Louis Guédet
Jeudi 27 septembre 1917
1112ème et 1110ème jours de bataille et de bombardement
8h matin Nuit calme, mais toujours dormi en éveil. Hier soir rien de saillant à noter. Ce matin je vais aller à la Poste et à la Ville où j’ai à faire. Temps couvert ce matin, ce ne serait pas surprenant que nous ayons de la pluie.
6h1/2 soir Journée monotone et de travail. Rien de saillant. Lettre de Jean qui est toujours près de Verdun avec Robert. Il parle d’être relevé et après le repos d’aller aux Éparges. Pauvres enfants. Je lui ai répondu en lui annonçant que j’allais à St Martin lundi.
Lettre du Docteur Guelliot me félicitant de la Croix de Guerre de Jean. En rentrant du Greffe Civil tout à l’heure vu arriver une auto avec fanion rouge et blanc, autant que j’ai pu voir, devant la Cathédrale, et de laquelle sont descendus un Général, 2 civils et des officiers d’état-major. Impossible de savoir qui ?… Rentré chez moi tout mélancolique. Je suis si triste, si las, si fatigué.
Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils
Cardinal Luçon
Jeudi 27 – + 14°. Tempo coperto. Nuit tranquille. Visite du Commandant Daumont, Chef d’État-major de la 58e Division venant m’informer de la visite du Roi d’Italie(1), pour 5 h. 15. A 5 h. 15, visite du Roi, que je n’ai pas reconnu ; n’ai salué que le Président M. Poincaré, et la nombreuse couronne de généraux et d’officiers réunis devant la Cathédrale. Je croyais qu’on attendait le Roi ; après quelques instants, M. Poincaré me dit que le Roi serait content que lui fisse visiter la Cathédrale. Je m’en ferai un plaisir et un honneur. Nous y allons : à l’entrée de l’enclos le Président m’offre de me céder le pas ; je n’accepte pas. Item à la porte de la Cathédrale. Après quelques instants, je témoigne à M. Poincaré mon étonnement du retard du Roi : y aurait-il eu quelque accident ? Le Roi ? mais il est ici, le voilà ! Je me retourne et salue le Roi. A partir de ce moment le Président s’est tenu en arrière et m’a laissé faire seul les honneurs de la Cathédrale au Roi. En sortant, M. Poincaré m’a encore voulu céder le pas, je n’ai pas accepté. On part pour faire le tour de la Cathédrale. Nous allions sur le trottoir le long des murs pour ne pas être aperçus des avions allemands. Le Roi et moi marchions au 1er rang. Place des Halles, des dames invitent le cortège à entrer. M. le Président dit : Si c’est le Cardinal qui nous invite, nous irons ; cela fera plaisir à ces bonnes gens. Avant que j’ai eu le temps de répondre on y va, on y entre. Une dame offre un bouquet au Roi. M. Poincaré détache la montre de son poignet et la lui donne. On reprend le chemin de l’Hôtel-de-Ville. Toujours je marche seul avec le Roi. Arrivé près de l’Hôtel- de-Ville, sans quitter le trottoir, on s’arrête. On cause un instant. Puis, le Roi me serre la main, et tous les personnages, le Ministre Painlevé. Les Généraux viennent me serrer la main et me saluent en montant en automobile. Tout s’est passé comme si j’avais été le principal personnage de la Société. Ce dont je suis tout confus, tout honoré pour l’Église et pour la Religion. Les Rémois l’ont remarqué et en ont été heureux : C’était l’Union Sacrée. Vers 4 h. on entendit quelques bombes sur les batteries.
Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173
(1) Victor-Emmanuel III (1869-1947), roi d’Italie (1900-1946), empereur d’Ethiopie (1936- 1943), Roi d’Albanie (1939-1943).
Jeudi 27 septembre
Activité marquée des deux artilleries en quelques points du front de l’Aisne et sur la rive droite de la Meuse. Nos batteries ont pris sous leur feu et dispersé des rassemblements ennemis au nord de Beaumont. Deux avions allemands ont été abattus et deux autres gravement endommagés.
Les gares de Roulers et de Lichtervelde, les cantonnements de Nantillois, les gares de Brieulles, de Metz-Woippy, etc, ont été copieusement arrosés de projectiles par nos escadrilles.
Nos alliés britanniques ont attaqué sur un large front dans le secteur de bataille à l’est et au nord-est d’Ypres. Les rapports signalent une avance très satisfaisante.
Un coup de main a été effectué à l’est de Gouzeaucourt par des troupes de Suffolk qui ont rencontré une vigoureuse résistance. Deux abris occupés ont été détruits et de nombreux ennemis ont été, en outre, tués à la baïonnette.
En Macédoine, la canonnade a réduit son intensité, sauf sur la Basse-Strouma, où elle a pris une certaine activité.
Les aviateurs britanniques et serbes ont bombardé les campements bulgares aux environs de Demir-Hissar et de Doiran.
Les zeppelins et les avions allemands ont accompli en Angleterre deux nouveaux raids, dont l’un aux abords de Londres. Il y a eu des victimes.
Source : La Grande Guerre au jour le jour