Louise Dény Pierson

Fin septembre je revins à Reims, pour les vendanges qui eurent lieu, tant bien que mal, les trous d’obus rebouchés, les échalas remplacés, les fils retendus.
Mais cette période de vendanges, qui était une fête autrefois était devenue bien morose, pas de chanson, pas de longues conversations dans les « Hordons » chacun avait les nerfs tendus et les sens en alerte, attendant des projectiles qui, heureusement n’arrivèrent pas.
>> Note : l’image ci-dessus est un document publié sur le site de l’Union des Maisons de Champagne

Ce texte a été publié par L'Union L'Ardennais, en accord avec la petite fille de Louise Dény Pierson ainsi que sur une page Facebook dédiée :https://www.facebook.com/louisedenypierson/

 Louis Guédet

Vendredi 28 septembre 1917

1113ème et 1111ème jours de bataille et de bombardement

8h matin  Nuit tranquille, ce matin brouillard intense, le calme nécessairement.

1h  Hier soir les Officiers généraux qui stationnaient devant la Cathédrale attendaient le Roi d’Italie, Poincaré, Painlevé, etc…  qui ont visité la Cathédrale avec le Cardinal Luçon et Émile Charbonneaux. Rien de saillant du reste. Ce matin visite du P. Desbuquois qui m’a appris la mort du bon petit Père Pottié, ancien professeur, aumônier de Jean et Robert qu’il affectionnait particulièrement, infirmier-aumônier au 217ème d’Artillerie, 22ème batterie. Il a été tué devant Douaumont par un éclat d’obus qui venait du haut, lui a traversé la clavicule gauche et transpercé le cœur. Il était très brave et même téméraire (Lucien-Albert Pottié est décédé le 21 septembre 1917 à La Chiffourne, dans la Meuse). Cette mort m’affecté, c’était un des professeurs des enfants que j’avais en profonde estime. Je suis sûr que cela peinera mes 2 grands. Reçu 2 lettres de Madeleine, me disant que Robert était auprès du fils Charpentier, neveu de l’abbé Camu, et lui causait quand il a été tué (Aspirant Louis Georges André Charpentier, 61ème RA, tué par éclats d’obus le 8 août 1917 à Verdun). Elle me propose de demander à Robert des détails sur sa mort pour les donner à l’abbé Camu que je vais voir tout à l’heure à ce sujet.

Le gardien de la Cathédrale (en blanc, non cité) à qui je causais de la visite du roi d’Italie hier, me disait qu’il le trouvait affreusement laid : « Est-y laid ! est-y laid ! » s’exclamait-il ! « Mais, à part moi je me disais : « Tu ne t’as donc pas regardé ? » Car le susdit est laid comme le péché !! Comme quoi on trouve toujours plus laid que soi !!

7h soir  Eté Poste 2h. Vu l’abbé Camu qui a accepté que je lui demande des détails de la mort de son neveu à Robert. Il parait (m’a-t-il dit) que le roi d’Italie a été très aimable avec le Cardinal, de même Poincaré qui insistait pour que Mgr Luçon fit les honneurs (?!) de la Cathédrale au roi. Il a même eu un mot aimable pour lui en lui rappelant sa décoration récente.

Passé au Palais pour prendre les mesures nécessaires pour emballer les livres de mon cher Procureur Général. Puis rentré ici travailler et finir mon courrier. Le calme. J’espère néanmoins à voir arriver lundi sans encombre. Un rien me fait tressaillir !… Je suis bien émotif, bien affaibli.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

 Cardinal Luçon

Vendredi 28 – + 14°. Nuit tranquille. Visite aux Halles à 8 h. 1/2, et au Boulevard de la Paix et Gerbert. Via Crucis in Cathedrali à 6 h. soir. Jour­née tranquille.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Vendredi 28 septembre

Sur le front de l’Aisne, les Allemands ont manifesté une particulière activité. Après un violent bombardement de nos positions, depuis les Vaux-Mérous jusqu’à l’ouest de Cerny, l’ennemi a attaqué au sud de l’arbre de Cerny, mais il a dû, sous nos feux, regagner ses lignes non sans avoir subi de lourdes pertes. Une seconde attaque, déclenchée entre le plateau des Casemates et le plateau de Californie, a été également refoulée.
Deux coups de main allemands : l’un sur la rive droite de la Meuse, dans la région de Beaumont; l’autre en Alsace, dans la région du Linge, ont complètement échoué.
L’attaque anglaise entre Tower-Hamlet et St-Julien a fort bien réussi. Nos alliés ont achevé la conquête de l’éperon de Tower-Hamlet et livré un combat victorieux au nord de la route d’Ypres à Reims. Ils ont chassé l’ennemi de ses positions. Plus au nord, les Australiens ont enlevé le reste du bois du Polygone. A leur gauche, les Anglais, Écossais et Gallois ont pénétré de 1600 mètres en profondeur dans les lignes allemandes et pris Zonnebecke. Entre St-Julien et Gravenftatel, l’avance a été de 2400 mètres. Toutes les contre-attaques allemandes ont été repoussées. Plus de 1000 prisonniers ont été faits. 17 aéroplanes ennemis ont été abattus.
Les Allemands ont tenté des reconnaissances dans le golfe de Riga.
Les Anglais continuent à bombarder journellement le littoral flamand.

Source : La Grande Guerre au jour le jour