Louis Guédet

Samedi 2 mars 1918

1268ème et 1266ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Hier comme je terminais ma note le Procureur est arrivé pour les coffres de la Nancéienne et de Chapuis. Tout a été fait l’après-midi. J’étais exténué et à 4h1/2 et le Procureur m’a forcé à aller me reposer. A partir de 3h la canonnade a été formidable devant nous, avec des nuages artificiels qui sont venus jusqu’à la rue des Capucins, on ne voyait pas dans le jardin, des gaz asphyxiants, 150 intoxiqués, quelques morts.

Toute la nuit bombardement. Ce matin neiges terribles jusqu’à midi. Couru dans cette neige pour trouver un voiturier qui veuille bien condescendre à enlever les 15 colis que j’ai encore ici pour Épernay. J’ai trouvé de braves gens à l’Hôtel de la Couronne qui m’ont promis de les faire enlever ce soir ou demain par le voiturier de Rondeau qui doit enlever le reste de leur mobilier à eux. Il y a de la place, me disent-ils… Je reviens exténué. Après-midi à l’Hôtel de Ville où c’est toujours le calme et la pagaye. Dépêche du Procureur qui me conseille d’aller me reposer quelques jours. C’est ce que je ferai lundi, pour quelques jours, j’en ai besoin.

Demain je dois déjeuner avec Houlon. J’ai appris par lui seulement l’incendie d’un corps de bâtiment de l’Hôpital Général. Beaucoup de dégâts.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

2 mars 1918 – Le bombardement de la nuit du 28 février au 1er mars, a at­teint une très grande violence.

L’Éclaireur de l’Est d’aujourd’hui le mentionne ainsi :

Plus de 5 000 obus, dont un grand nombre à gaz, dans la journée du 28 février et la nuit suivante : 55, entre 10 et 13 h — environ 5 000 obus entre 23 h et 5 h du matin.

Les effets des obus à gaz ont été ressentis jusqu’en ville et les victimes sont nombreuses, paraît-il, qui se présentent à l’hôpital, atteintes à la figure, aux yeux, ou avec des brûlures sur le corps.

Deux personnes y sont mortes et beaucoup de malades ou blessés sont obligés d’attendre leur tour pour se faire soigner, des centaines de ces projectiles étant tombés sur le quartier Dieu-Lumière et vers les établissements Pommery, où la plupart des ouvriers et ouvrières ont été pris. A l’usine des eaux, également, le personnel a été atteint.

Nous apprenons encore que M. Monbrun, employé auxiliaire dans les bureaux de la mairie, intoxiqué par un obus tombé chez lui, rue des Capucins 227, a dû être transporté ainsi que sa femme, atteinte aussi, à l’hospice Roederer-Boisseaux.

Bombardement encore très serré, surtout au cours de l’après-midi. Il est, à plusieurs reprises, dirigé sur le faubourg de Laon. 2 500 à 3 000 obus pour la journée.

Nous avons quelques nouvelles de l’attaque d’hier ; elle aurait été déclenchée par les Boches, sur Courcy, principalement.

L’Éclaireur d’aujourd’hui, ajoute ceci, après l’indication des boucheries ouvertes, dans sa communication relative au ravi­taillement déjà insérée :

Charcuteries : Maisons Dor et Foureur,
Lait : le lait sera mis en vente dans les cinq maisons qui vendent l’épicerie et le pain.

On pourra prendre les adresses de ces établissements au commissariat central ou à L’Éclaireur de l’Est.

Le journal dit encore :

Attention aux Gaz.
Il est instamment recommandé de ne pas sortir sans être muni de son masque contre les gaz.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Samedi 2 – 0°. Neige sur la terre ; nouvelle chute dans la matinée. Dîné à midi chez le Général Petit, Commandant la 134e Division. Visite de M. Abelé ; discussion de ses projets. Visite de M. Loriquet, Archiviste. Journée relativement tranquille. Matinée calme. Plus d’offices à la Chapelle du Couchant ! De 2 h. à…, canon français, très sec, tire un coup toutes les 3 ou 4 minutes. A 3 h. 3 0,10 coups par minute. Visite à 6 h. soir de M. Sainsaulieu, annonçant sa décoration et la venue du Ministre.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Samedi 2 mars

La lutte d’artillerie a pris un caractère d’assez grande intensité dans la région au nord et au nord-ouest de Reims, ainsi qu’en Champagne, principalement dans la région des Monts, vers Tahure et de part et d’autre de la Suippe.
Au sud-ouest de la Butte du Mesnil, les Allemands, qui avaient pris des tranchées avancées et qui en avaient été ensuite chassés, sont revenus à l’assaut. Après plusieurs tentatives infructueuses, qui leur ont valu de lourdes pertes, ils sont parvenus à prendre pied dans une partie des positions que nous avions conquises le 13 février.
Sur la rive droite de la Meuse et en Woëvre, l’ennemi a bombardé violemment nos premières lignes sur le front Beaumont-bois Le Chaume, ainsi que dans la région de Seichepray, où un fort coup de main a été repoussé.
Sur deux des points qu’ils ont attaqués, les Allemands se sont heurtés à des éléments d’infanterie américaine. Nos alliés ont partout maintenu leur ligne intacte.
Sur le front britannique, activité de l’artillerie ennemie entre Ribécourt et la Scarpe.
Les aviateurs anglais ont bombardé un important champ d’aviation entre tournai et Mons.
Sur le front italien, canonnade et combats d’artillerie. Des patrouilles ont enlevé un important matériel sur le plateau d’Asiago. Un avion autrichien a été abattu.

Source : La Grande Guerre au jour le jour