Louis Guédet
Vendredi 1er mars 1918
1267ème et 1265ème jours de bataille et de bombardement
11h matin Nuit de bombardement, rien ici, mais je n’ai pas dormi de la nuit. Je suis exténué. Le Procureur de la République vient d’arriver pour les coffres-forts. C’est l’affolement, je lui ai dit ma fatigue, il m’a conseillé de partir, du reste il ajoute que je ne resterai pas longtemps ici. Il a des ordres pour cela que ce soit le plus tôt possible, je n’en puis plus.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Paul Hess
1er mars 1918 – La nuit dernière a été épouvantable, les Allemands ayant dirigé une attaque du nord-ouest au sud-est de Reims.
A partir de 22 h, se déclenchait un bombardement violent, ininterrompu, qui durait jusqu’à ce matin 4 h. Le tir des pièces boches, que j’entendais de mon lit, rue du Cloître, produisait l’effet de roulements de tambour au loin, tant étaient précipités les départs.
Les sifflements, les explosions des arrivées, par trois et quatre à la fois se suivaient sans arrêt et je me rendais parfaitement compte que si quelques rafales d’obus s’étaient rapprochées davantage du quartier, il m’eût été absolument impossible de gagner la cave — je n’en aurais pas eu le temps — mais les projectiles ne tombant pas trop près, je ne jugeai pas à propos, en raison du froid, d’y descendre à l’avance. Je me contentai d’allumer ma lampe Pigeon, ce qui m’eût évité la perte de quelques secondes en cas de plus grande alerte brusquée et de relevée forcément rapide, puis, la fatigue surpassant le tout, malgré moi, au milieu du vacarme de la canonnade, des sifflements et des éclatements… je me suis rendormi.
Ce matin, en arrivant au bureau, j’ai appris qu’une partie de l’hôpital général (bâtiments sur la rue Eugène-Wiet) est brûlée et que, d’autre part, on a retrouvé deux vieillards pris par les gaz, rue Rivart-Prophétie.
Il y aurait eu beaucoup d’obus à gaz ; des batteries auraient, paraît-il été fortement éprouvées.
On commence, ce jour, à manger à Reims, des boules de pain fournies par les manutentions militaires, toutes les boulangeries ayant dû fermer hier, 26 février.
Après-midi, canonnades sérieuses, commencées à 13 h ; elles se prolongent jusqu’au soir. En réponse, bombardement serré également, vers la butte Saint-Nicaise et Pommery.
A 17 h 1/2, la place fait prévenir, par un coup de téléphone à la police, qu’on annonce une nappe de gaz. Cinq minutes après environ, nous entendons passer dans la rue de Mars, une auto des pompiers ; ils actionnent pour la première fois, une sirène spéciale. Dans le cellier où nous sommes groupés, chacun prépare son masque et la plupart se le pendent au cou. Il pleut un peu — on attend les événements en fumant une pipe, puis, à 18 h 1/2, nous pouvons regagner la popote sans plus de risques que d’habitude.
La nuit qui suit est assez agitée encore ; au cours d’un bombardement sur le centre, deux obus tombent sur la Banque de France ; un autre rue de Tambour, etc.
Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
Cardinal Luçon
Vendredi 1er – Nuit de guerre. De 11 h. à 5 h. les batteries allemandes tirent avec acharnement sur les nôtres. + 2°. La terre est saupoudrée de neige par endroits. Gelée blanche. A 6 h. 30, aéroplanes. Via Crucis in Cathedrali à 8 h. Deux vieillards asphyxiés par les gaz. Départ de M. Le comte. M. Camu parti la veille, avec les affaires, papiers, valeurs du Secrétariat. Cette nuit à St-Thomas. Incendie par les obus d’une partie de l’Hôpital de la Charité (St-Maurice). Toute la matinée, toute la journée, aéroplanes et tirs acharnés contre eux. Bombes allemandes et françaises sifflent dans les airs. Visite d’adieu de M. l’Abbé Divoir, sacriste de la Cathédrale. Départ de M. et Mme Billaudel, nos concierges pour Lourdes. Dans l’après- midi, surtout à partir de 4 h., vacarme effroyable : tir contre avions des deux côtés, et combat d’artillerie formidable. Ralentissement de 7 h. et toute la nuit, qui fut moins agitée que la précédente, quoique toute la nuit il y ait eu des obus tombant sur nos batteries ou tranchées. Neige. A 11 h. soir, Capitaine Luizeler, préposé aux Évacuations, vient sonner et nous informer que nos Archives seront reçues aux Archives de Paris – 25.000 obus, estime le Général Petit !
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
Vendredi 1er mars
Nos patrouilles, opérant dans la région de Beaumont et en Lorraine, ont ramené des prisonniers.
Canonnade assez vive au nord de la cote 344 (rive droite de la Meuse).
Nous avons jeté plus d’une demi-tonne d’explosifs sur les casemates et la gare de Trèves. Quatre éclatements ont été constatés sur les fourneaux de l’usine à gaz et huit à la gare.
Dans la même nuit, près d’une tonne et demie de projectiles a été jetée sur les champs d’aviation de la région de Metz et des éclatements ont été constatés dans les hangars et baraquements. Un aéroplane ennemi a été abattu à proximité de l’aérodrome. Tous nos appareils sont rentrés indemnes, en dépit de la violence du tir des canons spéciaux et des mitrailleuses ennemies.
Les troupes anglaises ont exécuté avec succès un coup de main sur les tranchées ennemies du Greenland Hill (nord de la Scarpe). Un autre raid de troupes anglaises et écossaises sur les positions allemandes de la partie sud de la vallée d’Houthulst leur a valu douze prisonniers et trois mitrailleuses.
Sur le front italien, actions d’artillerie intermittentes. Des patrouilles ennemies ont été repoussées à Rapo. Au nord du col del Rosso, une patrouille Italienne a pris deux bombardes de 280 et une vingtaine de mitrailleuses. Un ballon captif autrichien a été abattu.
Source : La Grande Guerre au jour le jour