1er octobre 1914

Chers parents,

Après 48 h de voyage, nous sommes enfin arrivés à Carvin, dans le Pas-de-Calais. Nous avons été reçus à bras ouverts, jamais je n’aurais cru cela. Nous sommes passés par Nancy, Juvisy, Versailles, Rouen, Abbeville, Étaples et Saint-Pol, ce qui fait un beau petit voyage.

Il y a déjà quelques jours que je n’ai rien reçu de vous ?

As-tu reçu ma carte dans laquelle je te demandais un tricot car il commence à faire froid. Fais-moi un petit pacson avec impatience. J’espère que vous êtes en bonne santé et mes frères aussi. Pour moi, tout va bien, je suis réserviste aujourd’hui et je n’ai aucun changement. Les fonds sont plus que bas.

Je vous embrasse pour aujourd’hui de tout  coeur.

Jacques

8 octobre 1915

Ma chère maman

J’ai reçu ce soir 2 lettres du 29 et 30 septembre, une carte du 28 août et une du 3 octobre et surtout le fameux paquet, chose tant attendue. Je t’en remercie infiniment, il arrive plus qu’à point. J’ai eu mon cheval tué et j’avais perdu par la même occasion le reste de mon trousseau ; ne t’inquiète pas, je suis toujours en bonne santé et je mange comme quatre. Je t’envoie une lettre ; tu verras laquelle des deux arrivera la première. J’écris à Mme Hinge et à Élisabeth dont je n’ai pas de nouvelles. J’ai reçu une lettre de papa qui m’a fait grand plaisir.

Je vous embrasse et à bientôt.

Jacques

19 octobre 1914

Mes chers parents

Je viens de recevoir un paquet de lettres de vous tous et même une de maman du 4 août ; t je te mets la liste pour que vous rendiez compte de celles qui manquent : 

De maman : cartes août : 4 – 18 – 24 – 24- 28 – 29. Septembre 13 – 18 – 21. Octobre : 3 – 8. Lettres : 11 août, 28 et 30 septembre, et le fameux colis.

De papa : cartes : septembre : 17. Lettres : 26 septembre et 9 octobre. 

1 carte de Jean du 28 août.

1 carte de Suzanne du 29 août.

7 cartes et 5 lettres d’Élisabeth. Voilà tout mon courrier ; il ne faut pas que je me plaigne trop, mais le service postal ne marche pas épatamment.

J’ai des nouvelles de tout le monde et cela me fait bien plaisir. Je t’écris sur une lettre ouverte car il paraît que maintenant, il ne peut en être autrement. J’espère que vous êtes tous en bonne santé et que vous ne vous faites pas trop de tracas.

Nous sommes un peu au repos pour l’instant  et nous en profitons pour nous nettoyer ;  hier nous avons pris un […] dans un seau de toile. Cela manque de confort mais fait tout de même plaisir.

Papa me met dans sa lettre du 9 octobre que tu m’envoies un mandat. Je ne l’ai pas encore. Je suis inquiet car il y en a beaucoup qui manquent à l’appel, c’est dégoûtant. Le plus sûr, c’est le mandat carte.

Je viens de lire sur le Petit Journal du 18 que Guillaume disait à ses soldats de tenir jusqu’au 7 novembre ; si cela finissait à cette date, ce ne serait pas trop mal. Pour l’instant, il commence à ne plus faire chaud et il n’y a plus rien par ici, même pas de tabac. Il y a une chose qui m’épate, c’est ma santé : je ne me suis jamais si bien porté. Il est vrai que nous venons de manger un poulet à deux. Le pôvre avait perdu sa famille et je lui en ai trouvé une autre qui le met à l’abri du besoin.

Je vous embrasse tous de tout cœur.

Jacques

25 octobre 1914

Ma chère maman.


Je viens de recevoir une lettre de toi et hier, j’en ai eu une de Raoul du 14, mais je ne m’explique pas comment tu ne reçois pas les miennes. Je t’écris souvent et tu me dis que ma dernière est du 1er octobre. C’est dégoûtant. si tu peux m’envoyer de l’argent, ne te gêne pas, je n’ai plus un sou, pas de tabac et le cafard. Cela va mal, à part cela tout va bien. – Les mandats carte arrivent bien car les autres biens et mandats sont souvent volés. Sur B[..] dont tu me des nouvelles, [il] a été tué à Euville et enterré dans le même patelin. Il a eu une belle cérémonie un dimanche et nous y étions tous. du reste, tout son peloton a été dégringolé en arrivant ici, de sorte que, de toutes façons, malheureux devait y passer. j’ai bien reçu ton colis , je te l’ai écrit. J’ai écrit plusieurs fois.

Je vous embrasse tous de tout coeur.

Jacques