Louis Guédet

Jeudi 20 septembre 1917

1105ème et 1103ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Nuit absolument calme. Ce matin temps nuageux doux fort agréable, que je voudrais pouvoir courir par les champs par ce temps gris clair d’automne qui a un charme tout particulier en Champagne que j’aime tant, mais hélas ! je suis obligé de me terrer ici. Oh ! quand donc pourrais-je aller et venir sans souci d’un obus, d’un schrapnel ou d’une balle et respirer librement, jouir du beau ciel, du beau soleil ! Quand ? Quand ?…

6h1/2 soir  Reçu quantité de lettres et passé mon après-midi à y répondre. J’ai à peu près fini. Lettre très courte de ma pauvre femme, rien de saillant, mais avec toutes ces lettres je vois que je serai encore obligé d’aller à Paris en octobre. Quelle scie. En tout cas je vais déjà à St Martin, fin de ce mois.

Causé longuement pour les allocations militaires en appel avec Beauvais. Organisé et mis au point le service avec le sous-préfet. J’espère que cela marchera mieux qu’avec les Gauthier et consorts. Quels brouillons !! Il fait de l’orage en ce moment. Rien d’autre de saillant. Je suis fatigué.

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…nous avons suffisamment souffert comme cela !… Cependant !… Il ne faut pas que ce soit toujours les mêmes et sur les mêmes.

1h1/2  Lettre de ma chère femme qui conte son voyage à Épernay. Elle en parait heureuse, tant mieux, elle a si peu de joies depuis 38 mois. Elle me dit hélas que nos deux Grands ne sont pas encore au repos !! Pauvres petits. Lettre de Jolivet qui est revenu à Fère-en-Tardenois en chassé-croisé, voilà leur occupation. Comme moi il trouve que c’est bien…  militaire !… (Rayé).

Courrier assez lourd mais vite déblayé. Je vais aller à la Poste porter mes lettres et voir si j’apprendrais quelque chose de nouveau, d’intéressant ! Madeleine me dit qu’on parle aussi du retrait de l’ennemi devant nous ! Gérardin-Dutemple le lui affirmait, puisse-t-il dire vrai, et que ce soit bientôt. Ils bombardent toujours à longs intervalles égaux, c’est tout. Rien dans nos quartiers, toujours vers Laon, Cérès, Cernay, Pommery… C’est le courant, et puis cela a sa raison d’être à cause de nos batteries.

5h soir  Rien de nouveau, porté mon courrier, acheté un journal « L’Écho de Paris », qui comme tous les journaux célèbre les batailles devant Ypres des anglais, qui avancent de quelques millimètres !! Quel battage !!

Acheté une pile pour ma lampe de poche, et…  rentré ici pour travailler un peu… J’ai fini ce que j’avais à faire.

Ecrit au commandant Barot État-major 6ème Région Châlons-sur-Marne pour lui recommander René Mareschal et voir s’il pourrait aller à Fontainebleau. Je lui envoie la lettre que Mme Gambart m’a écrite à ce sujet (son neveu) (Blanche Gambart est la sœur de Jeanne Mareschal) et je lui souligne son désir de voir aussi Robert y aller et se trouver réuni à René. Si Barot peut quelque chose il le fera. Ce serait toujours 4 mois de répit pour ces 2 pauvres gosses !!

Vu le R.P. Virion qui va quitter Reims pour Dijon, ainsi que le P. Cleisen… Pas vu le P. Desbuquois. Il m’a promis cependant de venir me voir avant son départ de Reims, mais lui reviendra de temps en temps.

Voilà toute ma journée jusqu’à maintenant. Temps splendide !! Quel magnifique automne allons-nous avoir eu !! Et dire qu’il me faut rester terré dans ma maison !! Par ce beau soleil !!…

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Jeudi 20 – Nuit tranquille + 17°. Tempo coperto. Visite au Petit Sémi­naire et à Behtléem. 7 h. orage peu violent, pluie torrentielle.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Jeudi 20 septembre

Les Allemands ont attaqué un saillant de nos lignes à l’ouest de la ferme Froidmond. Après un court et violent combat, nous avons rejeté l’ennemi d’un saillant de tranchée dans lequel il avait pris pied.
De notre côté, nous avons effectué un coup de main dans la région du Four-de-Paris, infligé des pertes à l’ennemi et ramené du matériel. Canonnade intermittente sur le reste du front, vive et soutenue en Champagne, dans la région de Souain et du Téton.
L’artillerie belge a exécuté de nombreux tirs sur les lignes de communications allemandes en représailles d’autres tirs exécutés par l’ennemi dans les secteurs belges. Lutte de bombes aux abords de Dixmude. Sur le front britannique, vive activité des deux artilleries dans le secteur d’Ypres. Les appareils d’artillerie ont continué leur travail en dépit des conditions atmosphériques très défavorables. Un avion allemand a dû atterrir, désemparé, mais deux avions anglais ne sont pas rentrés.
En Macédoine, canonnade dans la boucle de la Cerna et dans la région montagneuse, à l’est de cette rivière. Dans la région des lacs, un détachement français a pris une hauteur sur la rive ouest du lac d’Okrida. Une attaque bulgare a été repoussée à l’ouest du lac de Prespa.
Les Italiens ont fait 200 prisonniers dans le val Sugana.

Source : La Grande  Guerre au jour le jour