Louis Guédet

Mercredi 17 juillet 1918

1405ème et 1403ème jours de bataille et de bombardement

6h matin  Beau temps. Bataille toute la nuit. Il y a dû avoir encore des avions sur Châlons. Nos troupes cantonnées ici viennent d‘être alertées et partent après la soupe. C’était le 3e bataillon du 82e de ligne, Commandant Guihard. Ils venaient de la Somme, et font partie de la 9e Division. Du canon toute la nuit, mais l’impression est qu’on les contient partout. Je tâcherai d’aller aux renseignements ce matin. André vient de partir à Châlons rechercher ses livres. Je n’ai pas voulu qu’il retourne au collège ces jours-ci à cause des tirs à longue portée qui peuvent se produire à chaque instant. Demain j’irai moi-même à Châlons, Dondaine venant de Troyes m’ayant demandé de passer à sa rencontre pour lui donner des signatures et signer mon partage Simon. Il va à Épernay.

8h matin André rentre. La ligne de chemin de fer est coupée entre Mairy et Sogny-aux-Moulins par un train de munitions qui a sauté cette nuit, un avion allemand ayant lancé sur lui une bombe. Donc pas de train de 6h17 pour Châlons. Si demain la ligne et la correspondance pour Châlons n’est pas rétablie j’irai à Châlons à bicyclette afin de ne pas manquer Dondaine. Les soldats nous ont donné le « Journal » d’hier, qui en somme déclare que la première attaque des allemands a été arrêtée nettement, et qu’il n’y a pas eu de surprise. C’est donc un très bon début. On peut attendre avec confiance.

6h soir  Été vers 2 heures à Vitry-la-Ville pour avoir le communiqué qui est bon. Nous les contenons partout, et leur coup de surprise n’a pas réussi. De furieux combats ont eu lieu entre Dormans et Reims, Sillery et Prosnes. Dimanche dans la nuit rien que sur le front de Reims à Souain ils avaient déclenché pour attaquer 15 divisions d’attaque et 7 de réserves. Ils ont été arrêtés net. La bataille se présente donc bien.

Le train de munitions a sauté à Sogny-aux-Moulins, juste près du pont de la Marne, un wagon a sauté et le toit en retombant enflammé a mis le feu à une maison du village. On a dételé une 30aine (trentaine) de wagons de guerre qui sont revenus sur Vitry-la-Ville, de même pour ceux de tête qui ont continué leur route sur Châlons ! Les 4/5 wagons atteints brûlent encore, en sorte que je ne sais si j’aurais un train pour demain aller à Châlons ! J’irai à bicyclette, mais s’il fait la chaleur torride et étouffante d’aujourd’hui ce sera bien fatigant. Pas de courrier aujourd’hui.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Mercredi 17 – Visite de M. de la Tour (rédacteur du Gaulois). Interview. Visite au Cardinal Amette, absent. Visite à M. le Cure de S. Sulpice. Visite de Madame Etienne, femme d’un Commandant de ce nom qui m’avait connu pendant la guerre. Visite des Soeurs de St-Joseph du lycée Louis-le- Grand

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 17 juillet

 

La bataille a continué sur le front de Champagne, mais en affectant plutôt l’aspect d’une série de violentes actions locales, les Allemands étant quelque peu fatigués.
Bataille acharnée au sud de la Marne. Les forces ennemies qui avaient passé la rivière, ont tenté d’en remonter le cours. Nos troupes ont ralenti cette poussée par une défense pied à pied et ont maintenu les Allemands sur la ligne Oeuilly-Leuvrigny.
Nous avons contre-attaqué sur le front Saint-Agnan-la Chapelle-Monthodon où, avec les Américains, nous avions fait la veille un millier de prisonniers. Nous avons enlevé ces deux localités, et reporté nos lignes sur les hauteurs qui dominent la vallée de la Marne, dans la région de la Bourdonnerie et de Clos-Milon.
Entre la Marne et Reims, les troupes franco-italiennes ont repoussé plusieurs tentatives de l’ennemi et conservé leurs positions.
A l’est de Reims, les Allemands ont repris leurs attaques après des préparations d’artillerie. Une puissante tentative en direction de Beaumont-sur-Vesle n’a pas réussi à déboucher de Prunay.
Deux attaques ennemies ont échoué dans le secteur de la Suippe. Vive action au nord de Prosnes et à l’est de Tahure où tous les efforts allemands ont été brisés avec de lourdes pertes.
Les troupes néo-zélandaises ont réussi un raid près d’Hébuterne.
Dans la région de Vetrenik, les troupes Serbes ont exécuté avec succès un coup de main dans les tranchées bulgares.
En Albanie, sur la rive droite du Devoli, nous avons occupé les villages de Rostani, Bostani, Vina, et poussé nos reconnaissances jusqu’au cours de la Holta. 620 prisonniers ont été capturés.
Sur le front italien, activité de combat au nord de Grappa. Nos alliés ont capturé 3 officiers et 91 hommes. Ils ont mis en fuite deux postes ennemis et abattu 12 avions ennemis.
Le comte Burian, ministre des Affaires étrangères austro-hongrois, a lancé, sous forme indirecte, un nouvel appel à la paix

Source : La Grande Guerre au jour le jour