Abbé Rémi Thinot

25 NOVEMBRE – mercredi – 9 heures soir ;

La matinée avait été calme. A 1 heure et demie, coup sur coup, deux gros éclatements à proximité.

Une grosse marmite au Grand Séminaire, une autre chez M. Chatain, c’est-à-dire chez M. le Curé.

Je me précipite. Au bout de la rue Vauthier des vagues de fumée et de poussière… On n’y peut rien voir. Finalement, je constate que la maison est ouverte du toit au rez-de-chaussée… et jusqu’à la deuxième cave, dont la voûte est défoncée. C’est horrible. Je me précipite. Je ne vois pas M. le Curé ; je crie, j’appelle. On me dit qu’il n’était pas là. Deo gratias !

Mais quel chantier !

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Mercredi 25 novembre 1914

74ème et 72ème jours de bataille et de bombardement

4h1/2 soir  Journée d’hier et nuit passent tranquille. Neige légère et fondue depuis ce matin. Ai pu mettre mon courrier au couvent. Vu l’abbé Andrieux qui m’a apporté ma pelisse et m’a donné des nouvelles de mes adorés. Tous vont bien, grâce à Dieu.

Il parait qu’un grand État-major est venu aujourd’hui à Reims (c’est exact) composé d’officiers français, anglais, belges. Alors mon Adèle qui vient d’apprendre cela de la bonne de Madame Janson rue Thiers me dit qu’elle lui a dit qu’il fallait se méfier cette nuit, car les Russes !, les anglais, les japonais, etc… étaient venus ici, et que l’on allait se battre terriblement, et que sa patronne avait dit que ces officiers lui avaient dit qu’ils ne répondaient plus de rien !! et allez donc !!

Ce que j’ai rabroué ma grosse bête d’Adèle ! Tout ce que je lui concéderais sera peut-être de se coucher de bonne heure, çà fera mon affaire si je puis dormir tranquille !!! Enfin que Dieu nous protège et nous délivre, c’est tout ce que je lui demande. Et il m’exaucera. Je serai sain et sauf, corps et bien !! Dieu ne peut me refuser cela, avec tout ce que j’ai souffert.

Toutefois je ne serais pas surpris qu’il manifestât quelque chose, car après l’ouragan des 21, 22 et 23 nous sommes trop tranquilles.

Si c’était seulement la reculade générale des allemands et notre délivrance. Que j’en sorte indemne ainsi que ma pauvre maison, c’est tout ce que je demande à Dieu. Il ne peut guère me refuser cela. J’ai tant souffert en silence et lui ai tant offert d’angoisses qu’il me doit bien cela. De sortir de cet enfer sain et sauf, et ma pauvre maison sans le moindre dégât. Après tout, ce n’est pas seulement mon bien que je demande à être sauvegardé, mais aussi ce que j’ai à mes clients. Mon Dieu ! Ayez pitié de moi. Protégez-moi, ainsi que ma pauvre maison. J’ai tant souffert !!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Nuit assez calme.

L’Eclaireur de l’Est publie ce jour un avis du général commandant d’armes, indiquant les mesures à prendre chez soi et dans les rues, en raison du nouveau caractère de violence du bombardement. C’est, si l’on veut, une sorte de « manière de s’y prendre », afin de réduire, autant que possible, les risques courus par les habitants de Reims.

– Rencontré ce soir, à ma sortie du bureau, une longue colonne de fantassins revenant des tranchées. Les hommes étaient armés seulement de pelles ou de pioches que chacun d’eux portait sur l’épaule. Ils descendaient, en file indienne, la rue Carnot, se tenant sur les trottoirs et cherchant ainsi à éviter le plus possible les obus.

– Bombardement.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 25 : Sainte Catherine. Anniversaire de mon installation à N. D. de Cholet par Mgr Freppel, de ma Préconisation à l’Évêché de Belley, de la réception du Billet m’annonçant ma promotion au Cardinalat. Nuit 24-25 tranquille, pour la ville du moins. Coucher au sous-sol, première nuit.

Nous couchâmes d’abord six ou sept nuits dans la cave, fin septembre.

Puis nous cédâmes la cave au sœurs ; et nous (Mgr Neveux et moi) nous installâmes dans les sous-sol, on descend l’escalier de la cuisine.

Légère chute de neige.

Visite à Gueux, Église, Curé,
Ambulance dans le château de Mme Roederer (je crois), aux sœurs de la Divine Providence à Rosnay, à l’Orphelinat de Bethléem réfugié au Château d’Aubilly. Et aux Carmélites de Reims réfugiées dans le même village, chez M. Massart, frère de la Sous-Prieure et Maire, et riche cultivateur d’Aubilly. Nous étions en automobile ambulance conduits par M. Glorieux lieutenant, parent de Mgr. Glorieux.

En repassant à Gueux, Salut et petite allocution à l’église.

De 2 h à 2 1/2, bombardements sur la ville. La maison de M. Chartin de Chactans, où habitait M. l’Archiprêtre (M. Landrieux) est dévastée par des obus qui descendent presque à la 2ème cave.

9 h, bombes sur la ville. Nuit tranquille.

Réception de paquets de l’œuvre du Vêtement des Combattants. (Mr Fernand Laudet).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

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Eugène Chausson

25/11 – Mercredi – Un peu de neige pendant la nuit et ce matin temps de brouillard et sur le soir le temps se décharge un peu et la lune brille par moment ce qui pourrait être la cause que l’on ne dormirait pas tranquille. Journée assez carme quelques coups de canon et bombes en ville. Les gendarmes sillonnent la ville pour faire dégager les rues, faire passer les piétons sur les trottoirs. Les gens du centre sont aussi invités à rester chez eux et principalement dans les cavez (L’Éclaireur de ce jour). Soirée et nuit assez calmes

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918

Voir ce beau carnet visible sur le site de petite-fille Marie-Lise Rochoy