Paul Hess

1 septembre – Du bureau, nous entendons siffler les obus, à 11 heures, et jusqu’à midi, le bombardement continue.

Il reprend à 13 heures. A ce moment, la maison de retraite est atteinte par un obus qui éclate dans une chambre au 2e étage, dans laquelle se trouvaient réunis, après le déjeuner : MM. Leleux et Peudepièce ainsi que Mme Pothé et sœur Philomène. Les deux sont tués sur le coup et Mme Pothé grièvement blessée, sœur Philomène en est quitte avec la très forte commotion reçue.

Le frère de mon beau-père, M. Pierre Simon, qui venait rejoindre les autres pensionnaires, ouvrait la porte de la dite chambre à l’instant de l’explosion. Mais heureusement il n’a ressenti qu’une épouvantable frayeur ; de nombreux éclats du projectile l’ont sérieusement meurtri, lui aussi, aux deux jambes.

– Dans Le Courrier de ce jour, nous lisons que le comman­dant Sableyrolles, officier de la Légion d’Honneur, ancien combat­tant de 1870, a été nommé commandant de l’ensemble des forma­tions de G.V.C. de la région de Reims, en remplacement du com­mandant Magnaud, qui a quitté Reims pour raisons de santé.

Nous avions appris à connaître, à la mairie, le commandant Magnaud qui, avant la guerre avait été surnommé le « bon juge », comme président du tribunal de Château-Thierry, parce que, lors de ses visites à l’hôtel de ville, le poste de garde était toujours alerté. Il n’en fallait pas plus pour éveiller la curiosité du person­nel, qui, chaque fois, vidait en partie les bureaux, au rez-de- chaussée, pour aller voir la « prise d’armes », dans le hall d’entrée.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

ob_02cc16_maison-retraite

Cardinal Luçon

Mardi 1er – Nuit tranquille. Matinée item. À 11 h. canonnade française, bombes allemandes. Bombardement violent de 12 h. 1/2 à 1 h. 1/2. Un arbre coupé rue Libergier devant la maison Buy, à peu près. On dit 3 per­sonnes tuées à la Maison de retraite.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Juliette Breyer

Mercredi 1er Septembre 1915. Encore un mois qui commence. C’est un mois maudit pour moi, où je n’ai eu que des malheurs. Si seulement il m’était plus favorable. Déjà on a l’air autour de nous de se préparer pour attaquer. Ce ne sont que travaux sur travaux. La butte Saint Nicaise ne forme plus que des tranchées. Il y en a qui ont peur mais moi je demande du fond du cœur ce grand coup là. Cela me rendra peut-être un peu d’espoir.

J’ai vu une cartomancienne qui m’a dit que j’allais avoir un voyage à faire et que ce serait pour te voir. Je crois que si cela arrivait je serais folle de joie. Aujourd’hui mon Charles je pensais à notre petite fille. Je me dis que je devrais, en reconnaissance de ce que ton parrain a fait pour nous, prendre quelqu’un de chez eux pour être parrain de notre fillette. On prendrait en même temps Paul ou Charlotte ; tout le monde serait content. Je ne sais pas comment faire, vois-tu, de ne pas t’avoir là. Je ne sais plus me diriger.

Je t’aime tant et je voudrais tant te revoir.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu’elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu’au 6 mai 1917 (avec une interruption d’un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne


 

Mercredi 1er septembre

Violente canonnade sur l’ensemble du front, où nos batteries opèrent efficacement contre les tranchées ennemies.
Ces actions d’artillerie sont particulièrement vives en Belgique (Hetsas), en Artois (Neuville), en Woëvre septentrionale, en forêt d’Apremont et au nord de Flirey.
L’ennemi a lancé encore, sur Arras, quelques obus de gros calibre.
Les Allemands, au front oriental, livrent de violents combats sur les positions à l’ouest de Friedrichstadt, et vers Dwinsk, où les Russes, en plusieurs points, sont passés à l’offensive. Dans l’ensemble, l’armée russe continue à battre en retraite régulièrement couverte par de fortes arrière-gardes. Celles-ci ont arrêté une grande offensive sur le front Proujany-Gorodetz.
Les Italiens ont occupé, après un brillant assaut, la Cima Cista, dans le Val Sugana. Ils ont repoussé, en Carnie, une attaque autrichienne contre le val Piccolo: dans le bassin de Plezzo, ils ont dépassé cette localité, ils ont progressé dans le secteur de Tolmino, et enlevé des tranchées dans le Carso. Leurs avions ont bombardé plusieurs gares et campements.
Un aviateur a détruit le grand hangar de Gand.
Les Italiens qui n’avaient pu encore s’échapper de Turquie sont retenus comme otages.
Le Vorwaerts, journal socialiste de Berlin, dit que l’Allemagne court à une guerre civile.
L’aviateur Pégoud est mort au champ d’
honneur.

Source : La Grande Guerre au jour le jour