Louis Guédet

Samedi 24 novembre 1917

1170ème et 1168ème jours de bataille et de bombardement

7h soir  Forts et violents combats devant et au nord de Reims. Tempête de vent toute la nuit et toute la journée. Ce sont les Avents ! (vents de décembre évoqués dans le dicton : « Quand secs sont les Avents, abondant sera l’an ») Les 4e depuis la Guerre que j’entends avec le souffle et le hurlement des obus ! C’est à décourager.

Ce matin lettre du Procureur de la République qui me demande de lui désigner la commune de mes cantons où je pourrais éventuellement tenir audience et en fixer le nombre par mois !!!… Voilà que la comédie recommence, moi qui croyais comme le sous-préfet et Beauvais que c’était une affaire enterrée ! Lenoir aussi qui avait vu Leroux, le chef du personnel à la Chancellerie, et lui avait promis de n’en plus parler ! Vu aussitôt le sous-préfet qui était justement là à la Poste. Il a bondi devant cela, d’autant qu’il a fortement le Procureur dans le nez, ainsi que Chapron le Préfet, (qui est protestant, ce que j’ignorais) depuis l’histoire des casiers judiciaires n°2 dont un autre cas s’est présenté ces jours-ci encore ! Bref Bailliez m’a dit qu’il allait en parler au Préfet et lui dire ce qu’il pensait de la façon dont on tenait compte de ses avis. Car Bailliez et Chapron avaient donnés un avis absolument défavorable à mon déplacement. Il m’a prié de demander à Beauvais d’écrire à Lenoir de suite pour que celui-ci aille à la Chancellerie mettre le holà, ce que j’ai fait, et Beauvais a même joint une copie de la lettre du Procureur. Vu l’après-midi le Maire qui a approuvé tout ce qui avait été fait par moi, et m’a dit d’attendre la réponse et l’avis de Lenoir, et qu’on aviserait ensuite si cela ne marchait pas. Je dois, d’accord avec tous, laisser traîner ma réponse aussi longtemps que possible, pour gagner du temps et laisser Lenoir se retourner. (Rayé) pour bien peu de choses (rayé) mais (rayé). Espérons que c’est moi qui aurai raison.

Rentré finir mon courrier. Ecrit à Bossu et M. et Mme de Vroïl qui partent à Cannes. Demain dimanche, journée qui m’effraie toujours par sa longueur et sa lourdeur à passer. Heureusement que je vais déjeuner au Cercle, ce sera 2 ou 3 heures de passées. Tout cela m’attriste et me décourage, car je sens que je suis en but à toutes sortes de rancunes, et pourquoi ? Pour avoir fait mon Devoir et l’avoir compris autrement que tous ces froussards.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Samedi 24 – + 1 Io. Nuit tranquille, sauf canonnade vers 4 h. 30 ou 5 h. matin. Terminé le 1er volume de la Somme de saint Thomas, texte latin qui me montre une image dont le sujet est l’archevêque de Reims et la ville de Paris. Obus vers 7 h. soir : 6 dans le voisinage de M. Abelé, rue de la Justice, dont 2 ou 3 dans sa maison pendant qu’il soupait dans la cave.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Samedi 24 novembre

L’artillerie, est restée active dans les secteurs de Cernay et de Juvincourt. Nos feux ont enrayé une attaque ennemie sur la gauche des positions que nous avons conquises.
Nos patrouilles opérant vers l’Ailette ont ramené des prisonniers et infligé des pertes à l’ennemi. Au nord-ouest de Reims et en Champagne, des coups de main sur nos postes n’ont obtenu aucun résultat.
Sur la rive droite de la Meuse, la lutte d’artillerie s’est maintenue vive.
Les Austro-Allemands ont attaqué un point important sur le plateau d’Asiago. Cette offensive a été menée avec une violence extrême. La première armée ita1ienne a réussi à maintenir toutes les positions et à repousser l’adversaire, qui a subi des pertes élevées. 200 prisonniers ont été faits.
D’autres attaques ont été exécutées par les Austro-Allemands entre la Brenta et la Piave. Plusieurs positions ont été à plusieurs reprises perdues et réoccupées par nos alliés, qui sont définitivement restés maîtres du terrain. L’ennemi a subi de lourdes pertes.
Guillaume II a réuni un conseil de guerre à Berlin pour aviser aux moyens d’arrêter l’avance anglaise en Palestine.

Source : La Grande Guerre au jour le jour