Louis Guédet

Jeudi 20 décembre 1917

1196ème et 1194ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Aÿ  Temps froid, gris. Je pars tout à l’heure à Reims, ayant terminé mon adjudication mobilière pour Jolivet, qui a produit 17/18 000 F, c’est un beau résultat. Durant la vente, vers 3h, on annonça des avions allemands : la Ville fut de suite en révolution et mes amateurs…  s’envolèrent comme une volée de moineaux !!… En une seconde je me suis trouvé seul avec Dondaine !! si vous les aviez vus galoper, tomber, trébucher…  c’était hilarant. Enfin quand l’alerte eut cessé, mes oiseaux revinrent un à un en tendant le cou…  comme des oies ou des dindons qui s’assurent que l’objet de leur peur est disparu, et je continuais reprenais ma vente. Fini à 4h. Je filais aussitôt voir M. Girard-Amiot pour causer de la Société Perrier-Jouët dans laquelle il entre comme gérant avec les fils de mon ami Mareschal comme actionnaires pour un million (500 000 F chacun). Repris le tramway C.B.R. à 7h. Dîné avec M. Lechenet, juge de Paix de Bourgogne. Très original et contant de curieuses histoires. Couché à 9h1/2. Il faisait très froid. Ce matin temps gris, couvert de neige dans le ciel. J’attends Charles Heidsieck et je pense partir d’ici pour Épernay vers 10h1/2, aller au Crédit Lyonnais et déjeuner en attendant l’autobus de Reims.

8h1/2 soir  Pas de voiture à Aÿ. Pas de Charles Heidsieck, je pars à 10h1/4 pour Épernay à pied. Eté Crédit Lyonnais…  Banque de France. Revenu à la Gare, où je trouve Bertin, de Cumières, mon camarade de classe. (Rayé) ! Je vais au buffet où je déjeune avec Girard et Charles Heidsieck. Vois Faupin avoué à Reims (rayé) ! et (rayé) ! le Père Desbuquois qui doit venir me voir samedi matin. Nous voyageons dans la brume et le brouillard avec le tapis de neige sur la plaine et la campagne. Ici rien de saillant, sauf organisation de l’ouverture des coffres-forts pour samedi. Lepage « rouspète » parait-il !… Nous verrons… Courrier abattu en 5 secondes. Bref pas beaucoup de retard heureusement !! mais du travail. Je vais me coucher, je suis éreinté.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Jeudi 20 – 0°. Nuit tranquille, sauf quelques coups de fusil et mitrailleu­ses. Temps couvert. Retour de M. Camu qui est allé à Tours visiter les réfu­giés. Promis à M. Humbert, aumônier au 5e Cuirassiers à pied(1), 3e (ou 5e) bataillon, visite aux soldats à Mailly.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

(1) Les régiments de cuirassiers, qui n’avaient plus leur place en tant que tels sur un champ de bataille, ont été transformés en régiments de cuirassiers à pied, rassemblés au sein d’une division et combattant en tant que fantassins.

Jeudi 20 décembre

L’artillerie ennemie, contre-battue efficacement par la nôtre, a bombardé nos premières lignes au sud de Juvincourt et en Argonne, au Four-de-Paris.
Sur ce dernier point, l’ennemi, qui tentait d’aborder nos positions, a été repoussé à deux reprises avec des pertes.
En Woëvre, un coup de main allemand sur nos tranchées, devant Regnéville, a échoué sous nos feux.
En Lorraine, nos patrouilles ont fait des prisonniers, dont un officier dans les secteurs de Flirey et de Nauroy.
Canonnade à l’Hartmannswillerkopf et au Schoenholz.
Des avions allemands ont lancé une cinquantaine de bombes dans la région de Dunkerque.
Une incursion de gothas a eu lieu sur Londres. On compte 80 victimes dont 10 morts. Un des gothas a été abattu.
Sur le front anglais, des reconnaissances ennemies ont été arrêtées dans le secteur de Passchendaele. Des prisonniers ont été capturés.
Sur le front italien, les Austro-Allemands ont attaqué à nouveau sur une large étendue, dans la zone montagneuse. Ils n’ont remporté que de légers avantages et ont subi de fortes pertes.

Source : La Grande Guerre au jour le jour