Louis Guédet

Dimanche 24 septembre 1916

740ème et 738ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Temps splendide même fort chaud. Dimanche comme tous les autres forts tristes pour moi, si seul. Messe de 8h où l’on annonce que le Cardinal Luçon, comme tous les évêques et archevêques de France, prononcera un vœu national au pèlerinage de Lourdes. Travaillé ensuite et mis ma correspondance à jour. A 3h posté mon courrier rue de Vesle et poussé jusqu’au Pont-de-Muire pour tuer le temps. Vers 1h une demi-douzaine de bombes sont allées tomber au vélodrome. Les allemands tiraient sans doute sur la saucisse qui était vers ces parages. Rentré vers 5h, et là…  souffert, pleuré…  en songeant à tous mes aimés. Je souffre le martyr, si seul, si abandonné, et puis quand je songe à l’avenir de tout ces malheureux, femme et enfants, Jean qui va peut-être partir sur le front !!…  Je suis sans courage, sans force. Certainement je mourrai de chagrin, de douleur et de souffrances morales. Non, c’est trop long et trop pour les mêmes épaules, pour le même, toujours le même et les mêmes. Pauvres aimés.

7h1/4 soir  A six heures nos canons tonnaient vers Pommery, ne sachant que faire je sortis et je vis 3 pompiers se diriger vers les caves Pommery. Rencontré Elloire, adjudant pompier qui me dit que c’est au château de Polignac. Peu de chose. Oui, ils ont la chance que les pompiers de Paris soient là, tandis que moi, le 1er mars 1915, il n’y avait personne pour me secourir !! J’étais seul à lutter contre le fléau qui a détruit ma maison, mes meubles, mes archives !! Je suis sans logis !!!

Il manque les feuillets 366 à368, le suivant se résume à une demie-page, recopiée par son épouse Madeleine.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Dimanche 24 – Nuit tranquille. Beau temps ; + 7°. Lecture de la Lettre Collective du Vœu. Retraite du mois. Visite du Vicomte de Montois (voir Cahier du Conseil mardi 26 septembre). Visite de M. Abelé pour son projet de Comité. 4 h. à 6 h. aéroplanes français, tir continuel contre eux. Bombes sifflantes (32 + 10 dit le Courrier du 26) tombent à Saint-Benoît, à la biscuiterie, près la chapelle provisoire actuelle du culte, et rue de Pontgivart en face du presbytère et de la maison vicariale. Une d’elles près des Caves Pommery a blessé gravement un soldat et fait exploser un dépôt de munitions. Il y a eu 450 obus qui ont éclaté, et autant d’avariés qui n’ont pas éclaté.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

saint-benoit


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Dimanche 24 septembre

Nos patrouilles, poussant jusqu’aux lisières sud du village de Combles, ont trouvé de nombreux cadavres d’Allemands. Elles ont fait 15 prisonniers.
Lutte d’artillerie assez vive dans la région de Bouchavesnes et dans le secteur Belloy-Berny. Pas d’action d’infanterie.
Dans les Vosges, l’ennemi a fait une tentative contre nos positions au sud du col de Sainte-Marie. Après un assez vif combat à la grenade, il a été rejeté dans ses tranchées.
Sur le front belge, combat à coup de bombes près de Boesinghe.
Au sud de l’Ancre, les Anglais ont réalisé une nouvelle avance à l’est de Courcelette. Ils se sont emparés d’un important système de tranchées ainsi que d’un certain nombre de prisonniers et ont avancé leurs lignes sur un front de 800 mètres.
Une attaque ennemie a été brisée avec fortes pertes à l’ouest de la ferme du Mouquet.
A l’est de Béthune, l’artillerie britannique a fait exploser un dépôt de munitions ennemi.
Les Russes ont refoulé une offensive allemande sur le Naroch.
Les Roumains ont progressé dans les Carpates septentrionales et infligé un nouvel échec en Dobroudja, sur le littoral, aux Germano-Bulgares.
Les Autrichiens ont fait trois vaines attaques sur le Carso.

Source : La Grande Guerre au jour le jour