Louis Guédet

Lundi 13 août 1917

1066ème et 1064ème jours de bataille et de bombardement

6h1/2 matin  Nuit relativement calme, d’heure en heure, irrégulièrement par salves de 4 – 5 obus. Mal dormi quand même. Il va faire beau je pense. Le soleil est radieux en ce moment. Pourvu que mon voyage se passe bien, et qu’il n’arrive rien ici durant mon absence. J’espère bien être rentré vers 7h ce soir. Je suis toujours fort affaibli, à certains moments j’ai des crises de découragements qui me rendent fou. Quelle existence…  sans issue…  sans avenir…  sans solution.

8h soir Rentré ici de Nanteuil- la-Fosse vers 6h du soir. On avait bombardé une partie de la journée durant mon absence. Là-bas trouvé tout mon monde pour l’inventaire. M. Macquart, Maire de Pourcy, frère du défunt, très brave homme, mais encore déprimé des 28 mois passés en pays envahis où il avait été emmené par les allemands le 12 septembre 1914. Il était à Tagnon. Comme tous les rapatriés il est hésitant à répondre à vos questions, suite de la terreur subie là-bas et de la prudence qu’ils devaient avoir dans leurs réponses avec les allemands, on croirait qu’ils ne veulent rien vous dire. Ils sont comme des gens venus de l’autre monde, l’œil fixé, et singulier. J’ai déjà fait cette remarque nombre de fois sur des rapatriés : on dirait qu’ils veulent vous cacher quelque chose. Nous avons causé de leur vie là-bas. A proprement parler ils n’étaient pas très-très malheureux, mais quelle vie douloureuse. A son retour il a été très surpris de l’aisance en France et qu’on nous ait laissé si près du front. Avec les allemands c’est tout le contraire, et du reste jamais ils n’ont approché du front, tellement les allemands étaient méfiants. Il m’a confirmé, hélas, les faiblesses coupables des femmes, même de la classe fort aisée : il y a des enfants !! et de plus il disait qu’il fallait surtout se méfier des femmes qui se livraient volontiers à la délation et à l’espionnage !! Du reste les allemands ne s’en cachant pas et ils ajoutaient que la France sera peuplée, après la Guerre, du produit de toutes les races !!

Déjeuner de campagne, qui me rappelait ceux de mon Grand-oncle Cosson à Perthes, très copieux. Le portage traditionnel de midi, poulet rôti, marcassin tué par M. Macquart, petit-pois, salade et poires, le tout arrosé de vin blanc du pays environnant. J’ai revécu quelques instants de ma jeunesse, si loin déjà !! dans cette grande salle à manger avec sa grande cheminée en pierre et sa taque de foyer immense aux armes de France et de Navarre. Reparti vers 3h par St Imoges, la route du matin par Sermiers étant trop mauvaise.

Rentré ici, fatigué et le cœur serré. On ne sait pas l’angoisse que je ressens quand je rentre ici !! C’est horrible.

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Cardinal Luçon

Lundi 13 – Nuit tranquille. Visite du Commandant Costa de Beauregard, cantonné à La Pompelle. Bombardement à partir de 11 h. A 1 h. un gros obus tombe près de la Cathédrale dans les ruines de l’Archevêché ; j’ai vu la fumée ; à 1 h. 8 m. une autre bombe tombe sur la voûte entre les 2 tours ; à 10 h. un autre obus au même endroit ; on le voit à la fumée ; éclats sur la maison ; deux tués.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173


Lundi 13 août

A l’est de Fayet, nos troupes ont entièrement reconquis les éléments de tranchées enlevées par les Allemands pendant la nuit du 9 au 10 août. Nous avons fait une vingtaine de prisonniers au cours de cette action. Dans le secteur ferme Noisy-moulin de Laffaux, nos reconnaissances ont effectué plusieurs incursions dans les lignes ennemies et ramené des prisonniers.
Au sud d’Ailles, les Allemands ont renouvelé leurs tentatives sur la tranchée que nous avons conquise d’hier. Deux attaques, dont l’une très violente, ont été repoussées avec des pertes sérieuses pour l’ennemi. Nos troupes, qui ont maintenu toutes leurs positions, ont réalisé de nouveaux progrès au cours de la nuit.
En Champagne, et sur les deux rives de la Meuse, lutte d’artillerie assez active. A l’ouest d’Avocourt, nous avons arrêté un coup de main ennemi.
Rencontres de patrouilles en Alsace, dans le bois de Carspach.
Sur le front d’Orient, l’ennemi a tenté plusieurs attaques près du lac Doiran, dans la boucle de la Cerna et entre les lacs de Presba et d’Okrida. Il a été partout repoussé.
Sur le front britannique, le temps est demeuré pluvieux et orageux. Un combat a eu lieu pour la possession d’un entonnoir à l’est de Givenchy-lès-la-Bassée. Les troupes de nos alliés se sont établies sur le rebord de l’entonnoir et ont repoussé une contre-attaque.

Source : La Grande Guerre au jour le jour