont été faits. De leur côté, les Autrichiens ont été contraints à fuir si vite vers les Carpates qu’ils ont laissé 50000 hommes aux mains des armées du tsar. En somme, le grand plan d’attaque élaboré par von Hindenburg a complètement échoué. Le contact a été rompu entre les forces autrichiennes et les forces allemandes. La Hongrie est ouverte une fois de plus à l’invasion.
Battus en Arménie par l’armée du vice-roi du Caucase, les Turcs se vengent en commettant d’odieuses atrocités.
Les États-Unis ont remis une note d’ailleurs conçue en termes très amicaux, au ministère anglais des Affaires étrangères. Ils y insistent sur les difficultés que la police des mers, telle qu’elle est exercée par le gouvernement britannique, crée au commerce des neutres.
Essad pacha a refusé de faire la guerre à la Serbie et d’acheter à ce prix la soumission des rebelles albanais.