Louis Guédet

Mercredi 4 juillet 1917

1026ème et 1024ème jours de bataille et de bombardement

9h matin  Nuit lourde et orageuse. Assez calme, pas trop de bombardements, seulement des batailles un peu partout, surtout vers Pompelle, Mont-Haut. Quand les hommes se tiennent à peu près tranquilles les éléments s’en mêlent. Orage très violent vers 3h du matin. Ce matin temps lourd, humide, déprimant. Mes 2 bonnes ont été malades une partie de la nuit. Cerises cuites dans une casserole mal récurée. Çà les apprendra pour une autre fois, surtout Lise qui est plutôt sans soin. Tandis qu’Adèle est un peu molle et apathique. Assez mal dormi quand même. J’attends le courrier avec impatience pour savoir si Robert a oui ou non son congé, et surtout pour avoir des nouvelles des pauvres petits. Il parait que les combats vers Mort-Homme, Cote 304, Avocourt et Verdun sont très meurtriers. Que Dieu les protège !!

4h soir  Peu de lettres, rien de St Martin. Une lettre de mon confrère de Verzy, Labitte, qui a repris du service et est capitaine au 40ème d’Artillerie à Rennes. Il me blague au sujet de ma circulaire demandant, au nom du Procureur de la République à tous les notaires mobilisés de l’arrondissement de Reims leurs citations et décorations. Et pour terminer il me dit son étonnement de ne pas me voir encore décoré. C’est extraordinaire comme quantité de gens me décorent et me souhaitent ce fameux ruban. Et il n’y a que moi que cela laisse pour ainsi dire indifférent ! Il est vrai que cela musèlerait quelques mauvaises langues et quelques envieux ou poltrons. Ce serait la seule utilité pour moi, et j’en serais plutôt heureux pour ma chère femme et mes chers petits. En dehors de cette lettre, rien de saillant. Je tue ma journée comme je puis, et j’ai hâte de pouvoir aller me reposer un peu à St Martin, mais sans voir mes 2 grands hélas.

Il fait lourd, orageux, on est très fatigué de cette température chaude et humide qui s’éternise, et ajoutez à cela les nuits presque sans sommeil. C’est tuant.

6h1/2 soir  Bombardement lent depuis 4h soir vers Barbâtre.

8h1/4 soir  Après dîner, vers 7h3/4 je sors et, ne sachant ou diriger mes pas, je suis la rue des Capucins, sonne au 40 chez Melle Payard qui allait dîner. Je lui dis 2 mots, et la réflexion me vient de m’assurer si le cardinal (est au courant) a eu connaissance de l’article de Rodin, le sculpteur bien connu, reproduit par l’Éclaireur de l’Est de lundi dernier (avant-hier) 2 juillet 1917, au sujet de la désaffectation de la Cathédrale de Reims pour en faire une sorte de Panthéon, de nécropole des Morts de cette Guerre !!…

Je descends la rue Libergier et je sonne au 40, c’est l’abbé Lecomte, le secrétaire Général (que je voulais voir) qui m’ouvre, il cueillait des haricots avec une vieille sœur. Il quitte sa cueillette et me conduit près de l’escalier de l’entrée du bâtiment qu’il occupe, à droite en entrant au bout du jardin qui est sur la rue. La chapelle en ruines est à droite, à 6/8 mètres de l’endroit où nous étions assis. Nous nous asseyons, nous causons, il me tranquillise, il avait eu connaissance de l’article ainsi que Son Éminence qui avait eu presque aussitôt occasion de protester contre cette pensée auprès d’officiers (si on croit que cela m’étonne de la part de ces pierrots-là) qui avaient l’air de l’applaudir. J’te crois !! Nous conversons ensuite de la visite de Lenoir et Forgeot (Pierre Forgeot, député de la Marne, il fera partie de la commission chargée du projet de loi sur les réparations et dommages de guerre (1888-1956)) députés au Cardinal lundi dernier. Il parait que nos Édiles Bourbonnaises étaient assez émus…  « de la chaleur communicative des banquets »…  en fait cela s’est bien passé et je crois par Beauvais que nos députés sont revenus enchantés de l’accueil fait par le Cardinal. Au moment où nous entamions ce sujet un obus contre avions siffle très près. Je regarde où il peut tomber (nous nous étions levés tous deux de nos chaises), il était 8h05, et je le vois arriver sur le toit démoli de la chapelle, à un mètre à droite d’une chambrette

Le bas de la page a été découpé.

…voir dans la chapelle s’il y a des éclats. Rien, un peu de plâtras, des éclats de pierre brisés, quelques lattes et c’est tout, l’obus s’est brisé en éclats infinitésimaux. Nous nous quittons sur cette émotion. En sortant, causons de l’incident avec le Directeur des postes M. Colson et quelques pompiers de Paris.

Le schéma de la scène de la chute de l’obus est en pièce jointe.

Je rentre chez moi un peu émotionné. De peu de choses en somme, mais je suis heureux d’avoir pu constater (comme je l’ai déjà fait hélas nombre de fois) qu’on peut voir arriver un obus près de soi et éclater. C’est un éclair entre la vision et l’éclatement !

Impressions, Louis Guédet, Notaire et Juge de Paix à Reims. Récits et impressions de guerre d'un civil rémois 1914-1919, journal retranscrit par François-Xavier Guédet son petit-fils

Paul Hess

4 au 7 juillet 1917 – Violents bombardements, principalement vers Ponsardin, Gerbert, Saint-Marceaux.

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos


Cardinal Luçon

Mercredi 4 – + 17 °. Nuit assez tranquille. De 5 à 6 h. orage. Baptême d’un soldat juif M. G. Schwab. Bombardement continu depuis 3 h. jusqu’à 7 h. Des éclats sont tombés nombreux chez nous. Nuit (du 4-5) tranquille en ville.

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. par L’Académie Nationale de Reims – 1998 – TAR volume 173

Mercredi 4 juillet

Après une recrudescence du bombardement, les Allemands ont lancé une série d’attaques violentes sur les tranchées que nous avons reprises de part et d’autre de la route Ailles-Paissy. Une lutte très vive, qui a duré toute la nuit, s’est terminée par l’échec complet de l’ennemi. Nous avons maintenu toutes nos positions.
Plus à l’ouest, deux coups de main sur nos petits postes ont également échoué.
Sur la rive gauche de la Meuse, la lutte d’artillerie a augmenté d’intensité vers le milieu de la nuit dans le secteur cote 304-bois d’Avocourt. Les Allemands ont attaqué sur un front de 500 mètres à la corne sud-est de ce bois. Les vagues d’assaut, brisées par nos feux, n’ont pu aborder nos lignes. L’ennemi n’a pas renouvelé sa tentative.
A l’est de Coucy-le-Château, rencontres de patrouilles. Nous avons fait des prisonniers dont un officier.
Les Anglais, grâce à une série de coups de main à l’ouest d’Avrancourt et au nord de Nieuport, ont fait un certain nombre de prisonniers. Ils ont repoussé une attaque contre leurs postes avancés au sud de la Cojeul.
Les Russes ont poursuivi leur offensive avec succès en Galicie. Le chiffre de leurs prisonniers dépasse 13200.

Source : La Grande Guerre au jour le jour