Louis Guédet

Jeudi 27 décembre 1917

1203ème et 1201ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 soir  Beau temps froid, nuit calme, mais je dors mal dans ce sous-sol. Quelle vie misérable !! Courrier toujours en retard. Je n’ai plus mes lettres qu’à midi. 2 lettres de ma chère femme. Les enfants vont bien. Marie-Louise enchantée d’avoir été à la messe de Minuit à Cheppes. Pauvre petite ! Elle aura eu une jeunesse bien triste… !

Reçu mon dossier de 237 procès pour mon audience de simple police du 15 janvier 1918 ; surtout des procès de circulation à bicyclette sans autorisation, quelques procès ridicules. Du reste avec ces brutes de gendarmes il ne faut pas s’étonner. D’Hesse le boulanger, rue de Tambour manquant de farine pour son pain du lendemain, couru à bicyclette au dépôt, tomba sur 2 gendarmes qui lui dressent procès-verbal bien qu’il leur dise que c’était pour le ravitaillement. Le plus jeune gendarme voulait accepter cette déclaration, mais le plus âgé de dire : « Procès-verbal, il faut bien les dresser ces Rémois !… » En voilà un que je passerai à tabac le 15 janvier 1918. Il est tout simplement odieux.

Sorti après-midi, rendu visite au Cardinal Luçon, qui l’a échappé belle l’autre jour s’il ne s’était pas bien retiré vite devant sa fenêtre, il aurait été certainement atteint pas les schrapnels ! Je ne l’ai pas rencontré, il était sorti avec M. l’abbé Camu, ainsi que Mgr Neveux. Poussé chez D’Hesse pour avoir des explications sur son procès, de là à la Ville. Rédigé un modèle de testament à un employé de la Mairie dénommé Couchot, et rentré chez moi avec Houlon qui allait aux Hospices. Rencontré en route Dondaine qui viendra déjeuner avec moi demain.

Rencontré aussi Sainsaulieu, architecte de la Cathédrale, qui m’a demandé d’être le trésorier de la Société des Amis de la Cathédrale de Reims, dont Poincaré, Mgr Luçon et Léon Bourgeois sont Présidents d’Honneur. C’est surtout pour la reconstruction de la Cathédrale et surtout sa conservation au culte ! Il doit venir m’en recauser ce soir. En tout cas j’ai accepté, je ne pouvais refuser.

Et surtout attelé à mes procès. Je n’en ai plus qu’environ 70 à revoir. Mais les procès d’autorisation de bicyclette, je vais raser l’autorité militaire avec cela ! En les remettant après citation non touchée, de 3 mois en 3 mois. (Rayé).

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Jeudi 27 – – 3°. Nuit tranquille à Reims. Visite à Saint-André. Arbre de Noël dans les caves Chauvet. Une femme tuée à 10 h. du matin par un obus (de Bruignac).

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Jeudi 27 décembre

Sur la rive droite de la Meuse, une riposte énergique de nos batteries a fait cesser un vif bombardement de nos lignes dans la région de Bezonvaux.
Nous avons repoussé une attaque au bois des Caurières.
Dans la région de Saint-Quentin et en Haute-Alsace, nos patrouilles ont pénétré dans les tranchées allemandes et ramené des prisonniers.
Sur le front italien, la lutte a repris dès l’aube sur le plateau d’Asiago. L’ennemi a concentré ses efforts sur l’extrême droite, entre le col Rosso et le val Frenzela, mais, contenu de face, il n’a pu dépasser les habitations de Sasso.
Les troupes de Costalonga et de Melago ont renouvelé plusieurs fois l’attaque sur le col de Rosso et sur le val Belia, qu’elles ont repris sans pouvoir cependant en conserver l’occupation.
Sur la gauche de la Brenta, une tentative d’attaque à l’ouest d’Osteria di Lepre a été promptement enrayée par les tirs de barrage.
L’amiral Jellicoe, qui était le chef effectif de la marine anglaise est promu à la pairie et remplacé par l’amiral Rosslyn Wemmis.

Source : La Grande Guerre au jour le jour