Louis Guédet

Mercredi 19 septembre 1917

1104ème et 1102ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Nuit calme, combat vers Pompelle à 4h. Beau temps, nous allons avoir encore une magnifique journée. Quel bel automne dont je ne puis jouir !! Hier en causant avec Albert Benoist nous parlions de l’avenir de Reims si la ville reprendrait, retrouverait ou non son ancienne splendeur et prospérité. J’en doutais, lui, non ! Il ne craignait qu’une chose pour la reprise des affaires, c’est le manque d’ouvriers par suite du défaut de logements, d’habitations à leur procurer. C’est exact, mais je lui objectais qu’on trouverait peut-être facilement à y suffire en logeant les premiers dans de grands bâtiments d’usines qui ne pourraient encore travailler, par nos grands magasins, écoles trop vastes pour les moments actuels, voire même par la construction de baraquements, cités ouvrières dans le genre de ce qui s’est fait pour nos villages anéantis dans la bataille de la Marne. Je lui demandais si on s’occupait dès maintenant de former des comités ou commissions d’entrepreneurs qui réuniraient déjà les matières premières.

A ce sujet je lui émettais l’avis que durant la première période de reconstruction de la Ville on ne devait autoriser que les réparations d’immeubles susceptibles de l’être, et d’interdire toutes constructions nouvelles, ce qui permettrait d’obtenir la loi sur les expropriations des terrains dévastés (si elle ne l’était auparavant) et d’établir un plan définitif de reconstruction de notre ville avec des alignements nouveaux et des percées de nouvelles et grandes artères… Quel beau programme et combien tentant pour un homme (des hommes) qui pourrait s’y adonner entièrement. Cet homme se révèlera-t-il ? Il lui faudra une grande énergie et une grande indépendance ! Puisse-t-il se montrer bientôt !…

Tout à l’heure une élégante auto, militaire bien entendu (il n’y en aura que pour eux) s’arrête devant ma porte et un non moins élégant militaire, (celui-là ne doit pas avoir vu souvent les tranchées) demandait s’il y avait du vin à vendre ici !! Toujours la ripaille ces oiseaux-là ne pensent qu’à boire. Lise lui répondit que non, et avec son calme habituel leur ajouta : « Nous n’en n’avons pas à vendre, nous n’en vendons pas, mais vous pouvez en acheter là-bas à la laiterie du coin ! » Alors le « musqué », d’un ton dédaigneux et offensé. « Ce n’est pas celui-là que nous cherchons !! » (Rayé).

Aujourd’hui anniversaire de l’incendie de la Cathédrale !! Trois ans déjà ! Quels souvenirs !! Les voisins d’en face vont-ils vouloir le commémorer par un arrosage dont ils ont le secret !!!  et la spécialité de sauvages et vandales qu’ils sont !! Ce serait dans les choses possibles !! En attendant, travaillons !

5h soir  Poste à 10h, vu Beauvais et le sous-préfet. Causé très aimablement ensemble, M. Bailliez m’appelle son sous-sous-Préfet in partibus. Effleuré pas mal de sujets intéressants sur la situation générale de notre ville, l’arrondissement, etc… Reçu lettre de ma chère femme, avec 2 lettres de Jean et de Robert des 13 et 14. Ils pensaient être relevés bientôt. Quel soulagement quand ce sera chose faite. Je. Le pauvre Jean répondant à sa mère sur ses craintes et sur sa vie lui dit : « Que veux-tu, Maman, une fois qu’on est dans la ligne de feu, on n’a qu’à se dire qu’on en reviendra pas et on marche !! » Pauvres enfants !

Revu mes 2 partenaires cet après-midi. Causé surtout d’allocations militaires et des abus à ce sujet.

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…les (rayé).

Vu à midi au départ de l’autobus place d’Erlon Charles Heidsieck, causé de choses et d’autres. Ses 2 fils Georges et Christian (Georges, tué à Dormans le 16 juillet 1918 (1896-1918), Christian (1897-1982)) sont au Chemin des Dames ! Il ne m’a appris rien de nouveau, sauf qu’il avait vu hier ma pauvre femme et Maurice à Épernay avec mon beau-père qu’il a trouvé bien cassé. (Rayé). Quant à ma femme il lui a trouvé bonne mine.

6h1/2 soir  Temps splendide toute la journée et le calme. Quelle différence avec la journée du 19 septembre 1914, à ce moment la Cathédrale et tout le quartier Cérès flambaient, et j’errais épouvanté dans les rues enflammées !! Quel spectacle inoubliable. Aujourd’hui c’est le silence ! Est-ce qu’enfin Dieu dirait aux allemands de se tenir tranquille et de fuir bientôt ! tout de suite ! Reims je crois a assez expié, et nous-mêmes les survivants pour elle et les autres !! Il serait grand temps que cela arrive, on n’en peut plus ! Je n’en puis plus et je suis tellement impressionnable maintenant, que le moindre bruit, sifflement, éclatement, me fait tomber malade. Mon pauvre cœur bat la chamade au moindre bruit. Je ne puis cependant croire que Dieu veuille me rendre malade à ce point, non ! (Rayé).

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Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Mercredi 19 – + 15° Nuit tranquille, beau soleil. Via Crucis in Cathedrali, cum clero civitatis, in anniversaria die et hora incendii. Visite d’un Capi­taine annonçant la visite du Duc de Connaugth.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Duc de Connaught

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Mercredi 19 septembre

Nous avons arrêté deux tentatives ennemies sur nos petits postes. L’un au sud-est de Saint-Quentin, l’autre dans la région des Bovettes. De notre côté, nous avons réussi des coups de main vers Etancourt et la ferme de la Royère.
Au sud de la Miette, à la suite d’un violent bombardement, des détachements ennemis ont abordé nos lignes vers la route de Neufchatel. Un vif combat s’est engagé dans nos éléments avancés d’où l’ennemi a été entièrement rejeté après avoir subi des pertes sensibles. Nous avons fait des prisonniers.
Sur la rive droite de la Meuse, grande activité des deux artilleries dans la région du bois des Fosses.
Sur le front britannique, rencontre de patrouilles dans le secteur d’Ypres.
On ne signale que des escarmouches sur le front italien.
Sur le front russe, calme dans la région de Riga. Au sud de Frederikstadt, nos alliés se sont, après combat, emparés d’un point fortifié au sud du village de Badeg et ils ont capturé une mitrailleuse.
Dans la vallée de la Susita, les Roumains, après une préparation d’artillerie, ont occupé un secteur de la position fortifiée ennemie. Ils ont repoussé une tentative allemande sur leurs positions de la région Panticu-Merechesti.
Le sous-secrétaire d’État allemand Haddenhausen a désavoué verbalement les menées du comte de Luxbourg à Buenos-Aires.

Source : La Grande Guerre au jour le jour