Louis Guédet

Samedi 28 juin 1919

1751ème et 1749ème jours

10h soir  Chaleur d’orage. Paris est énervé dans l’attente de la signature de la Paix. On pavoise, on prépare les illuminations du soir.

A 9h rendez-vous chez Delihu, avoué 24 boulevard St Denis, pour régler l’affaire des Galeries. Mon beau-père toujours aussi méfiant et aussi énigmatique ! On ne sait jamais sa pensée.

Bref on le presse, et enfin on solutionne cette trop longue affaire. Lorin et Tricot reprennent les 3 maisons moyennant 1 million versé à Marcel !! (Rayé) ! Je déjeune chez lui (rayé) toujours aussi (rayé). Vu André Benoiston (Négociant, beau-frère de Marcel Bataille (1889-1957)) et la journée (rayé) !! Pourvu qu’il (rayé).

Je vais de ce pas chez Guelliot, 71 avenue des Champs-Elysées. Foule ! cohue ! déjà ! En sortant du métro à la station Marbeuf j’entends aussitôt le 1er coup de canon annonçant la signature du Traité de Paix. Il est juste 3h1/4… Paix boiteuse, éphémère s’il en fut !! Elle ne peut durer avec l’Allemagne ! que nous n’avons pas assez brisée !! ni abattue ! Il fallait leur porter la Guerre et la dévastation chez eux !! Ces gens-là ne se croient pas battus !

Je suis douloureusement triste au milieu de cette joie qui éclate de toutes parts et qui me fait encore plus ressentir la tristesse de nos ruines !! Car de cette joie exultante de Paris qui n’a pas souffert et qui ne souffre pas je n’ai rien à espérer, sinon de nouvelles peines, de nouvelles souffrances et de nouveaux martyres. Ma pauvre femme, mes pauvres enfants !!! Quand je me reporte à 5 ans en arrière, je me dis que ce passé a été bien dur pour nous est sans espoir de voir un peu de bonheur dans notre avenir, ni un peu de prospérité.

Et quand je songe à mon « allant » des débuts de la Guerre je n’aurais jamais cru que cet événement de la Paix m’eut laissé aussi indifférent, triste et sans grande satisfaction !! Le Devoir accompli ?!!!? C’est beau et satisfaisant dans les romans ! mais vécu !! Ce ne donne que tristesse et…  regrets…  presque de l’avoir rempli jusqu’au bout !!

Je rentre à l’Hôtel vers 6h, je dîne à 7h, et à 8h, voulant voir la physionomie des boulevards je descends le boulevard St Michel au milieu de la foule jusqu’à la Place et prend le métro jusqu’à l’Opéra. Là, c’est la cohue indescriptible, on ne marche plus, on est porté, roulé, comme une épave dans une mer démontée. Je me réfugie sur la terrasse du Café de la Paix et je contemple le cœur gros cette foule heureuse, dévergondée, les femmes avec leurs jupes courtes et leurs décolletages (décolletés) semblent nues ! ou en chemises ! Tout cela se bouscule, se presse, se palpe sans vergogne. Au bout de quelques minutes je m’enfuis, trop écœuré et je pleure malgré moi de voir ces orgies !! Je rentre à l’Hôtel, et me couche pleurant à chaudes larmes. Dans les rues, sur les places, des danses, des musiques, des chanteurs, etc… Mal dormi à cause du bruit qui a duré jusque 2 ou 3h du matin… !!

La Paix est signée !! Puisse-t-elle vite panser nos plaies… !!

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Samedi 28 – Départ de Mgr d’Arsinoé pour les Ardennes. Confirmation du Capitaire Blonder. Promenade militaire aux flambeaux ; illumination de la Cathédrale à 9 h 1/2 du soir.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Le traité de Versailles a été signé le 28 juin 1919 dans la Galerie des Glaces du château de Versailles. Il rentre en application avec sa promulgation au 10 janvier 1920.

 

On lit sur la première feuille, dans l’ordre, les noms de : MM. Woodrow Wilson, Lansing, White, House, Tasker H. Bliss pour les Etats-Unis; Lloyd George, Bonar Law, Milner, Balfour, Barnes, pour la Grande-Bretagne.
Sur la deuxième feuille : de MM. Doherty, Lipton, pour le Canada; WHughes, Cook, pour l’Australie ; Botha, Smuts, pour l’Union Sud-Africaine; Massey, pour la Nouvelle-Zélande; Montagu, Ganga Singh, pour l’Inde; Clemenceau, S.Pichon, L.Klotz, Tardieu, J.Cambon, pour la France.
Sur la troisième feuille : de MM. Sonnino, Imperiali, Crespi, pour l’Italie; Saïonji, Makino, Chinda, Matsui, Ijuin, pour le Japon; Hymans, van den Heuvel, Vandervelde, pour la Belgique; Ismael Montes, pour la Bolivie; Calageras, Fernandez ( n’a pas signé ), Rodrigo Orsavio, pour le Brésil;
Sur la quatrième feuille : de MM. Lou Tseng-Tsiang et Chengting Thomas Wang ( n’ont pas signé), pour la Chine; de Bustamante, pour Cuba; Dorny de Alsua, pour l’Equateur; Venizelos, Politis, pour la Grèce; Joaquim Mendez, pour le Guatemala; Tertullien Guilbaud, pour Haïti; Rustem Haïdar, Abdul Hadi Aouni, pour le Hedjaz; Bonilla, pour le Honduras; King, pour le Liberia; Chamorro, pour le Nicaragua; Burgos, pour le Panama.
Sur la cinquième feuille : de MM. Candamo, pour le Pérou; Paderewski, Dmowski, pour la Pologne; Alfonso Costa, Augusto Soares, pour le Portugal; Bratiano, Coanda, pour la Roumanie; Pachitch, Trumbic, Vesnitch, pour la Serbie; Kramarcz, Benes, pour la république de Tchéco-Slovaquie; Buero, pour la république d’Uruguay.
Sur la sixième feuille que nous avons placé en haut à droite, deux noms seulement, ceux de M. Hermann Muller et du Dr Bell, qui ont signé pour l’Allemagne vaincue.

Source : La Grande Guerre au jour le jour