Louis Guédet

Mercredi 26 juin 1918

1384ème et 1382ème jours de bataille et de bombardement

4h soir  Temps magnifique, mais froid le matin. Peu de courrier, et pour ainsi dire rien à faire. Je me décide à aller à Songy porter mes lettres vers 3h. A peine au moulin de Songy mon pneu arrière éclate. Je rentre, me voilà démonté encore pour quelques jours. En ce moment a lieu l’enterrement du jeune américain noyé hier… Le cortège joue la marche funèbre de Chopin. Je ne puis y aller n’étant pas habillé.

9h soir  Concert de la musique américaine, une vraie fanfare de cirque. Néanmoins la marche funèbre de Chopin était bien jouée.

Journée monotone comme combien d’autres, journée de désœuvrement, inutile, fastidieuse. Rien à faire. Rien ! Si cela continue je perdrai l’habitude de travailler. Et cependant je voudrais tant agir, exécuter, faire quelque chose d’utile et qui pour une fois n’échoue pas, ne soit pas stérile. Mais ce n’est pas dans ma destinée cela ! Rien ne doit me réussir, il suffit que je touche à quelque chose pour que tout se brise, se ruine, se dissolve ! Fatalité ! Fatalité. Vouloir faire grand bien, généreusement et ardemment…  et rien, rien. Je suis enterré là ne pouvant même pas m’occuper, même de ma profession !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils


Cardinal Luçon

Mercredi 26 – Visite de Mgr Mestre, Évêque du Soudan, charge par M. Clemenceau de visiter les troupes noires. II me raconte que M. Clemenceau le manda, lui demanda de dire ce qu’il savait de l’Afrique – Tout ? – Oui! – II n’y aura peut-être pas que des choses agréables à entendre pour le Gouvernement français – Dites toujours. C’est pour cela que je vous ai fait venir. « D’ailleurs, aujourd’hui, il n’y a plus que vous qui fassiez quelque chose de propre. »

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 26 juin

Au nord de l’Aisne, après un violent bombardement, un combat à la grenade s’est engagé dans les ouvrages que nous avions conquis la veille au nord-est de le Port. Notre front a été intégralement maintenu.
Actions d’artillerie assez vives dans la région de Faverolles et de Corcy.
Nous avons exécuté en Woëvre et en Lorraine trois coups de main qui nous ont valu une vingtaine de prisonniers.
Sur le front britannique, à Neuville-Vitasse, des troupes canadiennes ont exécuté un raid sur les tranchées ennemies et ramené 22 prisonniers et 6 mitrailleuses. Au cours d’une attaque heureuse au sud de la Scarpe, nos alliés ont fait quelques prisonniers et pris une mitrailleuse.
Pendant la nuit, l’artillerie ennemie a été active entre Villers-Bretonneux et Morlancourt, au sud d’Avion et à l’ouest de Merville et a fait amplement usage d’obus toxiques.
Les Italiens ont poursuivi le refoulement des troupes austro-hongroises et ont capturé environ 2000 ennemis. Ils ont réoccupé complètement la rive droite de la Piave, enlevé un poste sur la pointe de Escarallo, accompli un raid heureux sur les pentes du Mont di Valbella, infligé de lourdes pertes à l’ennemi sur les pentes du Grappa.
Ils ont abattu 9 avions ennemis. L’aviateur Baracca se serait suicidé pour ne pas tomber aux mains de l’ennemi.
Paris a été classé dans la zone des armées.
Von Kuhlmann, le ministre des Affaires étrangères allemand, a prononcé un important discours devant la grande commission du Reichstag. Il a déclaré que si l’Entente énumérait ses conditions de paix, les Empires Centraux seraient prêts à les entendre. C’est la formule de M. Balfour retournée. Hertling a fait, à son tour, un discours.

Source : La Grande Guerre au jour le jour