Louis Guédet

Mercredi 12 février 1919

1615ème et 1613ème jours

9h matin  Grande gelée, grand froid. Toujours beau soleil. Maurice va tout doucement. Toujours l’adversité et le malheur qui s’acharnent. Ce n’est pas cela qui est pour me réconforter et avoir confiance en l’avenir ! Le malheur me révolte et m’aigrit de plus en plus, voilà tout. Je me tâte pour savoir si je dois partir samedi ou lundi. Ce sera plutôt lundi. Là-bas une vie encore plus misérable m’attend. Et c‘est tout ! sans bonne, sans clerc, sans qui que ce soit. Je ne sais comment je vivrais.

3h soir  Été à Vitry-la-Ville pour voir à l’expédition de mes archives. Conclusion mon bon de réquisition ne pourrait servir qu’en petite vitesse, ce qui demanderait 15 jours !! Mais en grande vitesse, en payant on les prendra, à condition que cela ne dépasse pas 300 kg. En résumé le Chef de Gare ni ses employés n’y connaissaient rien ou plutôt n’y mettent aucune bonne volonté. Réfugié veut dire paria !

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Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Mercredi 12 – Visite de M. de Curé de Berru.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 12 février

Le Conseil de guerre, réuni au quai d’Orsay, s’est préoccupé des conditions de renouvellement de l’armistice.
M. Klotz, ministre des Finances, a donné connaissance d’un ouvrage publié en 1916 par le grand-état-major allemand, prouvant le caractère prémédité et systématique des destructions industrielles en France et donnant un aperçu des répercussions qui résulteraient avantageusement pour l’Allemagne de certaines branches de l’industrie française. Il a versé aux débats une analyse détaillée de ce volume dont le renvoi au comité économique a été décidé. Il a été prouvé que les Allemands avaient fait dans la plate-forme de la cathédrale de Strasbourg ce qu’ils nous ont faussement accusés d’avoir fait à Reims.
La Constituante allemande a décidé qu’elle délibérerait sur les conditions d’armistice. Erzberger et ses collègues de la commission d’armistice sont partis pour Trèves. Il est probable que l’assemblée de Weimar reviendra à bref délai à Berlin. Elle a entamé le débat sur le statut provisoire.
Henri de Prusse, dans une interview, a déclaré qu’il voulait restaurer la monarchie.
Les bolchevistes de l’Ukraine acceptent d’aller à Prinkipo. Les prisonniers français de Moscou ont été libérés.
Les Allemands, pour masquer leur jeu, annoncent qu’ils ont été attaqués par les Polonais.
La conférence socialiste de Berne a clôturé ses travaux en désignant un comité permanent. Elle a décidé également qu’une délégation porterait ses conclusions et à la Conférence de la paix et à M. Wilson.
Le Sénat américain a refusé le droit de vote aux femmes pour la seconde fois.
L’ex-kronprinz est malade.
Les Roumains se plaignent d’être persécutés par les Hongrois.
La Chine affirme que le Japon a fait pression sur elle afin de lui dicter son attitude à la Conférence de la Paix. Le Japon donne un démenti formel.
Les derniers prisonniers alliés ont quitté le Danemark.
L’amiral Jellicoe, publie un volume sensationnel sur le rôle de la flotte anglaise durant la guerre.

Source : La Grande Guerre au jour le jour

1er février 1919. Photographie parue dans le journal Excelsior du dimanche 2 février 1919 – © Excelsior-L’Équipe/Roger-Viollet