Abbé Rémi Thinot

16 DECEMBRE – mercredi –

Rien de particulier ; Journée calme pour notre quartier.

Et Noël approche ! De demain en huit, c’est la « Messe de Minuit »

Oh ! le triste Noël que nous allons passer ! Que Notre Seigneur renaisse cependant à la faveur des jours tragiques que nous traversons dans le cœur de beaucoup, de tous ceux qu’une mort brutale doit jeter devant le tribunal de Dieu…

Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis… Rorate coeli semper et nubes…

D’écrire ce dernier texte me retourne. J’entends la mélodie mélancoliquement, qui monte débordante de désirs, avide de voir le « Dies natalis » vers les voûtes de Notre- Dame, parmi la sévérité douce des Dimanches d’avant…

Notre-Dame ! Chère, chère cathédrale ! Comment chanter en ce moment? Plus je vais, et à mesure que les jours s’écoulent, mon cœur se serre. Je pleurerais tous les jours.

  1. le Curéme disait tout à l’heure ; « On ne saurait croire le nombre de personnes qui, même à de grandes distances, apprenant la catastrophe, ont dit ou écrit ; « J’ai pleuré » »…

Basilique vénérée ; murailles splendides, architecture sainte dans tes hardiesses, ton âge, tes souvenirs… fleur de pierre sacrée par l’auguste patine des temps, je sens comme je ne l’ai jamais senti l’honneur qui m’a été fait quand ma vie a été liée à la tienne. J’étais hier « maître de chœur de Notre-Dame »… de Notre-Dame… ! …Si oblitus fuero

Extrait des notes de guerre de l'abbé Rémi Thinot. [1874-1915] tapuscrit de 194 pages prêté à ReimsAvant en 2017 pour numérisation et diffusion par Gilles Carré.

Louis Guédet

Mercredi 16 décembre 1914

95ème et 93ème jours de bataille et de bombardement

6h soir  Même calme, canonnade régulière, je fais mes derniers préparatifs. Suis allé vers 10h au cimetière du Nord prier sur la tombe de Maurice Mareschal, c’est une visite pour sa femme et ses enfants afin qu’il me donne courage et m’inspire sur ce que je dois leur dire.

9h35 soir  Journée fatigante, comme celle de demain, avec le souci de laisser la maison seule et sous le feu de l’ennemi. Toute mon après-midi a été une succession de remises de lettres, de recommandations, etc…  y suffirai-je ? Pourrais-je ? Je suis plutôt exténué. Et puis ma vue semble faillir, j’ai peur de devenir aveugle ! Où n’est-ce pas que la lassitude et la fatigue, et surtout la souffrance. Pourvu que demain se passe bien, mais je suis bien fatigué ! Et je m’en vais d’ici subir d’autres souffrances et voir d’autres douleurs !! Quand donc mon martyre finira-t-il, ainsi que mon calvaire. Dieu protégez-nous tous, femme, enfants et mon pauvre Père.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

Nuit et journée assez calmes. Quelques obus.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Cardinal Luçon

Mercredi 16 – Nuit tranquille. Réponse à l’adresse de la Faculté de Théologie Protestante de Montauban au sujet de l’incendie de la Cathédrale.

Visite à Saint-Thomas, au Patronage, au Bains-de-pieds, à l’église, à la rue et à la Place S. Thomas.

10 h soir, bombes françaises à 3 h 1/2, à 9 9 du soir.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

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Eugène Chausson

16 – Mercredi – Moins mauvais. Violente canonnade et bombardement en ville principalement sur Sainte-Anne et Neufchâtel et Laon. à 5 h 1/2 du soir, très calme de part et d’autres.

Nuit assez calme

Carnet d'Eugène Chausson durant la guerre de 1914-1918

Voir ce beau carnet visible sur le site de petite-fille Marie-Lise Rochoy


Mercredi 16 décembre

L’armée anglaise a progressé en Flandre près de Wytschaete. Les forces franco-belges se sont avancées vers l’ouest aux environs de Nieuport et au sud d’Ypres. Les Allemands ont bombardé à longue portée la gare de Saint-Léonard, près de Saint-Dié, et attaqué vivement, mais sans résultat, nos lignes à proximité de Thann, en Alsace.
L’avantage reste acquis aux Russes dans la région de Mlava, comme aussi sur la Bzoura, près de Lovicz.
Les Serbes ont fait retraverser le Danube et la Save aux corps autrichiens qui avaient pénétré dans leur pays.
L’Angleterre prépare le remplacement du souverain égyptien transfuge Abbas II par son oncle Hussein Kamel, qui prendra le titre de sultan. Tout lien de vassalité sera rompu entre l’Égypte et la Turquie, le premier de ces pays devenant un protectorat britannique, dont le cabinet de Londres dirigera les relations extérieures.

Source : La grande Guerre au jour le jour