Louis Guédet

Jeudi 27 juin 1918

1385ème et 1383ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Toujours un temps magnifique, froid le matin et très chaud dans la journée. Les troupes américaines d’ici sont parties en marche. Quelques uns sont restés pour des exercices de masques chez le fermier. C’est un masque avec tube et magasin sur la poitrine. Je suis là désœuvré, quelle triste existence. Néanmoins désemparé, comme je suis, désorienté, je m’effraierais si j’avais quelque chose à faire. Quoi ? Je ne sais, n’ayant rien à faire dans l’ordre de ma profession. Ne pouvoir travailler, s’occuper, c’est épouvantable !

3h soir  Courrier peu volumineux, fini de répondre à 3h. Lettre du Procureur de la République m’annonçant le refuge de plusieurs de mes confrères. L’indemnité d’évacué accordée à Dondaine et à sa femme est de 37,50 x 2 = 75 F par mois, ainsi qu’à Landréat (1,25 + 0,50 pour sa mère) 52,50 F par mois. En même temps il m’envoyait mon mandat pour indemnité de transport 37,50 avec effet rétroactif au 1er avril 1918 = 113,75 F. Il me remerciait de mes félicitations avant la lettre pour son futur ruban, me demandait l’adresse de Mme Forzy pour la féliciter de son attitude courageuse durant en opérant le sauvetage sous le feu de l’ennemi à Troissy des archives de son mari, mon ancien clerc L. Forzy, notaire à Fismes, actuellement capitaine au 147e d’Infanterie C.I.D. (Centre d’Instruction Divisionnaire). Je lui ai répondu et j’en ai profité pour demander pour Bruneteau une récompense quelconque quand ce ne serait que la Reconnaissance Française pour sa conduite pendant toute cette Guerre et l’occupation allemande de Fismes en septembre 1914, comme notaire et comme conseiller municipal. Le Grelot est attaché, je n’ai plus qu’à attendre.

7h du soir  Je viens de causer avec un jeune soldat qui est de La Nouvelle Orléans (Louisiane), son régiment est un régiment de l’Alabama, proche de la Louisiane, c’est le 167e d’Infanterie, colonel Straussaner, soldat officier de carrière (le 167th Infantry Regiment était commandé par le colonel William Preston Screws). J’ai causé assez longuement avec lui. Il est intelligent, il se nomme Spangi, il est  d’origine italienne, de la Sicile.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

colonel William Preston Screws

Cardinal Luçon

Jeudi 27 – Visite. Visite de M. le Lieut. Colonel de Bruignac, qui vient diner avec nous. Visite d’adieu du Major du cantonnement et d’arrivée de son successeur. Écrit à Mgr de Troyes pour le remercier de l’accueil paternel qu’il a fait à M. Camu et à M. Lecomte (ainsi qu’aux prêtres rémois réfugiés dans son diocèse). Un chanoine met à leur disposition une maison qu’il possédait, vacante ; une Sœur sécularisée s’offrit pour tenir leur ménage

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 27 juin

Nous avons exécuté plusieurs coups de main dans la région de Mailly-Raineval, de Melicocq, de Vinly, du Cornillet, et en Lorraine. Ils nous ont valu des prisonniers et des mitrailleuses. Une nouvelle tentative allemande contre nos petits postes au nord de le Port a été repoussée.
Les troupes américaines ont effectué une brillante opération de détail dans les bois de Belleau. 150 prisonniers, dont un capitaine ont été, de prime abord, dénombrés.
Les Anglais, au cours de combats de patrouilles, ont fait des prisonniers aux environs de Sailly-le-Sec et à l’ouest de Merville.
Activité de l’artillerie ennemie aux environs de Ville-sur-Ancre, Gomécourt, Bailleul, sud de Lens et dans le secteur d’Hazebrouck.
Des tentatives ennemies sur les postes de nos alliés ont échoué sous le feu des occupants.
Les avions britanniques ont attaqué avec succès des voies latérales, des usines de Sarrebruck, des hangars, des locomotives, les casernes d’Offenburg, les usines d’explosifs et la gare de Carlsruhe.
De nombreux coups au but ont été observés. En Macédoine, sur la rive droite du Vardar, l’ennemi, après une violente concentration de feux, a attaqué nos ouvrages au nord de Rayadag. L’attaque a dû refluer avant d’avoir atteint nos lignes.
Un détachement grec a accompli un raid heureux sur la Strouma.

Source : La Grande Guerre au jour le jour