Louis Guédet

Samedi 15 décembre 1917

1191ème et 1189ème jours de bataille et de bombardement

9h soir  Beau temps, des bombes, 2 ou 3, cette nuit devant le Lion d’Or, visant la Cathédrale, ce serait des 210 français que les allemands nous renvoient…  gracieusement, 2 ou 3 rue de Contrai. Mal dormi nécessairement, car c’était bien près. Courrier du matin minime, heureusement. J’ai pu rattraper mon retard. Vu encore pas mal de souscripteurs. Bref, j’ai 111 souscripteurs qui me donnent 5 970 F de rente pour 152 890,50 de capital versé, tant en bons de la Défense Nationale, numéraire et or !… Et moi qui comptais sur une trentaine de milliers de Francs de capital versé !!! J’en suis heureux pour la Banque de France.

Couru voir le Papa Millet pour ses expéditions et actes. J’ai tout, çà va. Je pars demain dimanche à 9h pour Épernay où j’ai un contrat pour Montaudon à la Villa, et le soir Ajon (adjudication) Gardeux pour Jolivet. Je travaillerai toujours pour les autres, pour la Gloire, pour l’Honneur. Voilà 3 jours de calme pour moi en perspective, et j’en profiterai pour voir à bien des choses à mon Tribunal. Je m’arrête, j’ai encore des lettres à écrire et à faire ma valise. J’aurais bien des notes à écrire, mais je n’ai pas le temps.

Encore un gendarme, Maury, force publique de Reims !! saluez !! qui m’a tenu 1h pour souscrire 38 Francs de rente !! (Rayé).

Bonsoir.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

15 décembre 1917 – Bombardement une partie de la journée et avions.

— M. Gustave Houlon, conseiller municipal délégué, qui se plaît à travailler à nos côtés et s’installe souvent, sans façon, à la table de la « comptabilité », pour signer, parfois pendant des après- midi entières, les monceaux de pièces que lui apporte en souriant le secrétaire en chef, placarde aujourd’hui, sur le mur, derrière nous, la petite composition suivante, intitulée :

Ballade des employés de la mairie de Reims

– 1 –
Jour et nuit le canon tonne,
L’obus siffle à tout instant,
Et d’être encore existant,
Le matin chacun s’étonne.

– 2 –
Malgré cela, nos héros,
Depuis le forfait du Boche,
Dans un cellier assez proche,
Ont transféré leurs bureaux,

-3-
Du personnel de la ville,
Ils sont cinquante, à peu près
Qui, sans pose et sans apprêts,
Poursuivent l’œuvre civile.

-4-
Des services, en ce lieu,
On a groupé quelques bribes,
Le long des murs sont les scribes,
La police est au milieu.

-5-
De vaillantes filles d’Eve,
Ont reçu bon accueil,
Quand on peut se rincer l’œil,
L’heure paraît bien plus brève.

-6-
Pourtant, leurs nerfs furent mis
Aux épreuves les plus vives,
Le feu brûlé les archives,
Le fer tua des amis.

-7-
Aux municipes de France,
On citera ces Rémois,
Qui plus de quarante mois,
Ont tenu, pleins de constance.

-8-
Et sans geste solennel,
Malgré toutes les entraves,
Sont demeurés gais et braves,
Sous l’œil du Père Etemel !

(signé : Un édile)

L’auteur de cette fantaisie spirituelle, dont nous sommes à même d’apprécier le courage et le dévouement à la chose publi­que, est complimenté(1) . Son amusante production a du succès par­mi le personnel.

Toutefois, pour sa compréhension totale, il est bon de savoir que M. G. Houlon, quand il parle dans l’intimité du maire, M. le Dr Langlet, dont la physionomie vénérable est celle d’un patriar­che, l’appelle toujours très gravement, « Le Père Etemel ».

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos
  (1) Avant de venir remplir ses fonctions à la mairie, M. G. Houlon, en sa qualité de membre de la commission administrative des hospices, se rend chaque jour, pédestrement, dans les bureaux de cette administration, à l’Hôpital général.

Cardinal Luçon

Dimanche 15 – A partir de 10 h. 30 soir, nuit tranquille, sauf quelques rares bombes qui sifflent. + 2°. Beau temps. Quelques bombes sifflent vers 3 h. Visite à Saint-Remi avec M. Compant.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173