Louis Guédet

Jeudi 10 octobre 1918

1490ème et 1488ème jours

4h soir  Temps magnifique. Courrier très chargé, et en plus ce cela visite de Forzy, mon ancien clerc et notaire à Fismes, actuellement capitaine au 147e de Ligne, qui venait me demander une lettre pour son colonel afin d’obtenir une permission de 35 jours pour l’Emprunt. Nous avons causé longuement ensemble, heureux de nous revoir depuis 4 ans 1/2 !! Il m’a conté l’odyssée de sa femme en mai dernier, allant en automobile de Montmort à Troissy sous les bombes (Troissy étant entre les 2 lignes de feu) avec les archives de son mari, la nuit, et repartir à travers les feux de barrage avec ses archives, pour arriver à Montmort à 1h du matin. Elle a été très énergique. Il me contait aussi que Fismes était fort abîmé. Et qu’il était resté beaucoup d’habitants, surtout de Fismette (quartier de Fismes au nord de la ville et de la Vesle), 400 environ, enlevés par les allemands. Il me disait qu’on croyait que le Colonel Billet, un vieux brave de 1870, avait voulu rester et il aurait été fusillé par les allemands (Louis-Auguste Billet, officier de cavalerie, cette information était fausse (1849-1929)), de même M. Fontaine, père d’un de nos greffiers de Paix de Reims (Jean-Baptiste Victor Fontaine, exploitant agricole, là encore cette information était fausse (1843-1922)).

Il paraissait enchanté de me revoir.

Lettre de Madame Mareschal m’annonçant que Christian Heidsieck est prisonnier, mais qu’on était toujours sans nouvelles de Georges. Les Charles Heidsieck doivent être bien inquiets.

Forzy me contait aussi que sa femme avait entendu chez M. Berry, de Troissy, M. Vallé, sénateur de la Marne dire l’année dernière en parlant de Reims et des Rémois qu’il demandait le ruban pour moi et que malgré nos divergences d’opinions et d’idées qu’il voulait que je sois décoré l’un des premiers. C’était très aimable de sa part. Nous sympathisons du reste ensemble.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Fismes, la gare du CBR et la sucrerie

 Cardinal Luçon

Jeudi 10 – Prise de Cambrai(1). Diné avec M. Mea invité. Visite de M. Baudet, régisseur de Madame Pommery

(1) A partir de cette date, les bonnes nouvelles des villes françaises et belges délivrées seront quotidiennes, ponctuant les succès des offensives successives des armées françaises, britanniques et américaines, aux ordres du Maréchal Foch.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 10 octobre

Au nord-est de Saint-Quentin, nos troupes, en liaison avec l’armée britannique, ont attaqué sur un front de 10 kilomètres. Malgré une résistance opiniâtre, nous avons pénétré dans les fortes positions de l’ennemi et réalisé de sérieux progrès.
Fontaine-Uterte et la ferme Bellecourt sont entre nos mains. Nous avons porté nos lignes aux lisières sud et ouest d’Essigny-le-Petit, conquis les bois à l’est de Tilloy, la cote 134, et le village de Rouvroy.
Plus au sud, nous avons pris les positions allemandes entre Harly et Neuville-Saint-Amand et débordé ce village par le nord.
Les Anglais ont attaqué sur 35 kilomètres, de Saint-Quentin à Cambrai, et avancé sur une profondeur de 5. Ils ont pris Beauregard, Premont, Serain, Malancourt, Villers-Outreaux, Lesdain, Esnes, et fait des milliers de prisonniers. Ils sont entrés dans Cambrai.
Les Franco-Américains ont occupé au nord de Verdun le bois des Caures, les bois d’Haumont, Cousenvoye, Brabant, Haumont et Beaumont.

Source : La Grande Guerre au jour le jour