Louis Guédet

Dimanche 22 septembre 1918

1472ème et 1470ème jours de bataille et de bombardement

10h matin  Pluie. Un bataillon du 137e de Ligne est arrivé cette nuit. Nous logeons comme toujours le commandant, qui est capitaine (Tirard(?)) faisant fonction (Il est probable qu’il s’agit du Capitaine Huard, tué héroïquement le 1er octobre). Beaucoup de soldats à la messe. Ce capitaine Tirard (?) me disait qu’il était convaincu que l’on montait quelque chose en Champagne. Il est d’avis aussi que tout au plus les allemands peuvent être refoulés de France avant l’hiver et la fin de la Guerre pour l’année prochaine seulement. C’est ce que j’ai toujours pensé.

Midi 1/2  Pas de facteur, c’est assez surprenant ! Que, qui peut provoquer ce retard ? Temps pluvieux fort triste et sombre. Journée lugubre à passer. Fête de Maurice. Pauvre petit ! triste fête et peu gaie. Et rien à lui offrir ! C’est toujours ainsi pour nous ! Jamais de joie, de bonheur et de prospérité. Tout pour les autres, les lâches, les embusqués ! Tout cela n’est pas sans me décourager, m’attrister ! Et l’avenir donc ! Ce que je désire la mort ! C’est inouï ! En songeant à tout cela ! et en sentant bien que quoique je fasse, rien ne peut me réussir ni me sourire ! Les troupes cantonnées semblent fort calmes ! J’ai encore vu de nombreuses hirondelles hier ! Voilà longtemps que je n’en ai vu de si tardives à quitter nos régions ! Est-ce signe d’hiver clément ? nous verrons !

7h soir  Visite du fils de Villain (Marcel Villain, aviateur, chevalier de la Légion d’Honneur (1884-1972)), le greffier du tribunal civil de Reims, et frère de Villain qui a tué Jaurès. Il parait que ce dernier va enfin passer en Cours d’Assises au mois d’octobre après 4 ans de préventive. Villain est au camp d’aviation de Mairy. Toujours très gentil et très drôle. Il désire beaucoup que son Père ait son ruban rouge. Il ne l’aura pas volé. Il nous a dit que l’aviation de bombardement ne faisait que commencer à être au point, mais ils ont beaucoup de pertes ! Il y a trois jours ils ont encore perdu 7 avions avec leur chef d’escadrille ! Il en paraissait encore tout impressionné. Il avait vu son chef se consumer à La Cheppe sans pouvoir lui porter secours. Il m’a offert très gentiment d’aller voir le camp de Mairy avec les enfants pour le leur faire visiter. Au premier beau jour j’irai certainement. Temps maussade toute la journée.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Dimanche 22 – Fête de saint Maurice. Indisposé, pas dit messe.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Dimanche 22 septembre

Dans la région de Saint-Quentin, nous avons enlevé Essigny-le-Grand et fait de nouveaux prisonniers.
An sud de l’Ailette, violentes réactions de l’ennemi. A cinq reprises différentes, ses contre-attaques se sont brisées contre nos nouvelles positions au nord d’Allemant et à l’est de la ferme Moisy. L’ennemi, qui a subi de très lourdes pertes, n’a pu obtenir le moindre résultat.
Nous avons conquis du terrain à l’ouest d’Aizy et au nord-est de Vailly. Une tentative ennemie pour franchir la Vesle a échoué à Jonchery. Nos reconnaissances ont pénétré dans les lignes ennemies au nord-ouest de Souain et ramené des prisonniers.
Les Anglais ont attaqué dans le Secteur Lempire-Epéhy. Ils ont progressé de plus d’un kilomètre et demi, pris la forte position de la ferme Malassise ainsi que plusieurs bois et points fortifiés. Ils ont attaqué et repris Moeuvres.
L’ennemi a déclenché une forte attaque au nord-ouest d’Hulluch. Il a échoué en laissant des prisonniers aux mains de nos alliés.
Les troupes britanniques ont fait une heureuse opération locale au nord-ouest de la Bassée. Elles ont progressé sur un front de quatre kilomètres et capturé 160 prisonniers.
L’armée de Salonique a poursuivi son succès en prenant pied sur la rive gauche de la Cerna. Son butin est de 5000 prisonniers et de 80 canons.

Source : La Grande Guerre au jour le jour